décembre 11, 2024

Cuando los Angeles Duermen

De : Gonzalo Bendala

Avec Julian Villagran, Marian Alvarez, Ester Exposito, Marisol Membrillo

Année : 2018

Pays : Espagne

Genre : Thriller

Résumé :

Un père de famille voit sa vie tranquille basculer le soir où ils fauchent deux adolescentes avec sa voiture.

Avis :

Quand on parle de cinéma espagnol, on a deux sons de cloches. On pense irrémédiablement aux films de Pedro Almodovar et à sa patte graphique, et donc à des drames parfois délirants, puis on évoque aussi ce cinéma fantastique et horrifique et qui n’a jamais été aussi prolifique depuis les années 70. Entre des Alejandro Amenabar, Jaume Balaguero, Paco Plaza, Juan Antonio Bayona et Alex de la Iglesia, il y a de quoi faire. Et au milieu de ces deux genres radicalement opposés, il y a le thriller qui commence à se faire un petit nom. Si La Isla Minima avait su trouver son public en France, s’affichant comme un True Detective ibérique, d’autres ont essayé d’embrayer là-dessus et Cuando Los Angeles Duermen est un peu de cet acabit-là. Premier film de Gonzalo Bendala, qui est plus généralement producteur, notamment sur le film Quien te Cantara sorti tout récemment (2018 sait-on jamais si vous lisez ces lignes en 2040), Cuando los Angeles Duermen est un thriller qui se veut âpre, plutôt immoral, et qui va se révéler efficace dans son dernier tiers, après tout de même un gros ventre mou.

On le sait, quand on voit un film produit par Netflix, on peut craindre le pire. En effet, malgré cette volonté de laisser libre cours aux imaginations les plus débridées, les spectateurs ont souvent été déçus. Notamment à cause d’un manque de budget évident ou de films qui n’arrivent pas à se sortir d’une étiquette un peu low cost. Fort heureusement, certains arrivent à s’extirper de cette image, comme l’excellent Le Rituel de David Bruckner ou encore le Okja de Bong Joon-Ho. Avec Cuando los Angeles Duermen, on se situe entre deux eaux, où le très moyen côtoie le très bon, pour livrer finalement une œuvre hybride, fondamentalement immorale dans son fond, mais qui détient un certain plaisir coupable et peut-être même une certaine justice. Dans ce film, on va suivre un père de famille qui fait passer son boulot avant les siens. En retard pour l’anniversaire de sa fille, sachant que sa femme se fait draguer par le voisin, il prend une voiture de service pour couvrir les 500km qui le sépare de chez lui. Alors fatigué par sa journée de boulot, il s’endort au volant et renverse une jeune femme. Alors qu’il va essayer de la sauver, il tombe sur sa copine, une jeune femme de 17 ans, rebelle, à moitié toxico, qui a menacé ses parents d’un couteau pour sortir de chez elle, et cette dernière, refusant la thèse de l’accident, le menace de tout dire à la police et de lui pourrir la vie. C’est sur ce pitch de base, qui pourrait se voir comme un survival entre une jeune femme et un homme qui doit devenir un tueur pour éviter la prison et la perte de sa famille, que le film commence.

Le début est assez intéressant car il plante un décor très mélancolique. Malgré la chaleur de l’Espagne, on ressent la fatigue et les questionnements de ce père de famille aimant, mais qui ne veut pas perdre son boulot, et qui semble déchiré entre deux sentiments. Entre un éclairage bleu et une volonté de placer ce père de famille dans une situation inextricable, on ressent un vrai malaise et cela dès le début du film. Tout comme on ne peut que deviner l’accident par des relations de cause à effet évidentes. Toujours tiraillé par sa vie de famille, le personnage principal va refuser d’aller se reposer dans un motel, voulant rentrer le plus vite possible. Profondément égoïste et détestable, cette jeune fille va refuser d’écouter ses parents et va même prendre de la cocaïne pour passer une meilleure soirée. Le départ du film demeure une vraie accumulation de causes qui vont amener à l’irrémédiable. Gonzalo Bendala livre une mise en scène assez simple, mais qui fait le taf et il arrive à faire monter la tension jusqu’à l’accident. Il faut dire qu’il est bien aidé par un acteur principal convaincant et totalement investi dans son rôle.

Cependant, Le film va souffrir d’un rythme qui va s’atténuer dans sa deuxième partie. Lorsque la jeune fille voit qu’elle est dans la voiture responsable de l’accident, elle est persuadée qu’il s’agit d’un meurtre et ainsi, elle refuse d’écouter le père de famille. Campant sur ses positions, elle va alors faire vivre un enfer à ce type, déjà bien dans la merde. Et c’est là que le film perd de son intensité et de son intérêt. On va assister à une sorte du jeu du chat et de la souris à base de course-poursuite dans le noir ou encore d’appels téléphoniques. C’est relativement chiant à suivre et surtout, cela tient sur des rencontres fortuites. C’est-à-dire que l’homme retrouve toujours la jeune femme et la poursuit pour lui expliquer les choses et elle arrive toujours à s’en tirer en le blessant et en prenant la fuite. Pourtant, le film se passe de nuit, le lieu est assez grand et pourtant, hasard qui sert bien le script, les deux personnages se retrouvent tout le temps. Ce ventre mou porte vraiment préjudice au film, parce que c’est long et finalement sans grand intérêt pour le reste, sauf de montrer qu’effectivement, cette jeune femme est une connasse sans nom.

Là-dessus, le film est très efficace. Il présente le personnage féminin comme quelqu’un d’odieux, d’obtus et de complètement à côté de la plaque. Secrètement, on nourrit l’espoir qu’elle prenne cher et c’est ce que va nous donner le film dans son dernier tiers. Sans pour autant dévoiler la fin de l’intrigue, le film va aller très loin dans le malaise et le côté immoral. On pourrait presque se croire dans un Eden Lake inversé où cette fois-ci, la racaille se prend un bon gros retour de boomerang. Mais le film va encore plus loin dans son tout dernier acte, dans sa conclusion, ajoutant un aspect glaçant pour sauver la personne que l’on aime. Cuando los Angeles Duermen n’hésite pas à interroger son spectateur, le confrontant finalement à un cruel dilemme qui met mal à l’aise.

Au final, Cuando los Angeles Duermen est un thriller qui lorgne du côté de l’horreur par moments, mais qui se veut plus fin que ça, notamment dans son épilogue. Il est dommage que le film possède un terrible ventre mou en son milieu, n’arrivant pas à maintenir la tension du début et de la fin, voulant transformer le film en un survival classique et trop hasardeux. Bref, il n’en demeure pas moins un premier long-métrage intéressant à plus d’un titre et qui pose des questions difficiles sur des sujets importants. Si ce n’est pas le meilleur film sur Netflix, il reste un divertissement honnête, une sorte d’Eden Lake à l’envers, et ce n’est pas si mal.

Note : 13/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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