De : Jonathan Dayton et Valerie Faris
Avec Abigail Breslin, Toni Collette, Greg Kinnear, Steve Carell, Paul Dano, Alan Arkin
Année : 2006
Pays : Etats-Unis
Genre : Comédie, Drame
Résumé :
L’histoire des Hoover. Le père, Richard, tente désespérément de vendre son « Parcours vers le succès en 9 étapes ». La mère, Sheryl, tente de dissimuler les travers de son frère, spécialiste suicidaire de Proust fraîchement sorti de l’hôpital après avoir été congédié par son amant.
Les enfants Hoover ne sont pas non plus dépourvus de rêves improbables : la fille de 7 ans, Olive, se rêve en reine de beauté, tandis que son frère Dwayne a fait vœu de silence jusqu’à son entrée à l’Air Force Academy.
Quand Olive décroche une invitation à concourir pour le titre très sélectif de Little Miss Sunshine en Californie, toute la famille décide de faire corps derrière elle. Les voilà donc entassés dans leur break Volkswagen rouillé : ils mettent le cap vers l’Ouest et entament un voyage tragi-comique de trois jours qui les mettra aux prises avec des événements inattendus…
Avis :
Amoureux à la ville, Jonathan Dayton et Valerie Faris ont d’abord fait leurs armes sur des clips vidéo pour des groupes tels que Red Hot Chili Peppers ou The Smashing Pumpkins. Leur arrivée dans le cinéma ne se fera pas sans mal, puisqu’il faudra compter pas moins de cinq pour que Little Miss Sunshine puisse voir le jour. Cinq ans à réunir les huit millions nécessaires pour faire le film, le tourner et le faire passer en post-production. Doté d’un casting cinq étoiles, porté aujourd’hui par des prix et un statut d’œuvre culte, Little Miss Sunshine fait office de référence dans la comédie dramatique américaine. Pour autant, on le sait, les chefs-d’œuvre sont les films qui restent dans le temps et qui ne vieillissent pas vraiment. Qu’en est-il alors de ce film ? Autant le dire de suite, il reste un immanquable, un incontournable, une claque d’une douceur infinie.
Road Trip
Dans ses grandes lignes, le scénario de Little Miss Sunshine est simple. Une jeune fille de dix ans souhaite participer à un concours de mini-miss. Elle est sélectionnée est doit faire les phases finales en Californie. La famille, dysfonctionnelle, fait alors le choix d’accompagner la jeune fille à son concours. En faisant le choix d’un long voyage en mini-bus, les deux réalisateurs vont alors pouvoir parler de tous les personnages, de tout ce qui fait leurs différences, mais aussi de tout ce qui les rapproche. En l’état, ce film est un microscope qui zoome sur les problèmes familiaux de tout un chacun, et malgré les tensions, les envies et les déboires de tout le monde, on ne peut que s’y reconnaître à un moment ou à un autre. En effet, chaque membre de la famille a une importance capitale et un demeure un élément solide d’une structure fragile et gracieuse.
Le Père
La famille Hoover ressemble à n’importe quelle famille sur on jette un regard lointain. Un couple marié, qui semble heureux, avec deux enfants, un garçon et une fille, et, cerise sur le gâteau, le grand-père qui vit dans la maison. Bref, tout ce petit monde semble exemplaire, mais il n’en est rien quand on rentre dans cette maison. A commencer par le père, sûr de lui, ayant même écrit un bouquin pour réussir sa vie en neuf étapes. Sauf que son livre ne se vend pas et que malgré tous ses beaux discours sur la gagne, la réussite, il est un looser invétéré. Détestable au début, il va se rendre compte de sa bêtise au fur et à mesure du voyage et que même en perdant, on apprend, on avance, et il va alors tout faire pour sa fille, pour en pas briser son rêve.
Il se rend compte d’ailleurs à quel point la vie est fragile lorsqu’il perd son père de façon abrupte, ou lorsqu’il se rend compte de son erreur à pousser sa fille à gagner à un concours qui hyper sexualise les petites filles. Son regard lors des répétitions est éloquent et il sera le premier sur scène à s’éclater avec sa fille, délaissant toute gagne ou hargne. Greg Kinnear est tout simplement impeccable dans le rôle, qui évolue sans cesse pour devenir de plus en plus humain.
La Mère
Que serait une famille sans sa maman ? La famille Hoover peut compter sur cette femme qui semble accablée par les tâches. Pour autant, elle essaye sans cesse de recoller les morceaux et de faire du mieux qu’elle peut. Elle encourage son mari dans la publication de son bouquin, même si elle n’y croit pas. Elle aime son fils qui a fait vœu de silence. Elle est prête à se sacrifier pour sa fille afin de l’amener en Californie pour accomplir son rêve. Sorte de mère courage qui subit beaucoup, elle va aussi apprendre à s’imposer et déléguer certaines tâches aux autres. Ce qui est assez étonnant dans le film, c’est que c’est peut-être le personnage qui évolue le moins, mais c’est aussi le personnage qui se fait le plus touchant, essayant, à chaque fois, de ménager la chèvre et le chou.
