avril 20, 2024

Crimson Peak – Pépite Gothique

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De : Guillermo Del Toro

Avec Mia Wasikowska, Tom Hiddleston, Jessica Chastain, Charlie Hunnam

Année: 2015

Pays: Etats-Unis

Genre: Horreur, Romance

Résumé :

Au début du siècle dernier, Edith Cushing, une jeune romancière en herbe, vit avec son père Carter Cushing à Buffalo, dans l’État de New York. La jeune femme est hantée, au sens propre, par la mort de sa mère. Elle possède le don de communiquer avec les âmes des défunts et reçoit un étrange message de l’au-delà : « Prends garde à Crimson Peak ». Une marginale dans la bonne société de la ville de par sa fâcheuse « imagination », Edith est tiraillée entre deux prétendants: un inconnu au nom de Thomas Sharpe et le docteur Alan McMichael.

Avis :

Le cinéma horrifique est un peu en deuil depuis quelques années maintenant, puisqu’entre des sorties en salles qui flirtent avec le foutage de gueule et des sorties directement en DVD qui fleurent bon le navet, il est assez complexe de faire un choix correct ou de dire que le cinéma de genre est important pour le cinéma dans sa globalité. Et pour tomber sur du mieux et du très bien, il faut chercher du côté indépendant ou inattendu. Ainsi, en début d’année, It Follows avait convaincu, grâce à une histoire étonnante et une réalisation hype à mille lieues de ce que l’on voit habituellement. Mais depuis, c’est morne plaine avec des métrages insipides, voire très mauvais et d’autres sympathiques, mais loin d’être transcendants, comme The Visit de Shyamalan ou Insidious Chapitre 3 de Leigh Whannel. Fort heureusement, Guillermo Del Toro revient vers un cinéma plus intimiste après son gigantesque Pacific Rim, et livre certainement le film d’horreur de l’année, dans une simplicité classieuse et touchante.

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Edith Cushing est la fille unique d’un noble américain. Alors qu’elle se décide d’écrire un roman qu’elle veut faire publier, une histoire de fantômes, elle tombe sur Sir Thomas Sharpe, un baronnet anglais qui cherche des fonds pour créer des machines extrayant de l’argile rouge sur ses terres. Le noble anglais tombe rapidement sous le charme d’Edith et la courtise. Mais le noble cache un bien lourd secret avec sa sœur et Edith va l’apprendre à ses dépens lorsqu’elle va se rendre dans sa demeure, qui prend le nom de Crimson Peak lorsqu’il neige.

Tous les réalisateurs ont leurs références, leur bibliothèque mentale qui a sélectionné des souvenirs de lecture marquants et c’est ainsi que chaque cinéaste possède sa propre patte. Guillermo Del Toro fait partie de ces érudits qui possèdent une culture dantesque dans le domaine du fantastique et de l’horreur. Il a déjà prouvé par le passé qu’il était l’un des seuls survivants d’Hollywood à avoir gardé une imagination débordante et à pouvoir se permettre de la coucher sur pellicule. Alternant entre films à gros budget et films plus intimistes, Del Toro arrive encore à stimuler l’imaginaire du public en sortant des sentiers battus. La preuve en était faite avec Pacific Rim, sortant le robot de son bête contexte pour en fournir un rêve éveillé et débordant de générosité et s’amusant comme un gamin avec ses figurines dans une montagne de cailloux. Mais avec Crimson Peak, non seulement il réitère le fait de sortir le fantôme de son contexte actuel (à savoir faire des jump scare pour susciter un sursaut inespéré du spectateur léthargique), mais en plus de cela, il dresse une romance ambiguë, renouant avec un cinéma gothique oublié et pourtant si innovant.

