avril 25, 2024

L’Au-Delà

Titre Original : E Tu Vivrai Nel Terror – L’Aldilà

De : Lucio Fulci

Avec Catriona MacColl, David Warbeck, Cinzia Monreale, Antoine Saint-John

Année: 1981

Pays: Italie

Genre: Horreur

Résumé:

Une jeune femme hérite d’un hôtel dans la Nouvelle Orléans. Alors qu’elle entreprend des travaux de rénovation, des phénomènes étranges font de sa vie un véritable enfer.

Avis :

Quel autre genre que l’horreur possède des réalisateurs qui ont une aura particulière au point d’avoir des fans un peu partout dans le monde ? Que ce soit Dario Argento, John Carpenter, Joe Dante, John Landis ou encore Lucio Fulci, il semblerait que l’horreur soit peuplée de personnalités fortes avec un œil incisif, précis et ayant livré des films qui resteront dans les mémoires collectives. Mais penchons-nous quelque peu sur le cas de Lucio Fulci, qui fut un maître du genre en Italie durant les années 70 et 80. Il commence sa carrière derrière la caméra en 1966 avec Le Temps du Massacre, un western spaghetti qui lui ouvrit d’autres perspectives, comme le drame ou encore le policier avec des métrages comme Au Diable les Anges ou encore Perversion Story. Il commence sa premier travail dans l’horreur en 1972 avec La Longue Nuit de l’Exorcisme et restera accroché au genre dès 1977 avec L’Emmurée Vivante. De là, il va régner durant une grosse décennie sur l’horreur italienne, présentant des films à succès comme L’Enfer des zombies ou encore L’Au-Delà qui nous préoccupe aujourd’hui.

Il s’agit d’un film très intéressant car il possède de nombreux points communs avec un autre film d’horreur culte italien, Inferno d’un certain Dario Argento. En effet, si ce dernier est sorti un an avant celui de Fulci, on y retrouvera quelques accointances au niveau de l’univers, proposant des visions infernales et cauchemardesques, mais empruntant aussi des chemins divers, Fulci étant beaucoup plus rationnel et glauque, alors qu’Argento est bien plus flamboyant et gothique. L’histoire de l’Au-Delà prend place dans les années 20, au sein d’un hôtel, où un peintre est accusé de sorcellerie et se fait battre à mort par des bouseux. Le problème, c’est que l’hôtel est bâti sur l’une des sept portes de l’enfer. Soixante ans plus tard, une jeune femme hérite de cet hôtel et n’a plus que cet endroit pour dormir. Malgré les avertissements des autochtones, elle décide de rester et va vite se rendre compte que la maison cache un lourd secret. On voit bien qu’avec ce film, Fulci va dépeindre les enfers et tenter de projeter ses démons intérieurs dans une peinture sombre, glauque, sale, qui ne laissera personne indifférent.

L’histoire du film, aussi simple soit-elle dans son déroulement, n’est pas si facile d’accès. Le réalisateur va brouiller les pistes avec divers personnages étranges et surtout, il va produire un montage très coupé, juxtaposant parfois des scènes qui n’ont rien à voir. A titre d’exemple, on peut citer ce moment où un homme est embarqué par une ambulance, puis on va rapidement passer à l’héroïne qui va faire des courses et croise sur sa route une femme aveugle qui l’invite chez elle. Cette façon de construire son film, un peu anarchique, sera symbolique du travail de Fulci qui veut perdre le spectateur dans un maelstrom angoissant et une atmosphère délétère qui met le spectateur dans un sentiment très anxiogène. En effet, on ne sait jamais si l’on baigne dans la réalité ou si nous sommes dans un monde parallèle, voire même le monde des morts. Si certaines apparitions sont très spectrales, on aura aussi droit à des zombies (qui ont été rajouté par la suite pour plaire à certains producteurs un peu frileux) et à des monstres qui semblent venir d’une autre dimension, dont les membres dégoulinants ne laissent aucune chance aux proies. Ce montage assez bizarre est alors profitable à une ambiance qui n’est à nulle autre pareille.

D’ailleurs, si l’histoire peut se rapprocher d’Inferno d’Argento, par sa vision de l’enfer et ces morts qui déambulent dans notre monde, on restera dans quelque chose de totalement différent. Avec Fulci, la couleur est très peu présente. Le début, dans les tons sépia, donne une atmosphère étrange, presque désespérée, irréelle, alors que par la suite, les aplats de noirs et de gris seront légion, même dans les peintures de l’artiste maudit, faisant référence à un réalisme froid, nihiliste, presque science-fictionnelle. Au contraire du film de Dario Argento qui est très coloré, très baroque et trouve son horreur dans un lyrisme malsain. Cependant, l’éclairage revêt une importance capitale dans le film de Fulci. Au détour d’une scène, on va remarquer que les personnes qui sont aveugles sont souvent éclairées dans des teintes bleutées, sombres, alors que les gens voyants possèdent des couleurs chaudes. Il s’agit d’un moyen intelligent de montrer la différence entre ceux qui sont déjà morts et les vivants. Fulci ne laisse rien au hasard, mais il ne mâche pas non plus le travail de compréhension, laissant des indices durant son film pour que le spectateur interprète l’histoire de la plus fine des façons.

Enfin, ce qui différencie grandement L’Au-Delà des autres productions du même style, c’est son aspect gore frontal qui ne peut laisser indifférent. Il faut dire que c’est un peu la marque de fabrique de Fulci qui n’hésite pas à mettre des litres d’hémoglobine dans la face des spectateurs. Malgré son côté délétère, le film impose des visions cauchemardesques et le sang en fait partie intégrante. Et on va avoir droit à toutes sortes de sévices, allant d’un saignement abondant au niveau de la bouche à des plantages de clou dans la tête pour faire ressortir l’œil de l’autre côté. C’est sale, ça percute bien et cela permet de mettre en avant la violence sous-jacente à l’enfer, tout comme son délire avec les yeux, seuls témoins d’un autre monde quand ils sont défaillants ou tout simplement absents. En fait, on se rend vite compte que là aussi, rien n’est vraiment laissé au hasard et que le réalisateur sait exactement où il veut en venir. Le seul défaut du film, c’est son rythme un peu lancinant et son final qui frôle parfois le grotesque avec sa horde de zombies qui n’ont pas vraiment lieu d’être là. On sent que ça a été rajouté et c’est bien dommage.

Au final, L’Au-Delà est un film très intéressant et qui mérite vraiment que l’on s’y attarde afin de redorer le blason de Lucio Fulci qui avait pris un peu cher à cause d’un Zombi 3 calamiteux et d’autres films moins intéressants comme Le Chat Noir par exemple. Avec L’Au-Delà, le réalisateur italien livre un film d’horreur intelligent, assez difficile d’accès, mais percutant et savamment mis en scène. A noter que la restauration en bluray faite par Artus est divine et que les bonus sont vraiment très intéressants, notamment une intervention de Lionel Grenier, fondateur du site LucioFulci.fr, qui offre sa vision du film de manière précise et pertinente. Bref, un objet de valeur qui a tout à fait sa place dans une belle collection.

Note : 17/20

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=_NgTSPy4szg[/youtube]

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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