mars 19, 2024

L’Appel du Coucou – Robert Galbraith

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Auteur : Robert Galbraith

Editeur : Grasset

Genre : Policier

Résumé :

Une nuit d’hiver, dans un quartier chic de Londres, le célèbre mannequin Lula Landry est trouvée morte, défenestrée. Suicide. Affaire classée. Jusqu’au jour où l’avocat John Briscow, frère de la victime, frappe à la porte du détective privé Cormoran Strike. Strike est au bout du rouleau : ex-lieutenant dans l’armée, il a perdu une jambe en Afghanistan, sa carrière de détective est au point mort et sa vie privée un naufrage. Aidé par une jeune recrue intérimaire virtuose de l’Internet, Strike est chargé d’enquêter sur la mort de Lula. De boîtes de nuit branchées en hôtels pour rock-stars assaillies par les paparazzi, en passant par un centre de désintoxication et le manoir où se meurt la mère adoptive de Lula, Strike va passer de l’autre côté du miroir glamour de la mode, dont les reflets chatoyants dissimulent un gouffre de secrets, de trahisons, de manœuvres inspirées par la vengeance.

Avis :

Le polar urbain est un genre particulièrement prisé des romanciers anglo-saxons. Ces histoires nous offrent en général de sombres affaires de meurtres irrésolues, un cadre délétère, ainsi que des individus hauts en couleur. Aussi, l’on ne serait pas forcément tenté de se pencher sur L’appel du coucou si la renommée de son auteur ne le précédait. En effet, derrière le pseudonyme Robert Galbraith se cache J.K. Rowling, la mère d’Harry Potter. Après Une place à prendre, livre à la réputation discutable, la romancière poursuit son exploration des différents styles littéraires en coupant net avec les attentes de ses millions de fans. Son incursion dans ce domaine s’avère-t-elle payante ou faut-il qu’elle retourne à Poudlard ?

Si l’on met de côté la renommée de l’auteur, ce changement de registre est un point positif. Remise en question, volonté de découvrir de nouveaux horizons et de se renouveler… Toujours est-il qu’il est plutôt rare de voir un écrivain s’écarter de son univers de prédilection pour mieux jauger sa capacité d’adaptation et la polyvalence de son talent tout en surprenant son lectorat. Dans un premier temps, l’histoire ne paraît pas si palpitante et singulière que cela. Le meurtre d’une célébrité irrésolue, un détective privé à la dérive, sans oublier un environnement sombre et hostile pour parfaire cette ambiance que l’on croit tout droit sortie de l’âge d’or d’Hollywood. Car, dès les premières lignes, L’appel du coucou évoque les grands polars des années 1950.

Non seulement, l’on remarque cette volonté à s’accaparer les codes de ceux-ci, mais on les découvre sous un jour différent. Robert Galbraith les détourne avec une certaine habileté sans toutefois les dénaturer. Entre impertinence et respect des contraintes du genre, l’atmosphère délicieusement désuète confère un humour assez subtil, voire incongru, et ce, sans sombrer dans le cliché éculé. Il en ressort un sentiment étrange, mais non moins plaisant à constater : un polar de 2013 peut renouer avec les lettres d’or des références du genre. Pour rester dans le domaine littéraire, il évoque les romans de Susan Hill ou P.D. James.

De fait, certains pourraient être rebutés par une construction de récit assez lancinante, voire longuette. Le scénario se montre assez simple dans son agencement : un meurtre, une enquête et… une série d’interrogatoires. Sur ce dernier point, l’on sera plus mitigé puisqu’il enlise la progression dans une certaine redondance et peut donner l’impression de voir se succéder une file de suspects et de témoins en expliquant leur vision des faits. Difficile de dénicher des indices qui pourraient amener à la résolution de l’énigme. À cela, la multitude de détails qui enveloppent les entretiens du passé des personnages n’est pas toujours utile.

Protagonistes qui, au demeurant, se montrent d’un intérêt inégal. On saluera le travail de fond effectué sur Cormoran Strike et son nom à coucher dehors. Torturé, mais pas trop, au physique ingrat (oubliez Humphrey Bogart) et caractère bourru. On s’y attache rapidement, mais les rencontres qui l’attendent sont beaucoup moins flatteuses. Étant donné qu’il va évoluer dans le milieu aisé des nantis et de la mode, on nous expose une flopée d’individus superficiels, détestables et nombrilistes. En cela, les rôles sont bien tenus et, comme il s’agit de la volonté de l’auteur, l’aversion qu’on leur porte fonctionne. On regrettera simplement que Robin, la secrétaire de Strike soit un peu trop en retrait.

Malgré la profusion de détails ou des dialogues par moment interminables, le style d’écriture demeure assez souple et fluide. Cela permet d’atténuer l’effet de répétition des interrogatoires tout en développant une atmosphère assez pesante dans un Londres peu flatteur. Qu’il s’agisse du cadre ou des mœurs, le visage de la City montre l’aspect le plus égocentrique et pédant de notre société fondée sur l’apparence. Il est bon de noter que les descriptions physiques jouent un peu trop sur un langage familier, voire grossier, qui est assez étrange dans ces circonstances. Enfin, le final reste assez facile à deviner si vous restez attentif ou connaissez par cœur vos classiques. Un dénouement attendu qui fait tout de même son petit effet.

Malgré le fait de ressasser encore et toujours le même événement sous un jour différent, la première incursion de Robert Galbraith dans le polar est plutôt prometteur (d’autres livres avec Cormoran Strike suivront). On nous offre une atmosphère singulière qui rappelle les classiques des années 1950 tout en s’amusant à contredire les clichés du genre par une autodérision discrète et bien amenée. Si l’on excepte l’apparente simplicité de la trame et sa répétitivité, il en ressort un roman solide qui ne se prend pas trop au sérieux et devrait combler les amateurs d’énigmes policières.

Note : 14/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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