De : David Gordon Green
Avec Jamie Lee Curtis, Judy Greer, Andi Matichak, Haluk Bilginer
Année : 2018
Pays : Etats-Unis
Genre : Horreur
Résumé :
Laurie Strode est de retour pour un affrontement final avec Michael Myers, le personnage masqué qui la hante depuis qu’elle a échappé de justesse à sa folie meurtrière le soir d’Halloween 40 ans plus tôt.
Avis :
Il y a certaines sagas qui touchent presque au sacré dans le milieu de l’horreur et cela malgré les faibles qualités de la plupart des films qui peuplent la licence. Halloween en est un exemple flagrant. Après un premier épisode foudroyant en 1978 de la part de John Carpenter et une digne suite en 1981 de la part de Rick Rosenthal, la saga s’est petit à petit enfonçait dans les méandres de la médiocrité, notamment avec des épisodes 5 et 6 d’une bêtise affligeante. Il faudra alors compter sur Steve Miner en 1998 qui proposera avec Halloween 20 ans Après une version assez efficace et un retour de Jamie Lee Curtis en Laurie Strode. Malheureusement pour la licence, Halloween 8 Resurrection de Rick Rosenthal va finir de clouer au pilori une saga qui commençait sérieusement à battre de l’aile. Entre une démystification du boogeyman et des passages vraiment gênants (Busta Rhymes qui fait des coups de pied retournés à Michael Myers), nous n’allions plus entendre parler d’Halloween avant le remake de Rob Zombie. Et là, c’est la bonne surprise, car le jeune réalisateur propose sa propre vision et montre qu’il a tout compris au film de Carpenter. Mais la suite de son remake ne comblera pas les attentes des fans, prenant trop de liberté par rapport au personnage mythique qu’est Michael Myers. On aurait pu croire alors que la franchise prendrait fin, mais c’était sans compter sur David Gordon Green et Danny McBride.
Issu de la scène indépendante et comique pour le premier et de la comédie pas terrible pour le deuxième, on aurait pu croire à une vilaine farce pour cet Halloween nouvelle mouture et pourtant, rien n’était plus sérieux. Cependant, on aurait pu craindre une version édulcorée de la licence, accessible à tous, et avec des blagues potaches pour plaire à un jeune public. Est-ce vraiment le cas ? Pas vraiment, puisque après avoir travaillé sur Stronger avec Jake Gyllenhaal, le filleul de Jamie Lee Curtis, David Gordon Green s’éloigne de la comédie potache et veut faire un travail plus sérieux. Et quand on regarde les dernières prestations de Danny McBride, il s’éloigne lui aussi de la comédie avec des rôles dans Alien Covenant par exemple. De ce fait, tous les ingrédients étaient réunis pour susciter un semblant de curiosité et grand bien nous a pris, car cet Halloween, qui est la suite directe du premier faisant fi des épisodes suivants, est une belle réussite malgré quelques menus défauts.
Il est clair que cela peut paraître prétention de faire table rase des épisodes qui ont suivi celui de Carpenter, mais d’un autre côté, cela peut permettre de repartir sur des bases solides et de garder une certaine cohérence dans la mythologie du personnage. Ainsi donc, on va retrouver Michael Myers interné dans un hôpital psychiatrique et il va se sauver lors de son transfert suite à un accident. A partir de là, il va faire un carnage et toutes les routes le ramènent vers Laurie Strode, la seule personne qu’il n’a pas vaincue. Sous couvert d’une vengeance personnelle, il va alors semer la mort au hasard des rues, jusqu’à ce qu’on l’aiguille chez sa proie. Le fil rouge du métrage est très simple et très clairement, il ne cherche pas à faire dans la psychanalyse du mal ou à approfondir le sujet Myers. La véritable volonté de David Gordon Green est de montrer le chemin sanglant d’un être maléfique et de la passion qu’il peut attiser. On verra cela à travers les yeux d’un docteur complètement frappé, qui remplace alors Loomis, mais aussi dans le regard d’une famille qui a été meurtri par l’attaque du tueur. Laurie Strode est devenue une grand-mère paranoïaque, qui a eu des relations conflictuelles avec sa fille et qui tente de renouer des liens avec sa petite-fille mais qui n’arrive pas à se fondre dans la masse. Elle est complètement hantée par le spectre de cet homme qui a ruiné sa vie. Ainsi donc, même si Michael Myers occupe tout l’espace, ce n’est pas vraiment physiquement, mais bel et bien dans les pensées de l’héroïne. Ce point du scénario est important car il va impacter toute la mise en scène du réalisateur.
Très clairement, le fantôme de Carpenter plane au-dessus de la caméra de David Gordon Green comme celui de Myers plane au-dessus de la tête de Laurie Strode. On a même parfois la sensation qu’il est derrière la caméra et cela fait un bien fou. On ressent une vraie liberté dans la mise en scène, au point de coller au style Carpenter. Les plans sont souvent larges, avec des mouvements lents, laissant planer un doute sur ce que l’on va voir. Malgré son aspect « Carpenter », le réalisateur arrive à imposer son style, un peu statique, proche du cinéma indépendant américain, et propose de vrais moments intéressants, que ce soit sur le plan stylistique ou technique. Il y a quelque chose d’intime dans cette mise en scène, puisque si l’on excepte les plans larges, il y a peu de moments aériens. On reste clouer au sol, à suivre le tueur, augmentant ainsi cette sensation de fatalité, que l’on ne peut s’échapper. C’est très anxiogène et cela marche vraiment bien, que ce soit dans le final qui ressemble à un huis-clos ou dans les plans-séquences qui suivent à la trace le meurtrier, rendant ses crimes encore plus violents et gratuits.