Le pitch de départ est d’une simplicité cruelle, mais on ressent un réel travail d’écriture. Il a fallu d’ailleurs près d’une douzaine de scénarii pour tomber sur le schéma idéal pour le cinéaste mexicain. De ce fait, le film possède un liant sur chaque scène et il est clairement impossible de se défaire de ce rêve qui vire au cauchemar. Mais non seulement le scénario est solide et livre une romance gothique d’une grande beauté, mais en plus, tous les personnages sont d’une épaisseur incroyable. Les trois personnages principaux ayant bénéficié d’une biographie de plus de huit pages, on ressent une réelle recherche dans l’approche humaine et chaque acteur est vraiment impliqué dans son rôle. La palme revenant à Jessica Chastain, tétanisante et complètement habitée par son personnage. De ce fait, le film est relativement humain et les apparitions fantomatiques ne seront là que pour apporter, soit un souffle horrifique savamment dosé, soit un élément de l’intrigue qui permettra d’aller vers une résolution inattendue.

Et au niveau horrifique, le film se pose comme un mètre étalon dans le néo-gothique et le film de fantôme. Jouant perpétuellement avec les ombres, avec les volutes de fumée, mais aussi avec les proportions, les fantômes, tout comme la maison, font partie intégrante des personnages et font froid dans le dos. Sans jamais sombrer dans le scare jump, Guillermo Del Toro livre un film en dehors du temps et de la mode qui fait un bien fou au genre, prouvant que l’on peut encore livrer quelque chose de travaillé, de beau et d’effrayant pourtant. D’ailleurs, les scènes de nuit sont d’une force incroyable, déstabilisant le spectateur par cette beauté gothique qui le happe complètement pour ne le lâcher qu’au petit matin.

Bien évidemment, on ressent fortement les inspirations du réalisateur, qui ne s’en cache pas pour autant, jusqu’au nom de famille de l’héroïne, Cushing, référence non dissimulée pour l’acteur Peter Cushing, grand rival de Christopher Lee dans les films de la Hammer. Et la boîte britannique est une réelle inspiration pour Del Toro, puisque l’action se déroule en Angleterre, mais le gothique est présent sur tous les plans (dont certains sont de véritables money shot, comme les plans de la maison, qui est envoutante), et on voit un profond respect pour les films qui ont fait les beaux jours du gothique anglo-saxon. Un temps soi-disant révolu, mais que le cinéaste mexicain s’empresse de contredire.

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Au final, Crimson Peak est une pépite gothique comme il en sort que trop rarement. Renouant avec un cinéma sombre mais beau des années 60/70, le film oppose des sentiments antagonistes mais terriblement forts comme la beauté et l’horrible, l’amour et la haine, la folie et la raison. Bref, un film d’amour monstrueux qui transpire par tous ses pores d’imagination, d’hommage et de beauté et qui prouve une fois de plus que Guillermo Del Toro est un géant.

Note : 19/20

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=vu03lqAwKqE[/youtube]

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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4 réflexions sur « Crimson Peak – Pépite Gothique »

  1.  » Mais avec Crimson Peak, non seulement il réitère le fait de sortir le fantôme de son contexte actuel (à savoir faire des jump scare pour susciter un sursaut inespéré du spectateur léthargique), »

    C’est une grosse blagouse là lol, le film est bourré de jump scare, aussi bien sonore que visuel.

    1. Certes, je te concède qu’il y en a, mais très peu comparé aux autres films d’horreur qui sortent en ce moment au cinéma. Del Toro s’inspire plus d’un impressionnisme allemand lors des apparitions que de scare jump sans recherche de tout found-footage actuel.

      1. C’est pas un reproche en même temps, c’est un constat, le Jump Scare fait partie intégrante du film d’horreur, ou du genre fantastique/gothique/horrifique, que ce soit Hitchcock ou autre.

        Après effectivement que Del Toro s’inspire bien de l’Expressionnisme allemand, et aussi du poétique français comme Cocteau par exemple ;). Et chacun de ses « jump scare » est motivé par une recherche esthétique et émotionnelle des personnages.

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