avril 18, 2024

La Pagode en Flammes

Titre Original : China Girl

De : Henry Hathaway

Avec Gene Tierney, Victor McLaglen, Sig Ruman, Robert Blake

Année : 1942

Pays : Etats-Unis

Genre : Drame

Résumé :

Pendant la Seconde Guerre Mondiale, Johnny Williams, prisonnier des Japonais en Chine, réussit à s’évader avec l’aide du major Weed et de son amie Fifi. Véritable baroudeur, Weed entraîne Johnny à Mandalay, où il fait la connaissance de Miss Young, une charmante jeune femme. Celle-ci ne tarde pas à lui apprendre la véritable identité de ses deux compagnons : ce sont des espions à la solde de l’ennemi. Il décide alors de les semer, et part rejoindre Miss Young dans le village de Kuming, où la bataille fait rage…

Avis :

En pleine tourmente de la Seconde Guerre mondiale, le cinéma de la période 1939/1945 est marqué par des productions majoritairement engagées. En France, bien que les métrages se fassent plus rares qu’avant-guerre, on peut évoquer Le Corbeau. Mais ce sont surtout les films américains qui tiennent littéralement le haut de l’affiche. Hollywood enchaîne alors les projets à pure vocation divertissante avec des incursions plus partiales dans leur réalisation. Preuve en est avec La Pagode en flammes dont le tournage survient quelques mois après l’attaque de Pearl Harbor. Avec un tel contexte, difficile de ne pas entrevoir le message proaméricain qui découle de l’histoire.

Dans cette optique, la première approche demeure flagrante. L’objectif est d’orienter, voire de manipuler, l’opinion du spectateur. En ce sens, le traitement fait preuve d’un manichéisme exacerbé. Sans subtilité ni nuance, les soldats de l’Empire du Japon sont dépeints par des traits caricaturaux. On affuble les antagonistes de travers grossiers et de comportements veules. Exécutions sommaires, fourberie des attaques sur des écoles, occupation sur le sol chinois… Si ce dernier point constitue une réalité historique indéniable, le cinéaste s’acharne à diaboliser l’ennemi à la limite du ridicule. On comprend le sentiment patriotique en de telles circonstances ; moins cette approche percluse de clichés.

Peut-on qualifier La Pagode en flammes de film de propagande ? Au vu de ce traitement, le doute est permis. De même, l’avilissement des antagonistes passe par un total contraste avec le camp américain. Pour celui-ci, on s’oriente alors vers un registre encenseur où l’on confère aux individus toutes les qualités et valeurs possibles. Entreprenant, séducteur, altruiste, protecteur… Il est difficile d’identifier la frontière entre la promotion du consumérisme américain, sa politique colonialiste et le rôle du pays pendant la Seconde Guerre mondiale. De même, certains traits du protagoniste le rendent antipathique tels l’opportunisme ou le machisme dont il fait preuve à la moindre occasion. À certains égards, on distingue même une condescendance raciale.

Il est d’autant plus regrettable que le film d’Henry Hathaway comporte des qualités évidentes. On songe tout d’abord à ce mélange des genres homogène et bien amené à l’intrigue. Entre aventures, guerre, espionnage et romance, le récit présente des situations variées où le changement de registre permet d’entrevoir différentes facettes des personnages. Cela contribue à instaurer une ambiance qui évolue au gré d’évènements perturbateurs, certes cousus de fils blancs, mais qui font leur office. Pour autant, le dépaysement n’est pas de circonstances. On distingue aisément les subterfuges propres au tournage en studio, ne serait-ce que par la restriction du cadre ou la propension dominante des lieux intérieurs.

Principal théâtre de l’action, le grand hôtel possède quelques similarités avec le night-club de Casablanca. On songe à cette convergence des forces ennemies dans un environnement censément neutre ou cette volonté d’insuffler une parenthèse d’insouciance dans le conflit. Pour autant, les personnages des deux films se trouvent aux antipodes. L’asymétrie des motivations tient à leur engagement respectif. Rick Blaine (Humphrey Bogart) délaisse son implication initiale, tandis que Johnny Williams (George Montgomery) refuse de s’investir avant de prendre parti. Le rapprochement s’arrête pourtant à cet état de fait, car les deux productions ne revêtent ni la même aura ni le même objectif.

Au final, La Pagode en flammes laisse une impression en demi-teinte. On a beau apprécier le contexte ou l’idée de départ, le film d’Henry Hathaway se pare d’un discours propagandiste guère dissimulé. À sa sortie, l’intrigue a pu avoir une résonnance particulière. De nos jours, un tel message présente un caractère suranné et dualiste qui occulte l’histoire, comme la mise en scène. De prétextes en caricatures, la narration linéaire se dirige uniquement vers des propos adulateurs pour les uns et sentencieux pour les autres. Il n’y a qu’à voir le bombardement d’une école ou les condamnés qui refusent de tourner le dos aux exécutants pour s’en convaincre. Dommage, car le mélange des genres fonctionne et l’éclatante Gene Tierney a un charme fou. 

Note : 12/20

Par Dante

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