décembre 11, 2024

Troupe d’Elite

Titre Original : Tropa de Elite

De : José Padilha

Avec Wagner Moura, Caio Junqueira, André Ramiro, Milhem Cortaz

Année : 2007

Pays : Brésil

Genre : Action, Thriller

Résumé :

En 1997, les milices armées liées au trafic de drogue contrôlent les favelas de Rio. Rongée par la corruption, la police n’intervient plus sur le terrain. Les forces d’élite du BOPE (Bataillon des opérations spéciales de police) sont livrées à elles-mêmes dans leur lutte sans merci contre les trafiquants. Mais le maintien de l’ordre a un prix : il est de plus en plus difficile de distinguer le bien du mal, de faire la différence entre l’exigence de justice et le désir de vengeance.
Le Capitaine du BOPE Nascimento est en pleine crise : en plus de risquer sa vie sur le terrain, il doit choisir et former son successeur, dans l’espoir de quitter cette vie de violence et de rester auprès de son épouse, qui s’apprête à donner naissance à leur premier enfant.
Neto et Matias, deux de ses recrues les plus récentes, sont amis d’enfance : l’un est un as de la gâchette, l’autre refuse de transiger sur ses idéaux. A eux deux, ils seraient parfaits pour le poste. Séparément, il n’est pas sûr qu’ils puissent s’en tirer vivants…

Avis :

S’il y a bien un pays dont on n’a pas l’habitude de voir des films, c’est bien le Brésil. Plutôt versé dans la musique, aussi bien tribale que métal (Sepultura en tête), le Brésil possède pourtant son lot de réalisateurs intéressants, notamment lorsqu’il s’agit d’avoir une portée sociale et un regard critique sur une société complètement corrompue et des institutions qui le sont tout autant. Si on peut parler du réalisateur Kleber Mendonça Filho qui a eu son coup d’éclat l’année dernière avec Aquarius, un autre cinéaste s’est fait remarquer il y a près d’une dizaine d’années avec un film sans concession qui a même créé une petite polémique chez la presse bienpensante. En effet, José Padilha, avant de céder aux sirènes hollywoodiennes pour faire le remake de Robocop, avait, avec Troupe d’Elite, fait un film sanglant, parlant des favelas, de la mainmise des cartels de la drogue et de la corruption flagrante de la police. Brutal, violent, incisif, Troupe d’Elite est un film qui ne peut laisser indifférent et qui s’avère toujours d’actualité.

Le début du film est très surprenant, pour ne pas dire déroutant, puisqu’il commence avec une voix-off, celle du personnage principal, qui raconte son histoire et la raison de ce film. On va donc écouter les élucubrations de Nascimento, un agent du BOPE, une police qui vient au secours de la police dans les favelas. Une sorte d’unité d’élite qui n’a aucune limite dans ses méthodes et qui a même le droit de tuer quiconque possède une arme. Sauf que cet agent, il est fatigué de son métier, sa femme est enceinte et il souhaite prendre sa retraite. Sauf que pour partir du BOPE, il faut qu’il trouve un remplaçant parmi la police. Il jette son dévolu sur deux agents qui ne sont pas corrompus, des bleus qui viennent d’arriver et qui se battent pour la justice et contre la corruption de la police. De ce fait, le film se scinde en deux parties très distinctes.

La première partie concerne clairement les vies de chaque personnage avant le recrutement du BOPE. On va donc suivre Nascimento dans son métier de tous les jours, la pression qu’il subit, les prises de risque qu’il prend à aller dans les favelas et les méthodes douteuses qu’il emploie pour lutter contre le trafic de drogue. José Padilha dresse un portrait peu flatteur du Mexique, de la police, mais aussi de cette police des polices qui, sous couvert de lutter contre ce qui est mal, tue à tours de bras et n’hésite pas à utiliser la torture pour faire parler les guetteurs, aussi jeunes soient-ils. On va aussi suivre sa vie de famille, assez tumultueuse à cause de la pression de son boulot. Parallèlement, on va voir l’évolution de deux jeunes policiers, Neto et Mathias, qui viennent d’être promus. Le premier est un sanguin et réalise que les méthodes policières sont les mêmes que celles des voyous et il ne se retrouve pas dans ce métier. Le second veut devenir avocat. Il suit alors des études en parallèle et fricote avec des étudiants un peu bourgeois, qui s’amusent à fumer de la drogue et participent ainsi au commerce. Meilleurs amis dans la vie, Neto et Mathias se rendent compte que la police n’est pas ce qu’ils voulaient et ils s’engagent dans une voie destructrice, visant certains policiers corrompus. Dans cette partie du métrage, on se rend compte de l’état du Brésil et de Rio. La vision du réalisateur est très sombre, nihiliste au possible et personne n’est épargné.

La seconde partie du film concerne l’entrainement pour rentrer au BOPE et les premières missions des deux recrues, notamment nettoyer une favela pour l’arrivée du pape. On va donc assister à un recrutement militaire difficile, mettant en scène de l’humiliation, des prouesses physiques et de jolis moments de bravoure. Si ce segment est un peu plus classique, rappelant bien évidemment certains films de guerre, José Padilha va s’écarter de ce schéma avec un drame et une volonté de vengeance exacerbée, notamment parce que la mort est à cause d’un trafic de drogues. C’est la partie la plus violente du film. La recherche du meurtrier montre un chemin de croix sanglant avec aucun retour en arrière possible et on pourrait croire que le film fait la part belle à la revanche et à la vengeance. D’ailleurs, lors de sa sortie, certaines critiques se sont empressées de dire que c’était un film fasciste, faisant l’apologie de méthodes radicales. Mais c’est un peu se voiler la face, puisque dans ce film, on va la descente progressive d’un homme, Mathias, tout d’abord gentil, qui va se renfermer et devenir un homme aussi violent que les gangs dans sa ville. Œil pour œil, dent pour dent pourrait être la devise du métrage, et Padilha montre que pour lutter contre les injustices, il faut taper dans le tas et ne pas hésiter à faire mal. Si le film prend parfois des allures un poil trop poussées, comme la menace d’une sodomie avec un bâton sur un jeune garçon qui sait où se planque le dealer, c’est pour mieux montrer l’intimidation des dealers et leur mainmise sur certains quartiers. Le réalisateur ne fait aucune concession dans son film, afin de mieux percuter le spectateur, et c’est tant mieux.

Au final, Troupe d’Elite est un excellent film qui touche un point sensible de la société brésilienne. Portrait peu flatteur d’une société soumise à la corruption de toutes les institutions et notamment la police, José Padilha veut montrer de manière frontale à quel point cela fragilise un certain contrat social et comment, sans le vouloir vraiment, certains enfants issus de la bourgeoisie participent à étendre ce réseau et à la protéger. Bref, le cinéaste brésilien signe un film sombre, très violent, mais qui ne veut pas édulcorer une vérité certaine afin que tout le monde se rende compte de l’état de son pays et de pourquoi il est proche de la faillite. Bref, un film nécessaire.

Note : 17/20

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Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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