avril 20, 2024

Jesus

De : Fernando Guzzoni

Avec Nicolas Duran, Alejandro Goic, Sebastian Ayala, Esteban Gonzalez

Année : 2017

Pays : Chili, France, Allemagne, Grèce, Colombie

Genre : Drame

Résumé :

Depuis la mort de sa mère, Jesús, 18 ans, vit avec son père souvent absent dans un petit appartement du centre-ville de Santiago. Il aime dessiner des mangas et danse dans un groupe à la façon des pop-stars coréennes. Depuis peu, il ne va plus à l’école et préfère trainer le soir dans les parcs avec son groupe de copains. Il séduit les filles mais aussi les garçons, ce qu’il est obligé de cacher. Lors d’une nuit d’excès, Jesús perd le contrôle.

Avis :

Fernando Guzzoni fait partie de cette nouvelle génération de réalisateurs, comme peuvent l’être Pablo Larraín ou Sebastián Lelio, qui sont en train de renouveler le portrait du cinéma venant d’Amérique du Sud.

À trente-quatre ans, Fernando Guzzoni s’est bâti une jolie réputation en seulement deux films. Ancien journaliste, aujourd’hui cinéaste, il vient présenter au festival Chéries Chéris, « Jesús« , son second film après « Carne de Perro« , un film produit par des Français, mais encore inédit chez nous, alors qu’il a déjà cinq ans.

Pour son deuxième film, Fernando Guzzoni revient sur l’un des faits divers les plus marquants de l’histoire contemporaine chilienne. « Jesús » raconte le quotidien d’un adolescent perdu et de sa bande de potes, mais qu’on ne s’y trompe pas, c’est bien une véritable tragédie que le réalisateur va mettre en lumière. Une tragédie horrible d’une violence insoutenable. Et une tragédie qui, au crépuscule de ses heures les plus noires, se révèle être un portrait terrifiant d’une génération perdue, désabusée et en manque de repères. Jolie claque, « Jesús » ne laisse pas indifférent et l’on ressort de la salle avec nos interrogations et nos raisonnements. Bref, terrible !

Jesús est un jeune homme de dix-huit ans qui est fasciné par les pops stars coréennes. Avec sa bande de potes, il zone, il traîne, il boit, et couche aussi bien avec des filles que des garçons. Un soir où l’alcool a encore une fois coulé à flots, le jeune et sa bande de potes vont commettre l’irréparable …

Le festival Chéries Chéris, c’est des histoires d’amour. C’est des travestis qui font des émissions de télé-réalité qui cartonnent. C’est des courts-métrages à n’en plus finir et des courts-métrages pornographiques des plus poétiques. Ce sont aussi des documentaires et puis des rencontres, des débats… Bref, c’est un bon festival riche et varié. Et c’est aussi un festival qui explore plus que le cinéma à caractère LGBT et la surprise vient de ce second et difficile film du Chilien Fernando Guzzoni qui livre là un film d’une grande violence, tant cette dernière est ordinaire et frappe totalement au hasard.

« Jesús« , c’est l’adaptation et l’analyse d’un fait divers qui a littéralement retourné le Chili. 2012, un soir comme un autre, un jeune homme homosexuel est battu à mort par une bande de jeunes. L’enquête pense à un crime commis par des néo-nazis, mais il n’en est rien…

Voilà pour les faits et la base. C’est sur cette horrible intrigue que Fernando Guzzoni a décidé de s’arrêter pour son second film et le moins que l’on puisse dire, c’est que son réalisateur est aussi audacieux qu’il est courageux, car à travers ce meurtre d’une rare violence, Fernando Guzzoni s’arrête et observe son pays, sa société et surtout la dérive de sa jeunesse en déconnexion totale avec le monde. Ce qui va être terrifiant avec le film de Fernando Guzzoni, c’est le non-jugement que le réalisateur jette sur ces jeunes, qui ont tué gratuitement l’un des leurs, un soir, pour rigoler. Sans concession, sans morale, Fernando Guzzoni les filme dans ce qu’ils peuvent avoir de plus beau et de plus sombre. Il filme leur quotidien avec recul et retenu, nous immergeant totalement à leur côté. Fernando Guzzoni pose des questions, il montre des choses, des éléments, nous met face à cette jeunesse en manque de repères, perdue et déconnectée de la réalité, et nous laisse seul juge de ce qu’il présente. Ce qui est dramatique, et même tragique avec « Jesús« , c’est la gratuité, le hasard et la violence, presque sans regret, qui nous est présentée. Il n’y a plus de repères, plus de frontières, et finalement, le bien et le mal finissent pas se conjuguer, autant que l’alcool, la violence, et le sexe en tout genre, avec n’importe qui. Mais face à ces dérives, face à cette montée de violence, de colère et de solitude, « Jesús » questionne sur les réponses apportées par une société dite civilisée. Qu’a-t-elle apporté comme réponse à ces jeunes gens ? Qu’a fait la société pour éviter ceci ? Il aura fallu un meurtre si atroce pour que certaines choses bougent.

Puis derrière cette violence et ce manque de repères, « Jesús » est aussi un film qui aborde les relations père/fils. En suivant plus précisément le parcours de l’un de ces meurtriers, Fernando Guzzoni prend le temps de peindre le milieu social de ce dernier, et la relation, ou la non-relation, d’un père en permanence absent, qui fait ce qu’il peut pourtant pour s’occuper de son fils.

Bref, vous l’aurez compris, « Jesús » est particulièrement riche. C’est un film au scénario poussé et détaillé, qui ne triche pas, qui ose montrer aussi bien la violence, le sexe (quelques scènes non simulées sont à prévoir) que l’amour et les choix impossibles à faire. Choix qui n’offrent aucune sorte de rédemption possible.

Belle claque inattendue, « Jesús » se pose d’ores et déjà comme l’un des films chocs de la future année 2018. Un film qu’il faudra aller voir, aussi bien pour sa démarche, sa proposition de cinéma on ne peut plus réaliste, et bien entendu son analyse de société qui s’avère universelle et s’étend bien plus loin que le Chili, car cette histoire et ce crime atroce pourraient arriver n’importe où.

Note : 17/20

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=xueQ_sYwqhg[/youtube]

Par Cinéted

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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