
De : Arnaud Desplechin
Avec François Civil, Nadia Tereszkiewicz, Charlotte Rampling, Hippolyte Girardot
Année : 2025
Pays : France
Genre : Drame
Résumé :
Mathias Vogler rentre en France après un long exil. La mentore de sa jeunesse, Elena, souhaite qu’il donne une série de concerts au piano à ses côtés à l’Auditorium de Lyon. Mais dès son retour, une rencontre avec un enfant qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau, son double, plonge Mathias dans une frénésie qui menace de le faire sombrer, et le mènera à Claude : son amour de jeunesse.
Avis :
Arnaud Desplechin est l’un des réalisateurs les plus prolifiques de notre cinéma contemporain. Metteur en scène du Nord, si l’on peut dire ainsi, Arnaud Desplechin a toujours filmé la famille, le désir, la mémoire, avec une sensibilité bien à lui. Depuis le début des années 90, il s’impose comme une voix singulière du cinéma d’auteur français. On lui doit « Rois & Reine« , « Un Conte de Noël » ou encore « Roubaix, une lumière« , qui reste à mes yeux son meilleur film.

L’année 2025 est particulièrement chargée pour le cinéaste : « Deux pianos » est déjà son deuxième film de l’année, après « Spectateurs !« , sorti en janvier, passé beaucoup trop vite en salle pour que j’aie eu le temps de le découvrir. « Deux pianos » est un film que j’attendais avec curiosité. Pour ce film, Arnaud Desplechin revient à ce qu’il sait faire : un mélodrame centré sur des personnages en quête d’eux-mêmes, qui se croisent, se manquent et s’affrontent. Sur le papier, tout y est : une intrigue intime, un décor intéressant et un casting en or, François Civil, Nadia Tereszkiewicz, Charlotte Rampling, rien que ça ! Et pourtant, malgré toutes ces promesses, « Deux pianos » se révèle être une cruelle déception. Un film long, bavard, souvent confus, qui donne la désagréable impression d’assister à une répétition générale plutôt qu’à un film abouti.
« très vite, le scénario coécrit par Arnaud Desplechin s’enlise »
À Lyon, un pianiste reconnu, Mathias Vogler, revient dans sa ville natale après plusieurs années d’absence. Il a été contacté par Eelana, une ancienne amie et mentor, qui s’apprête à donner son dernier concert avant de quitter la scène. Entre eux s’installe un dialogue fragile, empreint de souvenirs et de regrets. Eelana lui confie qu’elle souhaite qu’il l’accompagne pour cette ultime représentation. Mais la rencontre avec Claude vient tout bouleverser. Mathias et Claude se sont aimés, mais cela fait bien des années qu’ils ne se sont pas revus.
Encore une déception venant d’Arnaud Desplechin. Lorsque j’ai découvert son cinéma avec « Un Conte de Noël » et « Trois souvenirs de ma jeunesse« , j’avais été profondément touché. Il y avait dans ces films une justesse et une folie douce-amère que j’aimerais retrouver. Depuis, je guette chaque nouvelle sortie dans l’espoir de revivre cette émotion. Mais à chaque fois, je ressors un peu plus déçu.
Avec « Deux pianos« , la déception est d’autant plus grande que le point de départ est séduisant : un musicien qui revient sur ses pas, un mentor vieillissant, un amour de jeunesse et un secret enfoui. Tout semblait réuni pour un beau film sur la transmission, la passion et le temps qui passe. Mais très vite, le scénario coécrit par Arnaud Desplechin s’enlise. Le récit se traîne, les scènes s’étirent, et l’on finit par perdre le fil. Il y a des moments où l’on se demande simplement ce qui se passe. Le film semble sauter des passages, comme s’il manquait une scène, ou comme si certaines émotions avaient été coupées au montage. On a parfois l’impression d’avoir cligné des yeux trop longtemps et d’avoir raté quelque chose (la mort d’un personnage par exemple…). C’est aussi frustrant qu’épuisant.
« le film souffre d’un vrai problème de rythme »
Le mélange entre romantisme et drame ne prend pas. Le film tombe dans le piège du cinéma d’auteur français fatigué : des personnages enfermés dans des appartements, des discussions interminables sur leur vie passée, des larmes, beaucoup de larmes, et surtout des dialogues qui sonnent faux. On dirait des gens qui récitent plus qu’ils ne parlent. Tout est surécrit, trop posé, trop conscient de sa propre importance. Franchement, ça s’écoute beaucoup parler. Et pourtant, le casting est remarquable. François Civil fait ce qu’il peut mais on est très loin de son meilleur rôle comme on a pu le lire. Nadia Tereszkiewicz est impeccable malgré des dialogues très difficiles, et Charlotte Rampling apporte un peu de gravité à cet ensemble. Mais malgré eux, les personnages peinent à toucher. On ne croit ni à leurs douleurs, ni à leurs dilemmes. Leurs émotions sonnent fausses.
Reste alors, ici et là, quelques éclats de grâce, comme cette scène furtive où Mathias croise le mari de Claude (formidable Jérémy Lewin). Une parenthèse sincère qui m’a fait du bien. Une scène où j’ai pu me raccrocher à une émotion. Mais ces moments sont trop rares.
Avec ça, le film souffre d’un vrai problème de rythme. Tout est trop long, trop étiré pour ce que ça raconte. Près de deux heures de film pour un ressenti qui en donne presque le double. Sous prétexte d’explorer les tourments intérieurs de ses personnages, Arnaud Desplechin étire chaque scène jusqu’à l’épuisement. On s’ennuie et surtout on décroche, restant presque là, à attendre le générique de fin. Et comme si cela ne suffisait pas, le montage ajoute à la confusion. Certaines transitions sont abruptes, d’autres interminables. Les ellipses paraissent mal dosées, et plusieurs coupes en pleine scène laissent penser à un travail encore inachevé. C’est sans doute un parti pris artistique, mais cela donne surtout la sensation d’un film maladroit et brouillon.

En conclusion, « Deux pianos » est un film qui voulait parler d’harmonie et de dissonance, mais qui finit par se perdre dans ses propres notes. Derrière l’apparence d’un grand mélodrame, on ne sait plus très bien ce que le film veut raconter : est-ce une histoire d’amour, une réflexion sur la création et la peur du départ, une chronique du temps qui passe, ou encore un film d’amour plein de regrets ? On n’a pas l’impression que le réalisateur ait choisi. Arnaud Desplechin hésite, et au final, il ne reste qu’un sentiment de vide. C’est frustrant, parce qu’on sent qu’il y avait là, quelque part, un très beau film possible. Bref, « Deux pianos » sonne faux, et c’est bien dommage.
Note : 07/20
Par Cinéted