décembre 11, 2024

Deafheaven – Ordinary Corrupt Human Love

Avis :

Les maisons de disques ont souvent des orientations très personnelles et ont tendance à se consacrer à un style de musique. A titre d’exemple, Napalm Records se concentre exclusivement sur le Métal, alors que Season of the Mist est plutôt orientée vers le Black. Ce qui est bien en agissant ainsi, c’est que l’on sait vers quel style on se tourne lorsqu’un groupe signe pour tel ou tel label. Sauf en ce qui concerne ANTI-. Succursale d’Epitaph qui s’occupe plutôt de Punk, ANTI- a voulu se diversifier et propose des groupes qui sont aux antipodes comme Nick Cave ou encore One Day as a Lion qui est un mélange de rap et de rock. De ce fait, difficile de savoir sur quoi on pose les oreilles, encore plus quand il s’agit de Deafheaven et de sa pochette mystérieuse. Catégorisé dans la famille du Black Métal, Deafheaven fournit pourtant quelque chose de plus étrange, de plus hybride et Ordinary Corrupt Human Love est un quatrième effort qui interroge sur le style et la façon d’aborder le Black. On pense bien souvent qu’il s’agit d’un genre extrême, ultra violent avec des voix aigues et des paroles sataniques, mais visiblement, cet univers plus riche que ça. La preuve avec cet album.

Le skeud s’ouvre avec You Without End et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on est très loin du Black conventionnel. Commençant avec un bruit de mer et s’enchainant avec un doux piano et une guitare lancinante, le groupe propose plutôt une vision mélancolique, sans jamais se mettre à hurler ou faire du blast dans tous les sens. Au contraire, c’est doux et d’une beauté sidérante avec en sus une voix féminine en arrière-plan, comme un message sur répondeur. Les seuls élans Black proviennent de la voix du chanteur et sa voix si caractéristique avec quelques riffs un peu plus virulents, mais ils sont peu nombreux et rajoutent finalement un côté « désespéré » à l’ensemble. Les ressorts Black se ressentiront plutôt avec Honeycomb, démarrant de façon plus frontale et laissant un champ libre pour la voix du chanteur qui ne peut renier son aspect Black. Cependant, malgré la présence de quelques blasts à la batterie, la mélodie emprunte à un rock plus simple et qui peut faire penser à du Radiohead de la belle époque. C’est à la fois rude, mais aussi très mélancolique, laissant une impression à la fois douce et violente. Deux sentiments presque opposés qui se réunissent ici avec brio. On retrouvera cela avec Canary Yellow, mais dans une structure plus complexe, avec des variations au sein même du titre. C’est avec des titres comme celui-ci que l’on s’étonne de voir le groupe se faire ranger dans la catégorie Black alors que c’est plus que ça.

Néanmoins, il faut s’accrocher aussi à la longueur des pistes, car malgré la faible présence de morceaux, (seulement sept au compteur) le groupe fournit un album qui dépasse les cinquante minutes d’écoute, ce qui veut dire que les pistes dépassent bien souvent les dix minutes. Un choix qui signifie des structures complexes, des mélodies longues et travaillées et cela n’est pas donné à tout le monde. Deafheaven s’éloigne d’ailleurs volontairement des sentiers battus de la musique pour proposer quelque chose en dehors du temps et de l’espace. C’est riche, c’est dense, mais ça fonctionne à chaque fois. D’autant plus que la formation alterne avec des morceaux un peu plus courts, à l’image de Near, un titre très calme, qui permet de souffler un peu et fait office de rupture en milieu d’album. On retrouvera aussi Night People, en duo avec une chanteuse, qui adoucit l’ensemble et fait plus pop qu’autre chose. Un choix qui peut gêner, qui peut sembler incongru dans cet album, mais qui s’insère de façon optimale et ne gêne en rien le plaisir d’écoute. Surtout que ces deux morceaux sont glissés entre Glint et son aspect plus dark que le reste, et Worthless Animal qui se rapproche d’un rock expérimental teinté de Prog par moment. Un mélange audacieux et payant pour qui rentre dans le délire.

Au final, Ordinary Corrupt Human Love, le dernier né de Deafheaven qui connait un succès fulgurant depuis 2010, est un album hybride, étrange, mystérieux, qui ne se livre pas à la première écoute. Et pourtant, en insistant, en acceptant de rentrer dedans, on se retrouve face à quelque chose de puissant, de très riche et d’une intelligence rare. Plutôt que de plonger dans un Black typique et sans identité, le groupe varie les plaisirs, entremêle des genres pas évidents dans une osmose qui frôle l’impertinence. Bref, une excellente galette ultra technique et qui détient une vraie mélancolie à la fois touchante et belle.

  • You Without End
  • Honeycomb
  • Canary Yellow
  • Near
  • Glint
  • Night People
  • Worthless Animal

Note : 16/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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