avril 20, 2024

Firewatch

Résumé :

Firewatch est un jeu à la 1ère personne plein de mystères qui se déroule dans le décor sauvage du Wyoming. Vous incarnez un pompier perdu qui va devoir survivre et voyager à travers de nombreux paysages pour retrouver la civilisation.

Avis :

Au fil des années, le jeu vidéo tend à explorer de nouveaux concepts en vue de redéfinir l’expérience vidéoludique. Celle-ci ne passe plus uniquement par la qualité du gameplay ou de la scénarisation. Afin de se démarquer, nombre de productions se fondent désormais sur l’aspect émotionnel, l’atmosphère propre à immerger le joueur par d’autres moyens que le sensationnalisme ou l’action. Dans cette mouvance, le jeu d’aventures offre un potentiel indiscutable, notamment à travers une variante peu connue auprès du grand public : le Walking Simulator ou simulateur de marche. Un sous-genre dans lequel s’inscrit Firewatch.

Le simulateur de marche : synonyme d’ennui ou d’immersion ?

Avancé comme cela, un simulateur de marche (ou First Person Walker pour certains titres) peut sembler rébarbatif. En l’absence d’une ligne directrice et d’une idée novatrice, il est facile de sombrer dans l’ennui ou l’incursion anecdotique. Pour parvenir à un résultat convaincant, les développeurs doivent surmonter le caractère passif de l’exercice. Dans le cas contraire, il se crée une distance avec le jeu et son histoire. Le concept semble donc plus délicat à mettre en œuvre qu’il n’y paraît.

Si les fondamentaux sont correctement exploités, il en émane un sentiment d’immersion d’autant plus percutant et mémorable. Qu’importe alors le minimalisme du gameplay ou encore un aspect technique relégué au second plan. D’où la nécessité de compenser ces éventuelles « carences » par d’autres procédés. À commencer par une intrigue entraînante, maîtrisée et, dans la mesure du possible, originale, à tout le moins singulière dans son traitement.

La vie au grand air…

Sous couvert d’une situation personnelle compliquée et chaotique, Firewatch développe un contexte dramatique qui sert de filigranes à un récit orienté vers l’aventure, cadre oblige. Si l’on prend place dans les années 1980, les allusions à la décennie sont ténues. À la rigueur, on peut songer au matériel, même si l’isolement dans la forêt et le métier de garde-chasse confèrent d’emblée un dénuement de circonstances. 

Le propos a beau rester simple, il n’en demeure pas moins mature et plein de sous-entendus. À travers les états d’âme du protagoniste et ses discussions avec sa référente, on évoque des sujets variés tels que la maladie d’un proche, le sentiment de culpabilité, l’alcoolisme et, bien évidemment, la solitude. Ce qui s’apparente comme un retour aux sources salvateur se mue progressivement en exil volontaire, voire une fuite des problèmes liés au quotidien. Le ton reste mesuré et les lignes de dialogue particulièrement bien écrites.

Un drame introspectif en pleine nature

Progressivement, une véritable complicité se tisse entre les deux intervenants. Ce tour de force tient à l’absence de visuel direct. Il faut se focaliser sur leurs paroles, leur personnalité respective et leurs aspirations pour développer cette connivence à travers l’entremise d’un talkie-walkie. Des premiers échanges formels, les deux protagonistes s’abandonnent à des confidences révélatrices de leur mal-être, à tout le moins de leur situation sociale et professionnelle brinquebalante.

Le travail d’écriture nuance leur évolution au fil de considérations qui, sans se perdre dans des interprétations métaphysiques, abordent la vie et le sens de l’existence d’une manière plus prosaïque. Avec une maladresse et un attendrissement qui les caractérise, il s’en dégage des portraits pleins d’humanité à travers leurs joies, leurs peines, leurs désillusions, leurs failles. A fortiori dans le domaine du virtuel, il n’est guère courant d’appréhender une telle capacité de résilience chez les personnages.

Une petite randonnée ?

Au sortir de ces considérations, l’aventure en elle-même tient à la découverte d’une zone forestière située dans le Wyoming qui s’inspire en partie de grands sites. On songe, entre autres, au parc national de Yosemite, ainsi qu’à Yellowstone. Bien qu’il soit possible de parcourir le cadre sans restriction aucune (ou presque), il ne s’agit pas d’un open-world. Quant à la map, elle se présente sous la forme d’un unique secteur de surveillance. Cela compense la modestie des moyens déployés.

