décembre 9, 2024

Lotus Titan – Odyssées

Avis :

De nos jours, il devient très compliqué d’innover et de proposer de nouvelles expériences sonores. Surtout sans tomber dans la branlette intellectuelle et la musique conceptuelle qui n’a pas vraiment de sens. En France, nous sommes les champions du calibrage. La variété française semble sortir du même moule et le rock est en berne. Sauf si on fouille le net, si on cherche quelques jeunes formations qui tentent de nouvelles expériences. Et en cette matière, Lotus Titan frappe fort dès son premier effort. Formé en 2018 sous l’égide du guitariste Gérald Gimenez (guitare), le groupe, basé à Toulouse (superbe ville dans laquelle on peut retrouver Sidilarsen et Psykup), tente des mélanges étonnants et inattendus. D’ailleurs, la formation aime à dire que David Lynch copule avec Meshuggah, ou encore que les Pink Floyd comptent les étoiles avec Patti Smith et Arthur Rimbaud. Tout un programme.

Et d’entrée de jeu, le groupe nous met dans le bain. Guitare saturée, présence d’un clavier onirique et entêtant, batterie percutante et chant scandé qui se rapproche d’une diction poétique, on est surpris. Héroïne est un titre lourd, puissant, qui cherche des références vers le Doom tout en gardant un aspect très frenchy. Il y a un texte à l’écriture très fine et une violence qui se retrouve dans les paroles, qui se veulent engagées et politiques. Le pont est étrange, on pense tomber dans un cauchemar à la Eraserhead, mais l’ensemble est cohérent et inédit. C’est du jamais entendu, et en 2021, c’est une chose rare et précieuse. Et le plus incroyable dans cela, c’est que le groupe arrive à se renouveler avec le titre suivant, Jeterrible. Débutant simplement avec une batterie et un chant syncopé, on a droit à un texte poétique étrange, dans lequel le sens semble ne pas avoir d’importance.

Si ce n’est une prose qui fonctionne. Avec un tel effort, on nage presque dans un délire Free Jazz où le batteur se lâche complètement et semble avoir huit bras. Oui, on pourrait le comparer à un poulpe qui ne semble jamais faillir. Néanmoins, il n’est pas facile de plonger dans ce titre. Dépassant les sept minutes, il a un côté expérimental qui peut laisser certaines personnes sur le carreau. L’énergie de la batterie et du chant permet de ne jamais s’ennuyer, mais on est clairement dans une ambiance particulière. Lorsque la gratte arrive, vers les trois minutes, cela va permettre de renouer avec un rock/métal lourd et puissant. Et là, niveau technique, on se prend une belle mandale dans la tronche. Lotus Titan n’est pas là pour enfiler des perles, mais bel et bien pour nous asséner un coup derrière la nuque et conjuguer mots et violence.

Un cocktail détonant pour qui prend la peine de se plonger corps et âme dans ce premier effort. Rendez-vous est un morceau qui tient plus de la prestation théâtrale et poétique. Le titre dénonce l’uniformisation de notre société, de l’absurdité et de nos addictions dans un monde de plus en plus factice et mercantile. Le côté sombre du morceau lui confère une aura particulière qui laisse une sensation presque mortifère. Le titre aura même une réponse au sein de l’album avec Déjà-vu, qui démarre presque de la même façon, mais dans une atmosphère plus aérienne. On a un peu l’impression de passer de Invasion Los Angeles à un film de science-fiction à la 2001, l’Odyssée de l’Espace, version horrifique. Là encore, on est clairement dans une musique expérimentale étrange, éthérée, lourde et passive, mais qui nous laisse dans un état particulier.

En fait, on est clairement dans une musique qui se fait ressentir. Malgré la lourdeur des riffs, malgré des fulgurances métalliques, on nage dans une tonalité atmosphérique étrange et pourtant addictive. Comme si une sorte de masse gluante nous prenait en son sein, pour ne jamais nous lâcher, nous offrant la vision d’un nouveau monde, entre cauchemar et rêverie douceâtre. Lotus Titan est une expérience. Et cela se confirme avec la pièce maîtresse, Odyssée, un véritable voyage onirique et cotonneux de plus de douze minutes. Un moment déroutant, envoûtant, angoissant, qui fait écho à des musiques de films horrifiques et à l’ambiance insidieuse. Puis, au milieu de tout ça, on a deux titres un peu à part. Silence pourrait presque se voir comme un interlude. Doux, aérien, proche d’un lyrisme populaire, le groupe lâche une pause superbe qui dévoile une nouvelle facette. C’est beau, tout simplement. Et quelle voix !

Puis le groupe de nous lâcher en guise de conclusion la petite bombe Nelumbo Lutea. Peut-être plus accessible que tout le reste, le morceau est d’une rare puissance, aussi bien dans son texte, dans ses riffs, que dans ses ponts jazzy perclus de cuivres. Les toulousains démontrent encore leur envie de briser les codes et de servir une musique inédite et très convaincante.

Au final, Odyssées, le premier album de Lotus Titan, est un moment perdu dans l’océan musicale. Mélange improbable, osmose inespérée, expérience onirique qui interroge autant qu’elle peut passionner, ce premier effort ne peut laisser indifférent. Il est évident que certains passeront à côté de l’expérience, tant on est dans quelque chose de particulier, aux choix tranchés. Mais franchement, une telle prise de risque, un tel effort pour bousculer les codes mérite bien un gros coup de pouce.

  • Héroïne
  • Jeterrible
  • Rendez-vous
  • Silence
  • Odyssée
  • Déjà-vu
  • Nelumbo Lutea

Note : 15/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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