Auteur: Jean-Christophe Grangé
Editeur: Le Livre de Poche
Genre: Thriller
Résumé :
Un ornithologue suisse est trouvé mort d’une crise cardiaque… dans un nid de cigognes. Malgré cette disparition, Louis, l’étudiant qu’il avait engagé, décide d’assumer seul la mission prévue : suivre la migration des cigognes jusqu’en Afrique, afin de découvrir pourquoi nombre d’entre elles ont disparu la saison précédente…
Parmi les Tsiganes de Bulgarie, dans les territoires occupés par Israël, puis en Afrique, Louis court d’énigme en énigme et d’horreur en horreur : observateurs d’oiseaux massacrés, cadavres d’enfants mutilés dans un laboratoire… Les souvenirs confus de son propre passé – ses mains portent des cicatrices de brûlures depuis un mystérieux accident – se mêlent bientôt à l’enquête.
Et c’est au cœur de l’Inde, à Calcutta, que surgira l’effroyable vérité…
Avis :
Lorsqu’on parle de cigognes, l’on songe de prime abord à ces sympathiques échassiers, leurs nids sur les toits de l’Alsace et, si l’on est amateur de ces volatiles, leurs migrations jusqu’en Afrique. On est bien loin de se douter que ces oiseaux peuvent être le point initial (au sens propre, comme au figuré) d’un thriller glauque. À vrai dire, cela pourrait même prêter à sourire si l’on n’était pas en présence du premier roman de Jean-Christophe Grangé, auteur incontournable que l’on ne présente plus. Révélation d’un maître du genre en 1994, Le vol des cigognes part d’un postulat original et curieux avec le cadavre d’un ornithologue à la retraite retrouvé dans un nid. Cette entrée en matière est-elle annonciatrice d’un succès mérité ou d’un livre surestimé ?
D’emblée, Grangé pose les bases d’une ambiance sombre et glauque qui ne quittera plus le récit. Même si l’on sent quelques errances au niveau du style (qui évoluera par la suite), l’écriture de l’auteur s’appuie sur une narration fluide avec des descriptions simples, claires et concises dans la majorité des cas. Il est vrai que certains dialogues tendent à s’allonger plus que de rigueur (interrogatoire oblige), ils dynamisent le rythme tout en apportant de précieuses informations sur la clef de l’énigme. Autrement dit, le lecteur peut se plonger en toute sérénité au sein du roman, la forme est de très belle facture.
Un récit qui fera montre d’une certaine roublardise envers nos attentes. En effet, peu d’auteurs sont capables de multiplier les rebondissements, les intrigues secondaires et les changements aussi subits que surprenants tout en restant crédibles. Pas de retournements alambiqués ou faciles qui pourraient entamer la qualité de l’histoire, Grangé tisse sa trame avec patience. Les indices tombent au compte-gouttes et succèdent à des situations macabres : l’exhumation d’un cadavre démembré en voie de décomposition, les expériences d’un médecin fou… Cette violence brute nous accompagne sans jamais relâcher son étreinte. Le climat est oppressant et sombre progressivement vers le point de non-retour.
À l’image de l’atmosphère, l’environnement est décrit sans complaisance, quitte parfois à tomber dans le cliché de circonstances. L’hostilité des Balkans, la grisaille du Nord (bref passage, mais tout de même), chaque lieu disposent d’aspects négatifs et l’auteur ne retient que cela. Ce n’est pas la chaleur de l’Afrique qui changera la donne. Entre folklore, traditions et accidents délibérés, le berceau de l’humanité sera le théâtre de trafics innommables. L’on saluera la variété des décors et surtout, le choix de suivre la migration des cigognes pour poursuivre l’enquête. Une progression originale qui ajoute à la tension ambiante.
Pour ce qui est des protagonistes, la caractérisation est au rendez-vous avec des personnalités fortes. Il paraît néanmoins difficile de s’attacher plus que de rigueur à Louis, celui qui tentera de déjouer le mystère des cigognes. Malgré le soin de façade, ses réactions se montrent parfois trop incohérentes ou exagérées selon le degré de gravité de la situation. L’emploi de la première personne du singulier n’aide pas non plus à se sentir impliqué dans son destin. Les rôles secondaires sont correctement distribués, mais là encore, on reste en compagnie d’individus très marqués dont on ne gardera pas un souvenir impérissable. La faute à cette constante manie d’exacerber (d’émousser ?) la solidité psychologique de tout un chacun pour parvenir au point de rupture.
Au final, nous sommes en présence d’un thriller à l’intrigue maîtrisée et originale. Même si l’on ne suit pas une enquête policière dans le sens strict du terme, la documentation et le bon déroulement des investigations se font sans anicroche. Jean-Christophe Grangé propose une entrée en matière remarquée dans le domaine du thriller. Certes, il y aura bien une évolution dans la structure du récit de ses prochains ouvrages, mais le sens du suspense, l’épure qu’exige le genre, ainsi qu’un talent indéniable pour le sordide et la violence font du Vol des cigognes, la première pierre d’un univers fort et immersif.
Note : 15/20
Par Dante