Cette mise en scène ne va pas servir qu’à rendre le tout anxiogène au possible. En effet, elle va aussi servir à rendre à César ce qui est à César, c’est-à-dire redorer le blason de Michael Myers. La figure du mal n’a jamais été aussi belle qua dans ce film. Le réalisateur arrive à iconiser le tueur de la plus belle des façons, le rendant omniprésent, agressif, mutique et surtout massif. Rien ne semble pouvoir atteindre le tueur et son côté implacable est décuplé par l’éclairage et la mise en scène. Très souvent éclairé de dos, ou dans la pénombre ne laissant qu’apercevoir son masque blafard, on a vraiment un côté inquiétant et imposant qui fait froid dans le dos et c’est peut-être là le plus important, ce côté complètement destructeur, inarrêtable. On peut aussi parler des différents clins d’œil qui se glisse çà et là dans le métrage, mais qui ne servent pas à rien. Il ne s’agit pas de gimmick pour caresser le fan dans le sens du poil, mais plutôt de moments qui rappellent le premier film, mais qui ont pour but de montrer le point de vue inverse. En effet, on va revivre certains passages iconiques du film de 1978, mais dans le sens inverse. Lorsque Laurie se cache dans un placard, cette fois-ci, c’est elle qui va l’ouvrir dans l’espoir de trouver Myers. C’est elle aussi qui tombe d’un balcon et qui disparait par la suite. Il y a une vraie volonté de montrer que ce film est presque le penchant inverse du film de Carpenter et ce n’est pas plus mal.
Et la violence graphique est au rendez-vous. C’est-à-dire que l’on a un tueur sanguinaire qui n’est pas là pour faire dans la dentelle et qui va clairement se faire plaisir. Il est virulent et les différentes mises à mort sont terrifiantes. Ce qui est intéressant ici, c’est que le réalisateur va alterner entre des moments très gores, très sales, en plein centre de la caméra, et par moments, il va faire des meurtres hors-champs, laissant libre cours à notre imagination. Cette façon de faire est assez intéressante car on sait que Myers est un gros bourrin et on ne peut qu’imaginer le résultat de certaines séquences, ce qui suffit à créer un dégoût certain ou une crainte profonde. A titre d’exemple, on a à un moment un bébé qui pleure, et on se demande si Myers ne va pas le buter à coup de marteau tant il est dans une passade de folie meurtrière. Cette angoisse ne nous quittera clairement jamais, tout du moins durant ce fameux plan-séquence dans la ville qui est tout simplement fou. Du coup, Halloween tient ses promesses de ce côté-là et possède même un rythme plus soutenu que dans le premier film.
Mais le film de David Gordon Green n’est pas dénué de défauts. Il y a un vrai problème avec les personnages de ce film. La relation entre la mère, la fille et la petite-fille est complexe mais demeure assez simpliste et presque trop survolée. On ne va jamais au bout des choses et les différents backgrounds sont vite éludés avec quelques flashbacks plus ou moins pertinents. On aura donc du mal à ressentir de l’empathie pour le personnage tenu par Judy Greer, la fille de Laurie Strode, qui reste assez anecdotique et encore pire avec la petite-fille jouée par Andi Matichak qui reste une adolescente presque insupportable dont le principal souci est de savoir si son copain est l’homme de sa vie. Des personnages faiblards donc, hormis Jamie Lee Curtis qui est badass à souhait et qui remplit parfaitement son contrat. L’autre gros défaut du film concerne un passage précis qui est complètement inutile et qui n’a clairement pas sa place au sein du métrage. Pour ne pas trop spoiler, on aura droit au sempiternel message de la passation du mal et un personnage particulièrement pénible va commettre un acte incompréhensible pour une raison… incompréhensible. Fort heureusement, le film n’explore pas vraiment cette piste et passe rapidement à autre chose. Enfin, difficile aussi de passer outre certains aspects comiques qui ont tendance à dédramatiser certaines séquences. On n’échappera pas au gamin qui sort une vanne alors que sa babysitter est en train de se faire zigouiller ou encore au père de famille qui sort un « j’ai du beurre de cacahuète sur la bite » en pleine discussion familiale. C’est le genre de chose qui peut faire rire les gosses, mais pas forcément les fans de la licence. Faut-il y voir une volonté de plaire à la majorité ?
Au final, Halloween demeure une excellente surprise et une très bonne suite. Le film est suffisamment honnête pour avoir sa propre identité, notamment dans la mise en scène très crue, très prise sur le vif, et les citations en hommage au premier film ne sont pas putassières, bien au contraire, elles servent vraiment à raconter quelque chose. Si le film n’est pas exempt de défauts, il arrive à rendre Michael Myers imposant et inquiétant, remplissant tout l’espace, même quand il n’est pas là, et ça c’est un joli tour de force. On n’en attendait pas grand-chose et finalement, le film est très bon, créant une tension permanente et se jouant du spectateur. Bref, pour un slasher qui fleure bon les années 80, ça fait vraiment plaisir. Et puis réentendre les partitions d’un John Carpenter inspiré, ça n’a pas de prix.
Note : 16/20
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Par AqME
2 réflexions sur « Halloween – Carpenter Brut »