avril 19, 2024

Colonia – Cultes et Politique

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Titre Original : Colonia

De : Florian Gallenberger

Avec Emma Watson, Daniel Brühl, Michael Niqvyst, Richenda Carey

Année: 2016

Pays: Allemagne, Luxembourg, France

Genre: Thriller historique

Résumé :

Chili, 1973. Le Général Pinochet s’empare du pouvoir par la force. Les opposants au coup d’Etat descendent dans la rue. Parmi les manifestants, un jeune couple, Daniel photographe et son ami Lena. Daniel est arrêté par la nouvelle police politique. Il est conduit dans un camp secret, caché dans un lieu reculé au sein d’une secte dirigée par un ancien nazi. Une prison dont personne n’est jamais sorti. Pour retrouver son amant, Lena va pourtant rentrer dans la Colonia Dignidad.

Avis :

Les temps sont durs pour les jeunes acteurs passés à la postérité avec la saga Harry Potter et tâchant de se construire une carrière après des rôles qui collent à la peau.

Si Daniel Radcliffe a trouvé la combine en explosant littéralement dans la diversité (après s’être retrouvé nu sur scène dans Equus, avoir frayé avec un spectre et un démon, après avoir interprété Allen Ginsberg et Igor, on le retrouvera bientôt en roue libre dans Insaisissables 2 et carrément en couteau-suisse humain dans Swiss Army Man), cela s’avère beaucoup plus compliqués pour la plupart des autres sorciers de Poudlard.

Si on a entrevu Tom Felton (Drago Malefoy) dans La Planète des singes : les origines et le récent La Résurrection du Christ, on a eu très peu de nouvelles d’Evanna Lynch (Luna), Bonnie Wright (Ginny), Matthew Lewis (Neville), Katie Lung (Cho) ou des frères Phelps (Fred et George).

Quant à Rupert Grint, pourtant un des trois personnages principaux, si on le voit de temps en temps à l’affiche d’un film indépendant (Petit meurtres à l’anglaise, Charlie Countryman ou le récent Moonwalkers), il peine à retrouver des projets de premier plan, après avoir été sous les feux des projecteurs 10 années durant.

Reste Emma Watson.

Égérie de toute une génération, Queen of the internet, son omnipotence médiatique lui a permis de rester dans la lumière et de combattre sur tous les fronts. Diplômée de littérature anglaise, ambassadrice de l’ONU, classée parmi les 100 personnes les plus influentes de 2015, elle a habilement jonglé entre films d’époque (My Week with Marilyn), grosses productions (Noé ou le prochain La Belle et la Bête) et auto-dérision (C’est la fin du duo Goldberg/Rogen), et a déjà cumulé plusieurs collaborations avec de prestigieux metteurs en scène (Coppola fille, Aronofsky, Amenabar).

Bref, depuis 15 ans, elle n’a pas quitté l’Olympe où Hermione l’avait placé.

Colonia

Et pourtant voilà que son trône a vacillé.

Alors que le Régression d’Amenabar n’a pas eu le succès escompté, ce Colonia a fait un tel flop aux Etats-Unis qu’il a échaudé les velléités de la perfide Albion, préférant sortir le film en catimini dans 3 salles (si si) tout en le proposant sur les plates-formes numériques. Résultat : à peine 55 euros engrangé lors de sa sortie britannique, et le premier vrai bide intersidéral pour Emma.

Alors que le film vient de sortir chez nous, se pourrait-il qu’il soit assez mauvais pour rebuter même les plus amoureux de l’ex-sorcière au sourire mutin (c’est à dire à peu près 90% des mâles hétéros de la planète) ?

Pourtant la caution histoire vraie, scandée à tour de promotion, jusque sur l’affiche officielle, devrait plutôt attirer les foules, généralement friandes de destins contrariés et de décisions courageuses.

