De : Quentin Tarantino
Avec Harvey Keitel, Tim Roth, Michael Madsen, Chris Penn
Année: 1992
Pays: Etats-Unis
Genre: Policier, Thriller
Résumé :
Après un hold-up manqué, des cambrioleurs de haut vol font leurs comptes dans une confrontation violente, pour découvrir lequel d’entre eux les a trahis.
Avis :
Souvent considéré comme son premier film, Reservoir Dogs n’est pourtant pas le coup d’essai de Tarantino. En effet, cinq ans plus tôt, en 1987, le cinéaste américain proposait My Best Friend’s Birthday qui est aujourd’hui introuvable, sauf en format court-métrage, suite à un accident, un incendie. Disponible sur le net, ce film, qui a coûté le somme de 5000 dollars, montrait déjà les facettes d’un réalisateur à suivre de très près. Ce n’est qu’en 1992 que sortira son premier long-métrage, Reservoir Dogs, sélectionné au festival de Cannes de l’époque, et qui fera grand bruit, révélant par la même occasion Quentin Tarantino. Encore inconnu jusque-là, le réalisateur américain va étonner par son talent d’écriture et par sa mise en scène racée, s’inspirant librement de polars asiatiques qui n’étaient pas bien diffusée en France à l’époque. Dès lors, la machine est lancée et deux ans plus tard, il repartira avec la Palme d’Or pour Pulp Fiction.
Il est toujours intéressant de se plonger dans le passé des grands réalisateurs contemporains. Notamment parce qu’on y voit déjà une patte graphique, mais aussi parce que l’on peut voir tout le chemin parcouru depuis. Quentin Tarantino, en plus d’être un cinéaste talentueux, est un cinévore boulimique qui digère beaucoup de choses et qui recrache tout avec sa propre identité, sa propre fabrique et ses propres dialogues. Car ne nous y trompons pas, ce qui marque de suite avec Reservoir Dogs, ce sont les dialogues coupés au cordeau. N’ayant pas un budget faramineux (un million deux cents mille), le réalisateur va alors faire des économies de plans et de décors pour plonger tout ce petit monde dans un hangar avec un règlement de compte à la clé. Les faux-semblants, les soupçons, les jeux de pantomime seront alors à l’ordre du jour pour percer le vrai du faux et trouver qui est la taupe dans ce foutoir. Un scénario simple, qui emprunte beaucoup de choses au City on Fire de Ringo Lam. On trouvera même des scènes similaires, laissant à penser que Tarantino est un petit recopieur. Rien de bien méchant en soi, mais c’est là que l’on voit les limites du cinéma du bonhomme qui parfois a bien du mal à s’écarter de ses références.
Quoi qu’il en soit, Reservoir Dogs est un film de dialogues, mais c’est aussi et surtout un film d’acteurs et de performance. Sorte de huis-clos mafieux, le film se repose beaucoup sur de talentueux comédiens qui donnent le meilleur d’eux-mêmes. A commencer par un Tim Roth bluffant, entre cynisme et faux-semblant, où il souffrira tout du long à cause d’une balle dans le bide. La douleur est prégnante et l’acteur s’en sort avec les honneurs. Il en volerait presque la vedette aux autres. Mais difficile de lutter face à un Harvey Keitel sur le retour et qui signe un personnage attachant malgré son côté truand. Plus lucide que les autres, il a un peu le rôle du grand sage qui essaye de calmer les choses, au contraire d’un Michael Madsen complètement fou et habité par son rôle de psychopathe ambulant. Il est même dommage de voir la carrière de l’acteur maintenant, tant il s’est plongé dans de sombres daubes. Reservoir Dogs, c’est aussi Steve Buscemi, excellent dans le rôle du gangster peu sûr de lui et qui monte vite dans les tours. Il fait étalage de son physique particulier, de son regard étrange et livre une excellente prestation entre le petit roquet et l’excité du bulbe qui a des principes assez particuliers. Bref, un casting de gueules comme on n’e fait plus et c’est bien dommage.
Il serait malhabile de parler de Reservoir Dogs sans évoquer la mise en scène et la narration du film. Alternant constamment des plans larges avec de gros plans, Quentin Tarantino montre tout son amour pour cet art qu’est le cinéma. Il rend l’ensemble dynamique, mais chaque plan propose une vision, une idée et rien n’est vraiment laissé au hasard. Avec toute cette palette, il va en profiter pour démontrer son amour des narrations éclatées, avec des retours dans le passé, des flashbacks afin d’approfondir certains personnages. On verra alors le recrutement de certains gangsters, qui ont tous une bonne raison de faire ce braquage, mais aussi l’infiltration de la taupe, qui est un pur moment de mise en abîme. En effet, on va voir le policier infiltré apprendre un rôle, le répéter inlassablement, comme une pièce de théâtre, comme un rôle pour le cinéma, et on va déjà entrevoir cette manie de jouer avec les différents plans de réalité. On aura droit à une séquence fantasmée d’excellente facture, plongeant le spectateur dans un film qui est dans un film. Cette mise en abime est très intelligente et démontre déjà l’audace du cinéaste pour un premier (second en vrai) projet.
Il est très compliqué de trouver des défauts à ce film, et on peut aisément comprendre qu’il soit l’un des plus plébiscité dans la carrière de Tarantino. Pour autant, le métrage détient quelques scories qui sont presque inhérentes au fait que ce soit un premier film. Le scénario est très simple. Un braquage qui tourne mal, des hommes se suspectent les uns les autres et on va vite découvrir sur la fin qui est responsable de cela. Après presque trente ans d’existence, on commence à être habitué à ce genre de script et finalement, on peut facilement griller la taupe. Alors c’est peut-être un détail et le temps fait son effet, cela n’enlève rien aux qualités intrinsèques du film, mais pour quelqu’un qui le découvre aujourd’hui, ça peut étonner et même décevoir. On peut aussi trouver parfois le temps long, avec des dialogues qui tirent en longueur par moments, ce qui est la marque de fabrique de l’auteur, et si certains sont savoureux, comme le début avec l’explication des paroles de Like a Virgin, d’autres sont moins intéressants et résonnent un peu comme du remplissage.
Au final, Reservoir Dogs est un excellent film, et étonnement, malgré son pitch très simpliste, il vieillit extrêmement bien. On y retrouve tout ce qui va faire le cinéma de Tarantino, que ce soit dans les dialogues ou dans la mise en scène, et les acteurs sont absolument fabuleux, de même que la bande originale. Pour faire bref sur un film où tout a déjà été dit, Reservoir Dogs fait partie de ces premiers films qui marquent et qui permettent ensuite de confirmer le talent d’un cinéaste amoureux de son art. S’il reste, à mon sens, moins puissant qu’un Pulp Fiction et bien évidemment moins grandiloquent qu’un Once Upon a Time… Hollywood, il n’en demeure pas moins un film important dans une carrière ponctuée de pépites.
Note : 17/20
Par AqME
Une réflexion sur « Reservoir Dogs »