De : Diastème
Avec Alban Lenoir, Samuel Jouy, Paul Hamy, Olivier Chenille
Année : 2015
Pays : France
Genre : Drame
Résumé :
Avec ses copains, Braguette, Grand-Guy, Marvin, Marco cogne les Arabes et colle les affiches de l’extrême droite. Jusqu’au moment où il sent que, malgré lui, toute cette haine l’abandonne. Mais comment se débarrasser de la violence, de la colère, de la bêtise qu’on a en soi ? C’est le parcours d’un salaud qui va tenter de devenir quelqu’un de bien.
Avis :
On a beaucoup parlé du film de Diastème ces dernières semaines.
Présence du super-héros Alban Lenoir dans un rôle sombre et sérieux, polémiques à rallonge, éloge d’une initiative originale et courageuse, cette épopée d’un skin qui change de peau à travers l’Histoire de l’Extrême Droite a fait couler beaucoup d’encre.
Et surtout, impossible de faire un pas sans voir le film constamment mis en parallèle avec le film de Tony Kaye, American History X. Sur les forums, dans les medias, dans la promo du métrage, la comparaison se fait automatiquement.
Il faut dire que le sujet similaire, le climat tout aussi fiévreux autour de sa sortie et même le titre analogue sont là pour pousser à la filiation avant même que les spectateurs n’aient vu le film.
Pour ma part, je n’avais jamais vu le film porté par Edward Norton. Pas que l’envie m’ait manqué, mais par la force des choses, ça ne s’était jamais fait (l’histoire de ma vie sentimentale). Après avoir vu Un Français, je me suis dit qu’il était temps de combler cette lacune, déjà pour ma culture cinématographique personnelle, et ensuite pour voir si, vraiment, la deuxième réalisation de Diastème pouvait être considérée comme la version francisée du film de Kaye.
Le constat est sans appel.
La comparaison entre deux films, même relié par un sujet et une réalisation assez proches, est toujours compliquée, chaque film étant une somme d’idées et de velléités trop unique pour être jugée sur ses similitudes avec une autre œuvre. Pourtant force est de constater qu’un Français rate tout ce qu’American History X réussissait.
De son homologue yankee, il semble n’avoir retenu que les rares excès outranciers qui dénotaient un peu dans la subtilité générale. On retrouve donc la copine unilatérale qui semble n’être là que pour être une caricature fasciste, ou le concert 100% nazis qui insiste tellement sur les accoutrements, les gestes et les Sieg Heil de la chanson, que la peinture du mouvement devient complètement artificielle.
Il en est de même pour toute la durée du film, où les skinheads sont des monstres vociférants uniquement vus par le prisme de leurs exactions, où les partisans d’Extrême Droite ne sont caractérisés que par leurs paroles racistes, et où la radio annonce la diffusion du sketch de Coluche « Le CRS arabe » quand le héros entame sa rédemption. Du surlignage arbitraire qui accumule tant les stéréotypes que rien ne paraît vrai, et ce dès la première scène.
Pourtant on peut facilement imaginer que ces situations ont effectivement existé, que de véritables personnes ont pu avoir les mêmes comportements ou prononcer les mêmes paroles. Seulement en tant que réalisateur, il ne faut jamais oublier que le prisme du cinéma est un miroir grossissant. Sorti du documentaire, un film est une parenthèse fictive, une bulle qui concentre tellement la réalité qu’elle ne se marie pas toujours très bien avec l’absurdité parfois peu « crédible » de la vie réelle, et, sorti des événements historiques ou des symptômes médicaux avec lesquels on ne peut pas tricher quelle que soit leur nature, il faut toujours faire très attention à la façon dont on dépeint un univers réel sur écran, de peur qu’il finisse par sonner faux.
D’autant qu’au lieu de vouloir décrire une société dans son entier par des détails, comme c’est le cas dans Un Français, les deux exemples cités plus haut sont, dans son alter ego américain, non seulement des exemples précis d’un groupe particulier, fermé sur lui même, au sein d’une communauté qu’on imagine bien plus large, mais leur excès existe surtout pour mettre en avant le changement opéré par le héros Derek, et sa prise de position par rapport à son ancienne « famille » qu’il voit maintenant comme un groupuscule ridicule et caricatural.
Toute la partie « présent » d’American History X est décrite du point de vue de son héros repenti.
Et c’est exactement ce qui manque principalement à Un Français : un point de vue.
Entre recul objectif et introspection, Diastème ne semble jamais savoir sur quel pied danser, ne semble jamais savoir s’il doit faire de l’histoire du Front national son sujet ou sa toile de fond, s’il doit se concentrer sur l’évolution de son protagoniste principal (qui du coup ne sera jamais analysée et étudiée comme dans le film de Kaye, juste imposée) ou au contraire décrire son effet sur les personnes qui gravitent autour de lui au fil des ans.
