Avis :
Cinéma et musique ont toujours fait bon ménage et il n’est pas rare qu’un acteur se lance dans la musique (Hugh Laurie, Scarlett Johansson, Johnny Depp, etc…) ou qu’un musicien se lance dans le cinéma (Henry Rollins, Alice Cooper, Iggy Pop, etc…). Cependant, il ne faut pas oublier les acteurs du petit écran, qui parfois se lancent aussi dans l’aventure. Il est par contre plus rare de voir des célébrités quitter leur métier de base pour se lancer à bras le corps dans une autre aventure. C’est pourtant le cas de la sublime Taylor Momsen, actrice et mannequin de son état, qui décide de tout plaquer (plus ou moins quand même) pour devenir rock star et assouvir un besoin de hurler dans un micro. C’est ainsi que nait The Pretty Reckless, un groupe qui va vite devenir un incontournable, non pas pour sa musique, mais plus pour la leader qui accumule une tonne de fans enragées et hystériques. Mais dans la vie, il faut faire fi de la célébrité des gens pour gratter la surface et découvrir autre chose, une autre personnalité, une autre personne. Seulement, quand les producteurs laissent plus de place aux magazines people qu’aux magazines spécialisés lors des concerts, on peut se poser des questions sur la légitimité du groupe, d’autant plus que Virgin Radio s’en bat royalement les noix du hard rock qu’arbore fièrement la chanteuse. Alors oublions tous les atours qui gravitent autour de la frontwomen pour se focaliser sur cet excellent troisième album.
Nous avions laissé le groupe en 2014 avec Going to Hell, un skeud formidable dans lequel le groupe se laissait aller à des riffs endiablés, se rapprochant grandement d’un Black Sabbath. Un album nerveux, qui avait ses excès de douceur sur certaines ballades, mais qui montrait une énergie débordante. Qu’en est-il de Who You Selling For ? Le résultat est relativement étonnant car nous sommes face à un album complètement différent du précédent, beaucoup moins violent, bien plus rock et blues, pour un constat sans appel, c’est une tuerie.
D’entrée de jeu, la belle pose sa voix sur l’introduction de The Walls are Closing in/Hangman, avec seulement l’aide d’un piano, puis le morceau va se construire autour d’un riff de gratte lourd, qui va monter crescendo. Cependant, on est très loin de l’agressivité du précédent album, préférant offrir quelque chose de plus construit, de plus posé dans sa temporalité. Cet effet sera contrebalancé par Oh My God, un titre très nerveux, puissant, qui montre que le groupe en a toujours sous la pédale. Mais en plus de cela, la belle prouvera qu’elle peut suivre avec sa voix grave et suave qui n’est pas sans rappeler une certaine Janis Joplin. Une comparaison prestigieuse mais qui n’est volée, surtout quand on l’entend lors de moments plus calmes. Et notamment sur Take me Down, le tube de l’album, qui passe du hard rock au blues/gospel de bonne facture. Entrainant sans être violent, entêtant sans être soulant, la belle a trouvé la recette magique pour faire un hit rock qui restera un long moment dans la tête. Tout comme Prisoner, qui résonne comme un bon vieux hard rock bluesy scandé par des claps de mains donnant une dimension scénique puissante et d’autant plus entrainante. Et là-dessus, difficile de ne pas voir des similitudes avec Janis Joplin tant la tessiture semble la même. Le groupe n’oublie pas pour autant sa vélocité avec notamment Living in the Storm qui est un morceau bien hard, voire métal par certains aspects, qui fait écho au précédent album pour ne pas décevoir les fans qui ne verraient pas l’évolution du groupe.
Mais là où la formation surprend, c’est dans sa capacité à fournir des morceaux si différents et pourtant totalement cohérent au sein d’un même skeud. Ainsi, Wild City, malgré son enrobage hard rock, résonne comme un titre funk rock absolument génial, notamment grâce à une gratte soliste parfaite et bien écho, permettant de se plonger à corps perdu dans une ambiance chaude et urbaine. Mad Love, qui clôture l’album, tirera volontairement vers une soul rock psyché complètement à part dans l’album mais qui demeure parfaitement maîtrisée et qui rentre immédiatement en tête. Même les ballades du groupe sont complètement différentes, mais fonctionnent parfaitement comme Who You Selling For ou encore Bedroom Window, qui fait immédiatement écho à la dépression de Taylor Momsen, dont elle s’est inspirée pour écrire cet album. Une dépression qui se ressent sur le mélancolique Already Dead, qui monte crescendo et qui est d’une puissance émotionnelle imparable.
Au final, Who You Selling For, le troisième album de The Pretty Reckless, serait-il celui de la maturité ? C’est une question que l’on est en droit de se poser quand on voit la réussite parfaite de ce skeud, mais aussi et surtout l’énergie qui est plus canalisée, et les compositions plus travaillées. Bref, il en résulte un album quasi parfait qui brasse de nombreux genres et qui démontre que The Pretty Reckless, c’est autre chose qu’une chanteuse people, c’est un vrai groupe de rock, qui tape fort tout en ayant de l’émotion. Le genre de truc qui ne passera jamais à la radio et pourtant, on en aurait grandement besoin…
- The Walls are Closing in/Hangman
- Oh My God
- Take me Down
- Prisoner
- Wild City
- Back to the River feat Warren Haynes
- Who You Selling For
- Bedroom Window
- Living in the Storm
- Already Dead
- The Devil’s Back
- Mad Love
Note: 19/20
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Par AqME