Titre Original : The Gorilla
De : Allan Dwan
Avec Bela Lugosi, Ritz Brothers, Anita Louise, Lionel Atwill
Année : 1939
Pays : Etats-Unis
Genre : Comédie
Résumé :
Kitty, la bonne de Walter Stevens lit tranquillement une œuvre de Shakespeare dans son lit quand surgit à la fenêtre le bras d’un gorille qui lui transmet un message pour son patron. Le message indique que Stevens sera le prochain sur la liste de ses victimes. Le gorille est le pseudonyme d’un tueur en série. Peters, le majordome, tente de calmer Kitty mais son attitude et son comportement éveillent les suspicions. Après avoir reçu sa nièce Norma et Jack, le fiancé de celle-ci, afin de leur parler d’héritage, Stevens engage les Ritz Brothers en tant que détectives privés afin de la protéger. Tard dans la soirée, un nouveau message envoyé à l’aide d’une pierre par la fenêtre précise que le crime aura lieu à minuit précise. Tout le monde attend dans l’anxiété et à minuit, Stevens disparaît après que l’électricité eut été coupée. À partir de ce moment, un chassé-croisé infernal s’installe dans la maison, d’autant qu’intervient un créancier de Stevens, un mystérieux personnage qui teste les passages secrets de la maison, un vrai gorille, puis son dresseur. L’enquête tourne en rond, le gorille enlève Norma puis la relâche. À la fin, la clé du mystère nous est dévoilée.
Avis :
Bela Lugosi est un acteur hongro-américain qui est né en 1882 dans l’empire austro-hongrois. Il doit fuir son pays au début des années 1900 suite à la chute du régime communiste qu’il soutenait et part en Allemagne, puis aux Etats-Unis. Dès 1919, avec son accent et son anglais approximatif, il décroche le rôle de Dracula à Broadway qu’il jouera des centaines de fois. Bien évidemment, en 1931, il décroche alors le rôle-titre pour le Dracula de Tod Browning. Dès lors, sa carrière va prendre un tournant presque dramatique. On ne lui propose presque que des rôles de films d’horreur, il souffre physiquement, devient accro à la morphine et va sombrer peu à peu. Sa filmographie parle pour lui, car même s’il refuse de nombreux scripts, il restera dans un registre horrifique. Mais il va aussi s’essayer à la comédie, comme en atteste ce film, Le Gorille.
Réalisé par Allan Dwan, cette comédie que l’on pourrait presque qualifiée d’horrifique propose de suivre une drôle d’enquête policière. Un gorille sème la panique dans une ville. Il laisse des mots aux gens, puis revient les zigouiller vingt-quatre heures plus tard. Un riche homme d’affaires reçoit alors ce courrier et il engage trois détectives pour résoudre ce mystère. Ici, on est très proche d’une résolution à la Scooby-Doo, avec des courses-poursuites incongrues, des portes qui s’ouvrent, un monstre qui a tout du type masqué et bien évidemment, un humour plutôt bas du front. Le Gorille correspond parfaitement aux comédies de cette époque comme Les Deux Nigauds ont pu le faire avec Frankenstein par exemple. C’est-à-dire que l’on prend des icônes qui fonctionnent au cinéma, ici un singe, et on y met des humoristes qui ont le vent en poupe.
Si on met en gros le nom de Bela Lugosi, il n’est pourtant pas le personnage principal. Bien au contraire, l’acteur joue le rôle d’un majordome étrange. Jouant de son image et son faciès qui peut faire peur, l’acteur s’en donne à cœur-joie pour laisser planer le doute sur ses intentions et ses véritables intentions. Ceux qui volent la vedette à tout le monde, c’est bien entendu les Ritz Brothers, qui étaient en plein boum entre les années 30 et 40. Les trois frères sont très drôles, malgré un jeu proche du théâtre. On y trouvera des grimaces, des dialogues burlesques, des situations cocasses et un surjeu constant pour tenter de faire rire. C’est assez naïf, mais étrangement, cela fonctionne bien, notamment en rapport avec les autres personnages. En effet, on aura du mal à ressentir de l’empathie pour l’homme de maison, sa nièce ou encore la femme de ménage. Ils sont trop sérieux ou trop marqués et finalement n’ont pas de nuances, ce qui est dommage.
Mais le trop-plein de personnages n’est pas le seul point faible du film. Inspiré d’une pièce de théâtre de Ralph Spence, on sent bien que Le Gorille provient des planches. La mise en scène est très statique et on a souvent tendance à suivre des plans fixes dans une pièce. Si certains mouvements accompagneront les mouvements au sein des pièces, cela reste très discret et l’ensemble confère un aspect très théâtral à l’ensemble. D’autant plus que le film manque d’éléments marquants. Il ne faudra pas compter sur les apparitions des gorilles pour être surpris et encore moins par les passages secrets qui ne seront que des tours de passe-passe pour justifier des apparitions et des disparitions. Il manque à l’ensemble une véritable cohérence et de quoi rendre vivante cette immense demeure qui semble pourtant se résumer à trois/quatre pièces.
Enfin, malgré son aspect éminemment sympathique venant tout droit de son noir et blanc et son cachet typique des années 30/40, Le Gorille n’arrive jamais vraiment à maintenir une tension digne de ce nom. Non pas que ce soit mou, le film ne durant qu’une heure, mais il n’arrive pas à trouver un juste équilibre entre l’humour, omniprésent, et l’horreur/thriller avec les apparitions du singe, trop rare. Allan Dwan veut faire une comédie avant tout, en reprenant des éléments un peu horrifiques de l’époque, mais l’ensemble ne marche pas vraiment. Il manque du liant entre les scènes. Il manque une tension palpable entre chaque disparition, qui est annihilée par un humour badin et bien trop enfantin. Impossible dès lors de ressentir du stress ou même de la peur. Et la résolution à la Scooby-Doo confirme parfaitement les premières intentions d’un cinéaste qui veut surfer sur le succès des Ritz Brothers.
Au final, Le Gorille est un film qui est relativement moyen. Rareté que l’on ne trouve qu’en DVD grâce à Bach Film, abîmé par les affres du temps, ce film ne vaut son coup d’œil que pour son côté nostalgique et le plaisir de voir un Bela Lugosi badin. Pour le reste, c’est assez moyen, voire carrément mauvais. Entre une mise en scène statique, des personnages transparents ou encore un ton humoristique trop prononcé, le film d’Allan Dwan ne dépassera jamais le stade de petit film.
Note : 10/20
Par AqME