Ce qui empêche au final le film d’avoir la moindre consistance, la moindre substance. On ne s’attache à aucun personnage puisqu’on ne s’attarde jamais assez sur aucun d’entre eux, les moments d’émotions paraissent forcés, voire un peu ridicules (la seule explication qu’on pourrait trouver à la rédemption de Marco reste la présence d’un gentil pharmacien qui l’emmène faire de la randonnée et lui lit de la poésie philosophique, hum, merci mais on s’en serait passé à la limite), les ellipses sont régulièrement abruptes, et exceptées une ou deux séquences qui posent clairement des jalons temporels, on ne sait jamais vraiment, en changeant de séquence, à quelle époque on se situe, que ce soit dans la vie du héros ou dans l’Histoire de France.
Exit la subtilité du propos d’American History X, exit la notion de communautarisme général qui monte les groupes les uns contre les autres, au profit d’une imagerie d’Épinal de monstres blancs assoiffés de sang, exit les discours et discussions qui nous faisaient comprendre de façon intelligente le processus de réflexion des néo-nazis à défaut de pouvoir l’accepter, exit la psychologie décortiquée de ces suiveurs à œillères qui permettait de maximiser l’impact des exactions qui suivaient, et surtout exit la terrifiante séquence du trottoir qui transcendait la simple scène de violence gratuite pour devenir un pivot central du film dans sa description d’une sorte d’« héritage de la haine ».
Elle est ici transformée (de manière trop volontaire pour ne pas voir la filiation) en scène de torture anecdotique et braillarde qui n’offre rien de plus qu’une description plate de la violence skinhead, et n’aura d’autre impact qu’une unique scène en fin de film, si accessoire par rapport au sujet et à la structure du métrage, qu’elle paraitra outrageusement forcée.
American History X, avec une structure globalement scindée en deux époques distinctes, arrivait à décrire avec intelligence comment des idées doucereusement racistes se transmettaient, grandissaient puis s’essoufflaient, sur trois générations.
Un Français échoue à raconter l’évolution de la conviction d’une seule génération, sur 30 ans de vie.
Et comme si cela ne suffisait pas, le film est bourré d’aberrations formelles, de facilités, d’incohérences, voire d’anachronismes.
On passera sur l’affiche de Mega Vixens du juif Russ Meyer dans la chambre d’un néo-nazi, la voiture des années 90 en pleines années 80, ou la probabilité de voir justement une image de son ex au journal télévisé dans une manifestation qui rassemble des centaines de milliers de personnes (niveau suspension d’incrédulité, là, vous avez intérêt à être alpiniste professionnel).
Non, la scène qui provoque le plus l’hilarité arrive à la fin du film. On retrouve un des personnages secondaires, Corinne, une amie du héros, 30 ans plus tard. Pour bien montrer la misère sociale, en plus de son look, on lui fait écrire avec un surplus de fautes d’orthographe, et au cas où le spectateur n’ait pas bien compris, on le fait répéter texto par un personnage « t’as vu, elle écrit encore comme un gamin de 5 ans ».
Ce qui est déjà passablement agaçant.
Mais les zygomatiques se mettent en action lorsque l’on découvre le phrase en question : « Ils dise que ses la faim. »
Effectivement, on imagine bien un enfant de 5 ans ne pas connaître l’orthographe la plus simple d’un mot, et lui préférer la plus compliquée…
Sérieusement les gars, vous pensez vraiment qu’une personne illettrée saurait plus facilement écrire faim que fin ?
C’est un détail insignifiant bien sûr, mais qui est symptomatique d’une absence totale de cohésion et de consistance, si bien qu’Un Français apparaît plus comme une succession de saynètes plus ou moins anecdotiques que comme un véritable film digne de son propos.
On retiendra tout de même une jolie réalisation tout en caméra portée et plan-séquences immersifs, qui permet de faire la part belle aux acteurs (encore aurait-il fallu qu’ils aient quelque chose d’intéressant à interpréter) et rappelle un peu le Rosetta des frères Dardenne dans sa façon de suivre son personnage de dos dans sa routine.
Malgré ça, pas d’inquiétude, American History X peut dormir tranquille, en France, les skinheads bandent mou.
Note : 05/20
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=fHVgxqSs0k8[/youtube]
Par Corvis
Je cherche un lien sur la BO du film, elle est assez exceptionnelle. D’avance merci. Cordialement.
Bonjour,
J’ai cherché sur le net, mais visiblement, rien n’est disponible… Désolé.
Mais merci beaucoup pour l’attention portée sur notre site^^