Titre Original : As Boas Maneiras
De : Juliana Rojas et Marco Dutra
Avec Isabél Zuaa, Marjorie Estiano, Miguel Lobo, Cida Moreira
Année : 2018
Pays : Brésil, France
Genre : Fantastique, Drame
Résumé :
Clara, une infirmière solitaire de la banlieue de São Paulo, est engagée par la riche et mystérieuse Ana comme la nounou de son enfant à naître. Alors que les deux femmes se rapprochent petit à petit, la future mère est prise de crises de somnambulisme…
Avis :
Duo de réalisateurs quasi-inconnus chez nous, Juliana Rojas et Marco Dutra sont deux cinéastes brésiliens qui n’en sont pas à leur coup d’essai. Après une multitude de courts-métrages, seul ou ensemble, les deux réalisateurs ont déjà livré deux films qui, comme « Les bonnes manières« , sont sortis chez nous de manière on ne peut plus discrète. Après un premier essai en 2012 avec « Travailler fatigue« , voici que le duo nous revient pour nous conter cette fois-ci un conte aux allures de loup-garou.
Des films sur les loups garou, on en a connu des dizaines, voire des centaines, et il est même devenu difficile de nous étonner tant le genre a été fouillé de fond en comble, et pourtant, il aura fallu ces « … bonnes manières » pour être de nouveau surpris. D’une originalité folle, s’éloignant de tout ce que l’on connaît, ce conte moderne est aussi beau qu’il est touchant. Esthétisme remarquable avec très peu de moyen, d’une poésie sans nom et d’une relation mère fils magnifique, « Les bonnes manières » est la belle et totalement inattendue surprise de ce mois de Mars.
Clara habite la banlieue pauvre de São Paulo. Un jour, elle est engagée comme nounou chez une riche femme dont l’enfant va naître dans quelques mois. Entre les deux femmes, le contact est immédiat et plus les semaines passent, plus elles se rapprochent. Alors que « sa patronne » est sujette à des crises de somnambulisme, Clara découvre que les dites crises arrivent tout le temps les soirs de pleine lune.
Avec « Les bonnes manières« , Juliana Rojas et Marco Dutra nous invitent dans un film d’une richesse folle et surtout d’une très grande et très belle sensibilité, dépassant même le film de loup-garou qui nous a été vendu, pour finalement nous livrer un film magnifique sur l’amour et la famille.
« Les bonnes manières« , c’est une histoire qui se divise en deux grandes parties très distinctes, avant la naissance et après la naissance. La première partie est une magnifique déclaration d’amour saupoudrée de fantastique. « Les bonnes manières« , c’est deux femmes que tout oppose qui se rencontrent et qui vont s’aimer. Les deux réalisateurs abordent cette histoire avec beaucoup de justesse, filmant leurs actrices avec une certaine poésie. Poésie qui se ressent à chaque instant. Prenant tout le temps dont ils ont besoin, ils font naître à l’écran les sentiments, le désir, l’amour, mais aussi le mystère, le malaise, et une sorte de fascination presque maudite entre les deux femmes. Et de cette entrée en matière, finalement, on ne pourra lui reprocher que d’être un peu trop longue.
Mais ce reproche va être très vite expulsé avec la deuxième partie du film qui ne sera que bouleversement. Cette deuxième partie, bien loin de l’amour de couple, abordera de la plus belle des manières l’amour familial, à travers cette mère et ce petit bonhomme bien différent de tous les autres garçons. On est touché par les sacrifices de cette mère et l’amour qui règne dans cette maison. Un amour infini, qui poussera une mère à élever un monstre. Mais est-ce un monstre, quand celui-ci n’est que fardeau puisqu’il est né ainsi ? Le monstre du film se projetterait-il bien plus loin que le « simple » conte de loup-garou ? La question est posée et la réponse n’est pas si évidente que cela.
Bien sûr, derrière ces questions et tout cet amour, le film aborde le loup-garou d’une manière qu’on n’avait jamais encore vu, puisqu’ici, la créature est un enfant de sept ans. La façon dont les deux réalisateurs traitent ce sujet est totalement inattendue et très touchante. Si le film avait jusque-là des allures de drame social saupoudré de fantastique, dans cette deuxième partie, il bascule totalement dans le conte, la fable poétique. Cette deuxième intrigue est encore plus rehaussée par une mise en scène tout en finesse. Une mise en scène qui suggère plus qu’elle ne montre. Une mise en scène qui sait se faire touchante, tout en étant parfois gore. Une mise en scène qui appuie l’univers et donne énormément de profondeur à son histoire, comme à ses personnages. Une mise en scène qui est aussi audacieuse, osant des parties de comédie musicale bouleversantes. Et enfin une mise en scène étonnante de qualité, dont les effets spéciaux sont incroyablement touchants. « Les bonnes manières« , c’est un loup-garou parfait bien loin de toute la soupe numérique à laquelle on nous habitue bien trop. Les deux réalisateurs, tout en modernisant les techniques, font avec ce film le plus beau des retours en arrière.
« Les bonnes manières« , sorti dans un peu plus d’une cinquantaine de salles, est donc une perle rare. C’est un film où se mélange à la perfection divertissement et réflexion, drame, social et fantastique. C’est un film dont le fond comme la forme sont sublimes. C’est un film qu’on n’attendait absolument pas et qui mériterait tellement plus de lumière. L’histoire, ou les histoires, qu’on nous raconte sont touchantes et bouleversantes. Le mythe du loup-garou n’a jamais été aussi touchant. C’est un film sombre et plein de lumière en même temps. Bref, c’est un très gros et très beau coup de cœur et il serait dommage de le rater.
Note : 18/20
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Par Cinéted