Colonia décrit dans le (sordide) détail les agissements de la Colonie Dignidad, une colonie agricole bien réelle dirigée par un ancien nazi de 1961 à 1997, qui, sous couvert d’un culte religieux rétrograde, servit de prison politique, de salle de torture et de centre d’expérimentation à la dictature du général Pinochet pendant des décennies.

Rien que du tout vrai donc, une toile de fond historique qui fait encore mal à l’occident (implication des dignitaires allemands, rumeurs d’implication de la CIA – ce qui expliquerait aussi peut-être le flop du film là-bas, les yankees n’aimant que rarement qu’on leur rappelle leurs casseroles) et qui permet une implication encore plus forte dans l’histoire qui nous est racontée, puisque toutes les situations décrites auraient très bien pu arriver.

Pourtant, que cela soit clair, à part ce background historique, rien n’est vrai. L’histoire de Lena, hôtesse de l’air débarquée au Chili pour voir son petit ami Daniel au mauvais moment, et qui va rejoindre de son plein gré la Colonie Dignidad pour sauver celui-ci, capturé par la police militaire de Pinochet, est totalement fictive.

Une absence de contraintes qui permet de construire une véritable histoire à suspens, comme Lena et Daniel, chacun de leur côté vu qu’hommes et femmes sont séparés, tente de trouver un moyen de s’échapper de la colonie à mesure que les jours passent.

Et ce qui semblait être un drame sur l’enfer des camps devient un vrai thriller, qui flirte presque avec La Grande Évasion et autres Évadé d’Alcatraz, entre stratagèmes et infiltration.

Du coup le film s’avère beaucoup plus stressant et accrocheur qu’on ne l’aurait cru au premier abord, surtout en se fiant à la promotion du film, affiche en tête. Surtout lorsque les agissements des protagonistes reflètent une vérité historique malheureusement bien réelle.

Le revers de la médaille, néanmoins, c’est qu’au-delà de cette toile de fond, les événements et péripéties ne peuvent plus raccrocher leurs facilités scénaristiques à l’invraisemblance de la réalité qui semble parfois trop incroyable pour être vraie.

En découlent certains passages un peu trop forcés dans ses coïncidences et ses révélations, qui mettront votre suspension d’incrédulité à rude épreuve. C’est une tare universelle du cinéma bin sûr, présente dans une grande majorité de films et qui sera plus ou moins gênante suivant les spectateurs, mais ce genre de complaisance anodine prend, dans un film ancré dans la véracité historique, une importance non désirée qui provoque parfois un décalage entre le réel et l’improbable.

Un décalage qui fragilise un peu le film et pourra en frustrer certains par sa propension à faire sortir du film.

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Heureusement, il reste le jeu impeccable des acteurs.

Si Daniel Brühl est un peu en-dessous et paraît curieusement effacé, lui qu’on a connu intense même dans un blockbuster comme Civil War, Michael Nyqvist, le héros de Millenium, fait preuve d’un charisme redoutable dans la peau de John Schäffer, criminel de guerre, pédophile notoire, gourou omnipotent et salaud assez fiévreusement enragé pour fasciné.

Quant à la jeune et jolie Emma, si elle rayonne comme d’habitude pourrait s’offrir le Bon Dieu sans confession à chacun de ses sourires, elle montre là une nouvelle palette de son jeu d’actrice. Auparavant cantonnée aux rôles d’adolescentes post-Harry Potter et de jeunes fille éplorée (il faudra forcer le trait à l’extrême inverse pour interpréter l’héroïne superficielle et perverse de The Bling Ring, sans grand conviction), elle s’offre avec Colonia un personnage complexe, fragile mais courageux, intelligent et téméraire, qui n’hésite pas une seconde à se jeter dans la gueule du loup pour sauver l’homme qu’elle aime.

Une vraie héroïne moderne qui fait du bien à l’heure des super-héros ultra-virilisés, et qui n’est qu’un des atouts d’un film loin d’être parfait, mais qui vaut beaucoup mieux que l’accueil sans appel auquel il s’est confronté dans les pays anglophones.

Note : 15/20

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Par Corvis

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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