De même, le procédé implique une bonne mémorisation des environnements. Le sens de l’orientation du joueur est ainsi mis à contribution pour se repérer. Il y a bien la carte et la boussole qui permettent de mieux se situer. Toutefois, certains effets visuels ou la capacité à identifier un élément spécifique sont d’une grande utilité pour éviter de tourner en rond ou d’effectuer de multiples allers-retours sans trouver son chemin.

Au cœur de la forêt…

Firewatch se distingue également par une direction artistique de haute volée. On songe à la variation des parties boisées avec la proximité de plans d’eau ou le contraste offert par des secteurs « désertiques » qui retranscrit l’image idyllique de l’Arizona et plus particulièrement du Grand Canyon. Les jeux de lumière, le choix des couleurs et certains tons pastel affichent un traitement pictural qui n’est pas sans rappeler quelques courants artistiques notables.

On peut évoquer l’impressionnisme ou le mouvement expressionniste qui, à leur manière, déforme les traits de la réalité pour en dépeindre une vision tournée vers une poésie toute subjective. Il s’en dégage une véritable sensation de dépaysement, soutenue par des instants propices à la contemplation. À ce titre, la bande-son parfait le tableau avec des morceaux de qualité qui sous-tendent tour à tour l’exploration, puis le mystère qui entoure certains faits, comme d’éventuelles disparitions.

Une prise en main minimaliste qui n’atténue en rien l’immersion

Comme évoqué précédemment, le gameplay s’avère minimaliste. Les déplacements sont donc sommaires avec des sauts relativement permissifs dans le timing. On notera quelques phases d’escalade et de descente en rappel qui viennent apporter un peu de variété dans l’exploration des lieux. Afin de parcourir plus rapidement la zone forestière, il est possible de se servir de la fonction automatique de courses. Suivant les choix de développement, certains obstacles sont franchissables, d’autres non.

Il faut également compter sur quelques ajouts tels que la prise de photographies ou l’utilisation de la hache de pompier pour dégager un sentier autrement impraticable. Sans pour autant faire preuve de passivité, le système offre une interaction basique qui, pour rappel, ne constitue pas l’intérêt même du titre. À la rigueur, on peut considérer le gameplay comme un élément d’accompagnement et non central pour se distinguer d’une pure aventure narrative. Autrement dit, on dispose de possibilités limitées qui font néanmoins leur office pour découvrir le jeu dans de bonnes conditions.

Une excursion forestière de longue haleine ?

Composé de 9 chapitres s’étendant sur la période estivale (environ 80 jours), Firewatch possède une durée de vie approximative de 5 heures pour boucler l’aventure. On peut toujours parcourir le titre en mode libre ou avec les commentaires des développeurs. Cependant, les choix faits lors du prologue n’ont aucune conséquence sur la suite de l’intrigue ni sur la perspective d’une personnalisation du protagoniste. Cela vaut aussi pour les fréquentes interrogations ou les réponses données dans les dialogues.

Il reste que l’ambiance à elle seule peut encourager à se replonger dans le titre de Campo Santo. De même, plusieurs easter eggs et caches de vivres sont à dénicher aux quatre coins de la carte. Il existe également une fin alternative. Néanmoins, celle-ci résulte uniquement d’un choix de dernière minute et n’impose pas de refaire le jeu dans son entièreté pour la découvrir.

En conclusion…

Au final, Firewatch s’avance comme un jeu recommandable à plus d’un titre. La première incursion vidéoludique de Campo Santo se solde par une réussite indéniable en matière de dépaysement, de tensions dramatiques et d’aventures. Si l’on note quelques errances techniques, la direction artistique demeure somptueuse, renvoyant à une vision presque surréaliste de la nature tant l’approche audacieuse est empreinte de poésie.

Alors que d’autres productions misent sur la complexité ou l’intérêt que l’on porte à l’histoire, Firewatch se focalise sur l’atmosphère qui émane de ses contrées forestières. Accompagnée ponctuellement d’une bande-son de qualité, l’aventure se révèle aussi simple que séduisante. On apprécie la finesse d’écriture des dialogues, la psychologie des personnages, ainsi que cet environnement à la beauté épurée. Il en ressort une expérience contemplative à l’identité forte et au parti pris ambitieux.

Note : 16/20

Par Dante

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