mars 19, 2024

Wendigo – Graham Masterton

Auteur : Graham Masterton

Editeur : Bragelonne

Genre : Horreur

Résumé :

Lily Blake est agressée en pleine nuit par deux hommes masqués qui se sont introduits dans sa maison. Ceux-ci kidnappent ses deux enfants. Pendant des semaines, le FBI essaie de les retrouver, mais en vain.
En désespoir de cause, Lily a recours aux services d’un détective privé d’origine indienne, John Shooks. Il lui propose de demander à un chaman sioux de faire appel à un esprit de la forêt, le Wendigo, pour les retrouver. Le prix à payer pour ce service est un terrain du côté de Mystery Lake que l’agence immobilière de Lily a l’intention de vendre pour y construire un ensemble résidentiel haut de gamme. Or ces terres appartenaient aux Sioux avant qu’elles leur aient été volées dans les années 1850.
Lily est bientôt entraînée dans le monde sanglant et destructeur du Wendigo et apprend au détriment de sa famille qu’il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir et la force d’un esprit…

Avis :

Dans la mythologie amérindienne, le wendigo est sans doute la créature la plus connue et la plus popularisée. Du récit d’Algernon Blackwood aux auteurs contemporains, sans oublier le cinéma et le jeu vidéo, l’histoire et l’apparence anthropomorphe du wendigo donnent lieu à de multiples versions plus ou moins fidèles de la légende. La plupart du temps, il ne se manifeste que brièvement dans les séries (Sleepy Hollow, Grimm…) ou il est une source d’inspiration pour d’autres monstres (Final Fantasy, The Witcher 3…). Seuls la littérature et de trop rares films (l’excellent Vorace) en font un personnage central, au cœur même des épreuves que traversent les protagonistes.

Au vu du titre sans surprise et de la quatrième de couverture, Wendigo vu par Masterton est à ranger dans cette catégorie. C’est par un banal fait divers (un enlèvement parental qui tourne mal) que l’intrigue démarre. On devine que l’enquête, assez sommaire au demeurant, ne va pas tarder à piétiner. La faute à une préméditation pour le moins méticuleuse. Le premier tiers du livre fait donc office d’une entame qui débute comme un thriller lambda. Celui-ci préfère néanmoins retranscrire la détresse de Lily, la mère victime de l’agression, plutôt que se pencher sur une trame policière attendue avec les habituelles investigations et les déductions qui s’ensuivent.

Si la fluidité de l’action est indéniable, la progression se révèle un prétexte pour faire sombrer lentement le récit dans le surnaturel. Il est vrai que la manière dont la protagoniste est amenée à entrer en contact avec les Indiens demeure alambiquée. Pour autant, la plume rodée de Graham Masterton fait illusion. Il mène son intrigue d’une main de maître avec un style vif, dénué de fioritures promptes à compliquer sa prose ou la trame. Certes, il est moins contemplatif et méticuleux que ses confrères Stephen King ou Peter Straub, mais il va à l’essentiel, quitte à emprunter quelques raccourcis faciles pour achever une histoire relativement succincte.

En cela, l’auteur ne s’attarde pas assez sur la mythologie du Wendigo, ce qui peut frustrer. Il distille le minimum d’informations en début de parcours pour se concentrer sur la trame. Malgré des descriptions contradictoires (un trait correspondant à la créature), certaines séquences brutales et sans concession, la traque joue sur une évolution inégale. D’un côté, on use du Wendigo comme un vulgaire outil de recherches, à tout le moins un faire-valoir serviable. De l’autre, le mysticisme et les pouvoirs occultes ne semblent guère effrayer Lily. Cette dernière étant étrangère à ce monde sous-jacent, elle accepte très facilement leur véracité tout en faisant preuve d’une témérité inconsidérée à mi-parcours.

Il est vrai que, sans un tel retournement, le récit aurait pu se raccourcir de moitié et donc rester dans le domaine de l’anecdotique. Mais la manière de triturer et de tordre les fils narratifs finit par entamer la cohérence générale, Lily se montrant d’une rare versatilité au gré des pages. Dommage, car sans cet écueil, on retrouve une ambiance oppressante prompte à la forêt et aux croyances amérindiennes trop peu dépeintes dans le paysage littéraire actuel. Même la spoliation des terres au profit de l’homme blanc reste sans grande conséquence puisque nullement approfondie pour accentuer le clivage des cultures et donc des motivations de certains intervenants au cours de l’intrigue.

Au final, Wendigo se révèle un Masterton mineur au regard de ses œuvres précédentes. Si l’on ne s’ennuie guère et que la lecture est immersive dès les premières pages, la trame tend à s’orienter vers des détours contestables pour rallonger un périple succinct. Un choix qui peut paraître nécessaire, mais difficilement compréhensible de la part d’un écrivain aussi talentueux. Très accessible et sans complaisance, Wendigo marque une incursion sans fulgurance dans les légendes amérindiennes. Le mythe de la créature est ici respecté pour un roman distrayant, agréable à parcourir et néanmoins sans grande surprise pour ceux et celles rompus aux récits horrifiques. Assez minimaliste compte tenu du passif de l’auteur et de son sujet.

Note : 13/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

Voir tous les articles de AqME →

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.