mars 29, 2024

Violent Cop

Titre Original : Sono Otoko Kyobo ni Tsuki

De : Takeshi Kitano

Avec Takeshi Kitano, Shiro Sano, Haku Ryu, Maiko Kawakami

Année : 1989

Pays : Japon

Genre : Policier, Thriller

Résumé :

Flic solitaire et désabusé, Azuma utilise des méthodes expéditives pour faire respecter la loi. Il décide de faire justice lui-même quand il découvre qu’un gang de yakuzas est responsable de la mort de son meilleur ami et du viol de sa jeune sœur. Aux prises avec sa hiérarchie et le truand Kiyohiro, il ira jusqu’au bout de sa vendetta.

Avis :

À l’instar de son homologue hongkongais, le polar nippon présente un style très codifié auquel on reste indifférent ou on adhère sans réserve. Le genre est à l’image du cinéma japonais, bien trop souvent cantonné à une frange de spectateurs avertis si l’on constate son influence en dehors de ses frontières. Pourtant, d’illustres metteurs en scène, tels qu’Akira Kurosawa, Kenji Mizoguchi ou Yasujirō Ozu, sont parvenus à magnifier des fresques empreintes de poésie, de nostalgie et d’un réalisme poignant. Grâce à une distribution plus large, la fin des années 1980 marque une ouverture évidente vers le marché international.

Cela se confirme avec le début de carrière de deux cinéastes majeurs : le très prolifique Takaski Miike et le non moins iconique Takeshi Kitano. Alors que ce dernier est pressenti pour tenir uniquement la tête d’affiche du présent métrage, il passe à la réalisation grâce à un concours de circonstances. La défection de Kinji Fukasaku (Tora ! Tora ! Tora !, la saga Battle Royale…) lui permet de diriger Violent Cop. Issu du monde de la télévision, où il multiplie les prestations comiques, Takeshi Kitano met le pied à l’étrier dans des conditions de tournage guère optimales. Les modifications qu’il apporte au script original démontrent déjà son indépendance et un style à part entière.

D’un « simple » polar, l’homme marque un changement notable dans le paysage cinématographique nippon. Certes, de nombreux films se distinguent par leur brutalité. Seulement, il s’agit très rarement de productions à l’envergure internationale. Pour cela, il faut surtout se pencher sur des métrages underground, au budget modeste et qui, en grande majorité, ne sortent pas de leur pays d’origine. Violent Cop n’est pas forcément un précurseur, mais il s’inscrit dans une mouvance innovante pour l’époque : celle d’une violence débridée et outrancière qui sous-tend une nouvelle forme d’expression derrière et devant la caméra.

Ce n’est pas tant les coups portés qui interpellent, mais plutôt les méthodes expéditives du protagoniste. Violent Cop n’a pas pour vocation de dénoncer quelconques dérives policières. Il n’a pas non plus l’ambition de les justifier. Le film, comme son metteur en scène, se pose en tant que témoin d’un état de fait, guère symptomatique d’une période donnée, mais d’un comportement social récurrent, pour ne pas dire inhérent à l’humanité. La morale est donc caduque puisque l’intrigue se fait le reflet des considérations du spectateur. Pour cela, on distingue une absence totale d’empathie, s’appuyant sur des contradictions permanentes.

En d’autres circonstances, la portée émotionnelle sert à orienter l’avis du public, à confirmer ou non son interprétation, ses valeurs. Avec Violent Cop, on a l’impression que le scénario prétexte s’apparente à une toile vierge. Il ne se dégage pas de dégoût ou de réjouissances à l’exposition des empoignades. Juste un constat froid et délétère qui parfait le nihilisme ambiant. C’est en cela que le cinéma de Takeshi Kitano peut décontenancer, au risque d’un refus total de la part du spectateur. Bien que l’approche soit singulière, elle présente des forces évidentes afin de s’éloigner des habituels carcans artistiques.

Si le réalisateur s’insinue dans le polar en respectant ses poncifs, il triture la narration pour entremêler contemplation et précipitation. La circonspection presque permanente renvoie à des joutes non verbales qui s’appuient uniquement sur la présence physique des protagonistes. Une tension palpable qui augure bien souvent d’un affrontement. À ce titre, les plans fixes sont légion, y compris dans des séquences qui nécessitent du mouvement. Face à la passivité des adversaires, les combats s’apparentent surtout à des exécutions où le cadrage excentré privilégie un angle rapproché sur l’objet des coups, soit les pieds ou les poings. Il est plus rare que les bagarres démontrent leur impact.

On dénote néanmoins certaines faiblesses, que l’on peut incomber aux conditions de production difficiles ou au manque d’expérience propre à une première réalisation. Comme évoqué précédemment, le traitement implacable et dénué de sentiments provoque un détachement vis-à-vis des protagonistes. L’adjoint joue les faire-valoir, un rien naïf, tandis que la sœur d’Azuma aurait gagné à une caractérisation plus fouillée au vu de son rôle catalyseur au sein de l’histoire. Un récit qui, au demeurant, fait preuve d’un grand classicisme dans la lutte contre la pègre, les flics corrompus et le trafic de drogues. Les remaniements scénaristiques en cours de tournage sont explicites à l’écran.

Au final, Violent Cop s’avance comme un polar sombre et dur qui fait s’enchaîner les contrastes. Certaines séquences brutales confèrent à des instants de volupté, eu égard à la bande-son ou aux ralentis desdites séquences. Mais les affrontements sont également sensitifs avec une hostilité qui transparaît dans les corps et les regards. Bien que l’on dénote des scories d’un point de vue formel (narration, caractérisation…), Takeshi Kitano pose la première pierre à son œuvre avec un style décalé qui multiplie les contradictions graphiques et psychologiques. S’il respecte le genre dans lequel il s’insinue, le cinéaste s’en affranchit par une tonalité contemplative inattendue, presque saugrenue en de telles circonstances. Un métrage circonspect et implacable qui compense le manque d’originalité de son scénario par l’habileté de sa mise en scène.

Note : 14/20

Par Dante

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