Comme toujours, Toni Collette est impressionnante dans ce rôle. A la fois comique et dramatique quand elle apprend que son mari lui a menti à propos de la publication de son mari, elle détient une palette d’expressions et d’émotions qui est incroyable.
Le Fils
Pour continuer dans la dysfonctionnalité de la famille, on aura droit au fils adolescent rebelle. Dwayne lit Nietzche, a fait vœu de silence jusqu’à sa réussite au concours d’aviation et il déteste tout le monde. Parfait portrait de l’ado pénible et autodestructeur, un élément va lui bouleverser ses ambitions. Dès lors, son personnage prend une nouvelle tournure. Il va se lier très fortement d’amitié avec son oncle, puis il va montrer tout son amour pour sa famille. Au détour d’une phrase, il va avouer ses sentiments et sans rien dire, il va prouver à sa sœur qu’elle est importante à ses yeux. Jouant parfaitement le tragi-comique, Paul Dano fait preuve de sensibilité quand il le faut et exprime parfaitement ce malaise que peuvent ressentir certains ados quand leur corps change.
Il se dégage une vraie sincérité de ce personnage, qui ne va faire que grandir grâce à sa famille et ses expériences. Malgré ses lectures et ses convictions, cet ado va se rendre compte que sa vraie force, c’est tout simplement sa famille. Cette famille aimante malgré tout, soudée face à l’adversité et qui ne s’avoue jamais vaincue par les aléas de la vie.
Le Grand-Père
Au milieu de toutes les tensions, il y a une présence qui devrait représenter la sagesse et calmer les ardeurs de tout le monde, le grand-père. Sauf que ce papy-là, il sniffe de la coke en cachette, regarde des revues porno et fait faire un show en cachette à sa petite-fille. Grande gueule, vulgaire et sans filtre, il apparait comme un grand-père rock’n’roll qui fait plus tâche qu’autre chose. Lui aussi parait détestable au début, avec ses remarques homophobes ou ses pics envers son fils. Mais le voyage va le changer, et, grâce à une écriture exemplaire, il va réussir à nous toucher au plus profond. L’intelligence du scénario montre un grand-père qui aime son fils malgré tout, qui aime cette famille, et en l’espace de quelques secondes, d’une main sur une épaule, il va nous toucher au plus profond.
Alan Arkin est éblouissant dans ce rôle, où il s’en donne à cœur-joie, passant du rire aux larmes en une fraction de seconde et ne cessant d’évoluer et de voir la vie du bon côté. Une vie qu’il brûle par les deux bouts, à la façon d’une rock star et qui va être le tournant pour son fils, le forçant à reconnaître ses torts, mais aussi ses réussites.
L’Oncle
Histoire de parfaire ce portrait de famille, Little Miss Sunshine présente un oncle particulier. Homosexuel et dépressif, il va intégrer cette famille de manière abrupte et il va retrouver le goût de la vie à travers cette aventure. Expert de Proust, il va oublier son malheur pour combler de bonheur cette petite fille innocente et qui ne veut que s’éclater. Il va nouer des liens très forts avec tous les membres de la famille, même ceux qui ne le comprennent pas au départ, à l’image de ce père orgueilleux ou de ce grand-père rentre-dedans. Cet oncle est peut-être le personnage le plus touchant dans son évolution, qui oublie sa morosité pour retrouver de la joie au sein du principal message du film, la famille. Steve Carell y tient son premier vrai rôle dramatique et l’acteur est tout simplement bluffant.
La Fille
Ce qui permet à la famille de renouer des liens, de se retrouver autour d’un enjeu collectif, c’est cette petite fille innocente et qui se berce d’un doux rêve, devenir Little Miss Sunshine. Tout le monde se plie en quatre pour elle, et on comprend vite pourquoi. Véritable rayon de soleil, cette gamine va mettre tout le monde d’accord en utilisant le moins de mots possibles. Un câlin à son frère et il cède. Un regard à son père ou son grand-père et ils ne peuvent rien lui refuser. Cependant, elle ne fait pas de caprice, elle fait cela de façon innocente et aussi pour le bien commun. Elle est le titre de ce film, elle est l’essence même d’une humanité que l’on perd souvent un peu trop, la gentillesse, la naïveté et la joie. Abigail Breslin y est rayonnante de tendresse.
Au final, Little Miss Sunshine est une véritable réussite. Il s’agit d’un film à la fois dur et tendre, qui représente la vie, tout simplement. La vie d’une famille dysfonctionnelle, mais qui s’aime et qui ferait n’importe quoi pour chacun de ses membres. La mise en scène est bien évidemment lumineuse, permettant d’aborder des sujets durs comme le deuil, suscitant larmes et cœur lourd, avant de nous faire rire en un claquement de doigts, au détour d’une phrase, d’un geste. Il s’agit-là d’un véritable petit écrin magique au sein de la comédie américaine, loin des formatages crapuleux d’un Adam Sandler, et plus accessible qu’un film d’auteur un peu lourd. Bref, premier film pour Jonathan Dayton et Valerie Faris et premier coup de maître.
Note : 19/20
Par AqME
Une réflexion sur « Little Miss Sunshine »