mars 29, 2024

Cochons et Cuirassés – Portrait d’un Japon d’Après-Guerre

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Titre Original : Buta to Gunkan

De : Shôhei Imamura

Avec Jitsuko Yoshimura, Hiroyuki Nagato, Yôko Minamida

Année : 1961

Pays : Japon

Genre : Drame

Résumé :

De jeunes amoureux tentent de survivre dans l’univers corrompu de l’après-guerre au Japon.

Avis :

Le cinéma japonais est un cinéma à part et qui détient des codes qui lui sont propres. Si aujourd’hui ce cinéma a tendance à se démocratiser et à suivre les sentiers du cinéma occidental (il faudra se concentrer sur le cinéma sud-coréen pour avoir quelque chose de vraiment différent et sulfureux), ce ne fut pas le cas dans les années 60. Shôhei Imamura est un réalisateur assez prolifique qui fait partie du cercle très fermé des cinéastes ayant eu une double palme d’or et qui brasse des thèmes assez sulfureux dans ses films. Prostitution, condition de la femme, inceste, l’homme est fasciné par des thèmes tabous pour l’époque qu’il n’hésite pas à mettre en images de façon crue mais relativement subtile. Le Pornographe demeure d’ailleurs un film assez malsain qui va au bout de son concept, épuisant le spectateur. En 1961, il décide de faire un film sur son pays, sur le Japon d’après-guerre qui subit une invasion américaine, au travers un couple tumultueux dont l’histoire sera jonchée par les mauvais choix d’un jeune homme qui veut de l’argent. Un film, qui plus de cinquante ans plus tard, reste étonnamment d’actualité.

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Cochons et Cuirassés débute comme un film de guerre, alors que la guerre est belle et bien terminée. Le réalisateur s’évertue à filmer les coins les plus sordides de la ville portuaire avec ses bars mal famés et ses lieux de perdition avec des prostituées dont le sexe est le seul moyen de survivre. On va y croiser Kinta, un jeune homme qui n’a rien à perdre et qui vit un peu dans le vent. Son rêve est de gagner beaucoup d’argent en en faisant le moins possible. Il décide alors de s’engager auprès d’un mafieux qui fait du trafic de viande de cochons, un commerce florissant. Mais Kinta a une femme qui travaille dans un bar restaurant et qui aimerait bien que son aimé fasse un travail plus digne et moins dangereux. De ce couple va naître un portrait sordide et cynique d’un Japon qui se laisse gangréner par une crise économique sans précédent.

Et c’est bien là toute l’importance du propos du cinéaste. A travers ce couple, il va montrer comment le Japon s’est fait bouffer par les américains et comment les japonais essayent de s’en sortir, empruntant des chemins tortueux et illégaux. Cochons et Cuirassés n’est donc pas un film de guerre, mais un film social sur des personnes qui n’ont que leurs corps ou leurs rêves pour survivre. Le film montre aussi comment l’argent et l’envie de gagner toujours plus va pousser des personnes lambda à tomber dans la délinquance. Kinta en est l’exemple parfait, doux rêveur aimant jouer les durs, qui va s’engager dans un groupe dangereux, le poussant toujours plus loin dans ses retranchements. On pourra y voir aussi sa femme, toujours révoltée par ce que fait son homme et essayant de le sortir de la misère, prête à utiliser son corps auprès des américains. La prostitution, thème de prédilection d’Imamura, est un point important du film, mais étant annoncé comme une solution non viable.

Le film est donc d’une modernité incroyable dans son propos, qui reste vraiment d’actualité, avec tous les vices qu’apporte l’argent. Mais ce n’est pas tout. Le film est aussi très contemporain dans sa réalisation (malgré quelques coupures très visibles) et dans ses personnages. La femme a une place très importante, presque centrale, mais le comportement de Kinta colle étonnamment à notre époque. Sorte d’ado rebelle, il refuse de suivre les traces de son père et a une attitude proche des racailles des banlieues. Sa gestuelle, sa tenue, sa volonté de démontrer qu’il est le plus fort et son dévouement pour son chef de gang font que le film demeure vraiment intéressant de ce point de vue, plus de cinquante ans plus tard.

Cependant, le métrage n’évite pas certains écueils. En effet, le film est très long et très lent et il possède un véritable ventre mou en son milieu. Le réalisateur appuie sur des choses qui ne sont pas forcément pertinentes et surtout, il insiste énormément sur ce couple qui tourne en rond dans sa relation. La fin, quant à elle, demeure intéressante, avec un pétage de plomb logique, mais le film se perd en cohérence et casse avec le rythme lent imposé. En fait, le principale défaut du film, c’est que l’on ne se prend pas d’affection pour Kinta, mais pour sa femme, et de ce fait, on ne craindra pas grand pas chose pour lui sur la fin, se foutant un peu de son sort.

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Au final, Cochons et Cuirassés est un film intéressant brassant des thèmes importants et terriblement d’actualité. Mais le film possède aussi deux défauts majeurs, celui d’être lent et long et celui d’imposer un personnage presque détestable au centre de son histoire. Et si le fond demeure encore contemporain, la forme est encore un peu difficile d’accès, la faute à ce rythme lancinant et à ce couple qui tourne en rond pour trouver une solution à leur problème d’argent.

Note : 12/20

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Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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