Avis :
Si le rock ne fait pas forcément partie des genres les plus médiatisés en France, le métal est encore plus dénigré dans un pays qui se dit culturel. S’il faut souvent fouiller les disquaires et les méandres du net pour se procurer certaines perles de notre pays, il y a un groupe qui cartonne dans le monde entier, c’est Gojira. Fondé en 1996 dans les Landes, Gojira propose un detah métal qui lorgne largement du côté du progressif, avec une grosse pointe de violence et des riffs très lourd. Après un succès critique et public phénoménal avec From Mars to Sirius puis The Way of All Flesh, le groupe français s’installe aux States pour être plus libre de créer dans un genre qui ne trouve pas sa place en France. Et si L’Enfant Sauvage était un bon album, un poil en deçà des autres, Magma risque fort de dérouter les fans de la formation. Sixième effort du groupe, Magma signe un changement racial dans la composition de l’album, dans sa durée, mais aussi et surtout dans son style, rendant Gojira plus accessible, plus enclin à délivrer des émotions insoupçonnées. Et si cela est dû à un évènement malheureux, le décès de la mère des frères composant le groupe, l’album n’en est pas moins un excellent moment, offrant quelque chose de puissant, mais aussi de terriblement intelligent et envoutant.
La première chose qui frappe sur cet album, c’est sa durée totale. Il faut dire que le groupe nous avait habitués à des albums dépassant facilement l’heure d’écoute et que dans Magma, on n’arrive même pas à 45 minutes. La volonté du groupe avec cet album, c’est de proposer un son plus posé, plus accessible à un public qui n’est pas forcément versé dans le métal ou le death. Et c’est de façon intelligente que le groupe lance The Shooting Star, un titre plutôt prog, assez doux, avec une voix profonde, non criée et qui reste en retrait par rapport aux guitares plutôt aériennes. Il s’agit clairement d’un titre insidieux, assez long, mais maîtrisé à la perfection et qui montre que le groupe sait aussi faire dans l’émotion. C’est alors que surgit Silvera, un titre écolo comme l’a déjà proposé le groupe auparavant. Un morceau beaucoup plus violent, aux riffs agressifs, à la voix plus criée, mais qui possède un refrain entrainant et qui reste rapidement en tête. Et c’est certainement là le joli coup du groupe, c’est de fournir des pièces plus mémorisables, un peu comme des hits en puissance, mais dans un genre assez inhabituel pour cela. Et Silvera n’est pas le seul exemple, puisque l’on peut citer aussi Stranded et sa rythmique infernale qui rentre immédiatement en tête pour ne plus jamais en ressortir. Le groupe se montre réellement efficace sur ces titres et ce changement de cap se fait tout de même en douceur pour ne pas brusquer les fans.
Cependant, là où excelle le groupe, c’est dans les compositions un peu plus ardues, où la structure même du morceau se prête plus facilement au progressif. Magma, le titre éponyme de l’album en est l’exemple le plus flagrant, car non seulement c’est le titre le plus long de l’album, dépassant les six minutes, mais en plus de cela sa structure est assez décousue. Cela surprend d’autant plus que le morceau survient après Yellow Stone, une rupture d’une minute qui part vers le stoner rock avec des riffs lourds et lents. Magma se compose de riffs assez agressifs, mais surtout d’une ambiance très particulière, assez ésotérique et l’ensemble forme un titre étrange, mais d’une justesse incroyable. Cette moitié d’album sera d’ailleurs la partie la moins accessible au grand public, car elle s’axe vraiment sur une ambiance particulière, presque comme un sabbath de sorcières, avec des titres étranges et puissants à l’image de Pray et son intro lancinante qui annonce une arrivée toute en lourdeur, ou encore Only Pain et sa violence exacerbée avec son son strident de gratte qui fait écho à Stranded. Enfin, Low Lands finit d’amener ça vers des cieux infinis, entre terre et espace dans un trip planant d’une grande réussite et parfaitement maîtrisée.
Au final, Magma, le dernier album de Gojira, est une réussite sur tous les plans. Plus calme que ses aînés, plus accessible, le groupe n’en oublie pas pour autant d’où il vient et propose des morceaux violents autant que des titres plus aériens, plus dans l’émotion. On retrouve ici un groupe créatif, qui prouve que le métal n’est pas qu’une affaire de décérébrés du bulbe, mais bel et bien un genre à part entière. Finalement, l’album n’a qu’un défaut, c’est qu’il est beaucoup trop court.
- The Shooting Star
- Silvera
- The Cell
- Stranded
- Yellow Stone
- Magma
- Pray
- Only Pain
- Low Lands
- Liberation
Note : 19/20
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Par AqME