avril 24, 2024

Eddy De Pretto – Cure

Avis :

Malgré toutes les médisances que l’on peut avoir à propos du rap, notamment sur des messages souvent nauséabonds à grands renforts de filles faciles, d’argent facile et de vie de gangster, il peut y avoir du bon là-dedans. Le seul problème par rapport à cette musique, c’est qu’il faut vraiment être curieux et zapper tout ce que met en avant la télé ou la radio. Bien évidemment, il faut fuir d’urgence des rappeurs comme Booba, Kaaris, Jul ou encore Niska, qui apportent avec eux une image d’un rap bling-bling complètement décérébré et qui ne montrent pas le bon exemple auprès de jeunes qui ne comprennent pas le second degré, quand il y en a. Fort heureusement, il existe des rappeurs qui proposent des alternatives, avec des messages plus posés, plus intelligents et qui expliquent les choses de façon poétique. On pense à IAM, Brav ou encore Bigflo & Oli, mais il faudra désormais compter sur Eddy De Pretto. Sauf que ce dernier ne fait pas vraiment du rap, mais plutôt un mélange intéressant entre cette musique urbaine et la chanson française, maniant les mots avec une justesse affolante et proposant une instrumentalisation assez minimaliste qui correspond bien au rap. Avec Cure, son premier album, le jeune artiste frappe fort et offre une galette irréprochable qui s’approche dangereusement de la perfection.

Le skeud débute avec une petite intro qui se nomme Début et elle n’a d’intérêt que de placer deux trois mots et de montrer le genre d’instrumentalisation assez minimaliste que va mettre en avant l’artiste. Le plus intéressant arrive donc en deuxième piste avec Random, qui va narrer les différents problèmes de cœur du chanteur, qui s’exprime avec grâce et parcimonie. Le titre débute avec un petit piano, quelques ajustements électro pour faire plus touchant et dès que sa voix résonne, il y a une sorte d’alchimie qui se met en branle. C’est beau, c’est doux et surtout, ça touche rapidement grâce à une rythmique lancinante mais aussi et surtout des paroles très bien écrite, jouant avec les mots et les expressions. Le refrain rentre rapidement en tête et ce premier morceau est un véritable coup d’orfèvre qui reste longtemps en tête après plusieurs écoutes. Plusieurs titres de cet album vont avoir la même portée que ce premier morceau. On peut citer en vrac Quartier des Lunes (qui parle de prostituées), Normal (qui parle de l’homosexualité du chanteur, un thème très récurrent dans ce skeud), Genre ou encore Fête de Trop, qui est le premier succès public de cet album. Outre une structure efficace et des mélodies sublimes, on retrouve aussi des thématiques intelligentes, pleine de tolérance, comme par exemple l’homosexualité avec Jimmy, Normal ou encore Kid qui parle aussi de cette volonté de certains parents d’imposer des choix face à son genre. Eddy De Pretto parle aussi de l’égo, de son quartier avec Beaulieue ou encore du mal être avec Fête de Trop. Bref, on est très loin du rap conventionnel que l’on nous vend à tour de bras.

L’autre force de cet album, c’est qu’il est très varié au niveau des instrumentalisations. Si le chanteur a pour habitude de ne se faire accompagner que d’un batteur lors de ses prestations scéniques, on remarquera d’autres petites choses qui viendront donner une plus-value à tout ça. Comme une belle ligne de basse sur Normal (même si le morceau se rapproche un peu trop d’un Stromae), un piano d’une grande tristesse comme sur Kid ou encore de la guitare électrique assez saturée sur Desmurs. Une variété qui lui permet de faire de savants mélanges entre rap et variété française, mais consciente, évitant logiquement tous les clichés de ce genre avec des paroles non lénifiantes et qui ont un sens, une portée. Ensuite, certains morceaux semblent être très personnels, comme le somptueux Mamere, certainement l’un des plus beaux titres de cet album et dans lequel le chanteur parle de sa mère et lui envoie quelques vannes pour lui montrer ce manque d’amour qui lui pèse sur le cœur. Un message lourd de sens, mais qui trouve en milieu de morceau une autre direction humaine forte et qui nous fout le cœur en miettes. D’autres titres seront aussi très beaux, comme Rue de Moscou et son refrain enchanteur ou encore Musique Basse, qui clôture cet album et qui apporte une tonalité à la fois grave et positive sur un monde qui oublie parfois de lâcher prise.

Au final, Cure, le premier album d’Eddy De Pretto, est une pure réussite. Mélangeant habilement le rap et la chanson française, l’artiste propose quelque chose de nouveau, de beau, de doux, de grave, mais d’une extrême finesse dans l’écriture et d’un certain sens de l’épurement qui lui sied parfaitement. Cure, c’est simple, c’est efficace et ça touche au plus profond, mettant sur le devant de la scène un jeune homme qui manie les mots comme un écrivain et les met en voix avec un timbre cristallin. Bref, on est peut-être face à l’album de l’année, tout simplement.

  1. Début
  2. Random
  3. Rue de Moscou
  4. Jimmy
  5. Beaulieue
  6. Quartier des Lunes
  7. Desmurs
  8. Kid
  9. Normal
  10. Honey
  11. Genre
  12. Ego
  13. Mamere
  14. Fête de Trop
  15. Musique Basse

Note : 19/20

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=iA5UBqaJiVQ[/youtube]

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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