Avis :
Le Black Métal est un genre qui trouve ses origines en Scandinavie et qui a pour légende de parler de religion et de satanisme. Genre souvent décrié pour sa violence et son côté ostentatoire, on ne peut imputer au genre une volonté de choquer ou encore de rester dans des sphères un peu privées. Mais ce qui alimente vraiment la légende du Black Métal, ce sont les histoires sordides et la première histoire qui a fait la une des journaux dans les années 90, c’est le meurtre d’un producteur de musique norvégien. Quel est le lien entre Enslaved et cette introduction, hormis le genre ? Tout simplement parce que les débuts de Enslaved devaient commencer avec DSP dont le producteur fut assassiné. Des débuts chaotiques donc, mais ce fut pour mieux rebondir et créer un lien indéfectible avec la France, puisqu’en 1994, le groupe signe sur un label français, Osmose Productions, et sort de son pays pour fournir un Black Métal complètement différent. En effet, que ce soit dans les sujets abordés ou la musique en elle-même, Enslaved se détache rapidement de ses pairs pour parler de la nature, d’écologie, mais aussi pour s’imprégner de genres différents comme le Heavy, le rock et même le jazz. E est le quatorzième album du groupe et il marque une évolution pour la petite troupe.
La première chose que l’on remarque avec cet album, c’est qu’il y a peu de chansons, seulement huit pistes, mais que la durée est assez énorme, l’album dépassant allègrement l’heure d’écoute. Cela veut dire que les pistes sont longues, que les structures risquent d’être complexes et que dans tout cela, il va falloir voir en quoi E marque une évolution pour le groupe. Avec Storm Son, le groupe démarre relativement fort, lâchant un titre qui dépasse les dix minutes. On entre d’emblée dans quelque chose qui tire plus vers le métal progressif que le Black, même si on retrouvera la voix si particulière du genre. Mais le morceau ne va pas se focaliser sur des accords ou des solos très compliqués. Le groupe propose une introduction qui appelle au calme et à la nature avec des bruits d’animaux, puis monte progressivement vers quelque chose de plus violent. Le morceau est parfaitement maîtrisé et montre que Black et violence ne sont pas toujours côte à côte. Avec The River’s Mouth, le groupe revient à quelque chose de plus conventionnel, du moins au début, mais arrive à créer une distance entre la voix tonitruante du chanteur et les riffs qui ne sont pas si agressifs que cela. Certes, ça va assez vite, ça appelle à la bagarre viking, mais globalement, c’est très accessible. Encore plus lors du refrain en chant clair qui donne un bel élan épique. Si la structure de ce titre est simple, ce ne sera pas le cas de Sacred Horse, un très long titre (plus de huit minutes) qui va avoir plusieurs breaks, tant et si bien que parfois, on a la sensation d’écouter plusieurs morceaux en un seul. C’est parfaitement exécuté et Enslaved montre qu’il est en très grande forme.
Le principal problème quand on pond un album comme celui-ci, c’est qu’il manque souvent un titre vraiment marquant ou plus court et concis qui peut être vendu comme le hit du skeud. Enslaved fait le choix très clair de ne pas succomber aux cloches du mercantilisme et préfère être honnête envers lui-même et ses fans pour proposer un album long et complexe. Des titres comme Axis of the Worlds sont là pour en attester, délaissant les riffs brutaux pour des moments aériens et hyper complexes techniquement, créant encore et toujours une distance entre des moments purement virulents et d’autres plus doux. On notera aussi un clavier omniprésent, marquant du coup la variété des instruments au sein de l’album. Des instruments qui parfois prennent à revers, comme ce fameux saxophone que l’on peut entendre dans Hiindsiight. Le titre est parfois d’une lourdeur extrême, notamment dans son break, puis le groupe lâche alors un saxophone très posé au milieu d’un déluge de violence. Se disant inspiré par le jazz, le groupe ne ment pas sur ses références et livre finalement quelque chose d’inattendu mais qui ne dénote pas dans leur genre, explorant toujours plus à fond les tréfonds du Black avec d’autres genres. Et que dire aussi de What Else is There qui clôture l’album avec classe et calme, lorgnant plutôt du côté du rock que du métal, ne laissant que peu de place au growl.
Au final, E, le dernier album en date d’Enslaved, est un très bon skeud qui arrive à démontrer que le Black Métal n’est pas qu’un genre élitiste et underground. Le groupe norvégien propose un album complet, dense et technique qui laisse peu de place au hasard et auquel il ne manque finalement qu’un hit en puissance rentrant immédiatement en tête. Si on remarquera un léger changement au sein du groupe pour fournir des musiques plus profondes, on notera aussi une volonté de bousculer les genres pour sortir d’un carcan étouffant. Bref, un bel album.
- Strom Son
- The River’s Mouth
- Sacred Horse
- Axis of the Worlds
- Feathers of Eolh
- Hiindsiight
- Djupet
- What Else is There
Note : 16/20
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Par AqME