
Titre Original : Natural Born Killers
De : Oliver Stone
Avec Woody Harrelson, Juliette Lewis, Robert Downey Jr., Tom Sizemore
Année : 1994
Pays : Etats-Unis
Genre : Thriller
Résumé :
Un couple de tueurs, Mickey et Mallory, se servent des médias jusqu’à devenir des stars de l’actualité.
Avis :
Le monde du septième art est peuplé de films qui ont fait polémique, ou qui ont été sujets à des discussions amenant lesdits longs-métrages à devenir des objets de curiosité. Parfois à bon escient, et d’autres fois, pour rien, servant juste de pignolage pour les critiques et les âmes sensibles. En 1994, Quentin Tarantino offre sur un plateau d’argent un scénario à Oliver Stone, trop occupé avec Pulp Fiction. Ce film, c’est Tueurs Nés (ou Natural Born Killers), et forcément, l’association des deux bonhommes va faire des étincelles. A un tel point que Tarantino ira jusqu’à renier le film, car il estime que son scénario a été tellement retouché, qu’il n’a plus rien de sa substantifique moëlle de départ. Mais cela n’empêchera pas le film de faire polémique à cause de son ultra-violence auprès de la presse américaine un peu puritaine, lui donnant alors toutes les raisons d’exister.

Le film raconte, sur sa première moitié, la chevauchée mortelle de Mickey et Mallory, un couple de tueurs qui ne vit que pour le meurtre et l’amusement. Oliver Stone va alors débuter son film avec un massacre dans un café, ne laissant qu’un survivant pour qu’il puisse raconter qui a fait ça. La réalisation est complètement folle, alternant des plans inclinés avec des séquences plus classiques, et jouant aussi constamment sur la colorimétrie, enchainant couleurs et noir et blanc en fonction du point de vue des personnages. La messe est dite d’entrée de jeu, le réalisateur veut faire un film résolument punk et déjanté, à l’image de ce couple que rien ne semble arrêter. On a même droit à quelques éléments cartoonesque, comme ce couteau lancé que l’on suit, ou encore le coup de la balle de revolver qui s’arrête juste devant sa cible, avant de poursuivre sa route.
« le réalisateur veut faire un film résolument punk et déjanté »
Par la suite, on va naviguer en plein délire malsain. On y apprend la jeunesse de Mallory, abusée par son père, et sauvée par Mickey, alors livreur pour un boucher. Le metteur en scène va jouer avec les codes du soap, insérant alors cette séquence de téléfilm dans le film, avec générique et tout ce qui s’en suit. Bref, un gros délire complètement loufoque, mais qui se veut très intelligent dans son message et son cynisme. C’est-à-dire que l’on a tous les codes du soap avec les rires, le théâtralité, etc…, mais avec des grossièretés et une histoire glauque au possible. Tout cela est fait pour pointer du doigt le voyeurisme de cette Amérique supposée puritaine, et de montrer que les pires horreurs du monde peuvent faire rire la ménagère, sans qu’elle intervienne pour autant. Néanmoins, tout cela est assez fatiguant à suivre.
Une fois ceci fait, le film va continuer sur une narration très particulière, faisant constamment des allers-retours dans son histoire, et présentant des personnages qui sont tous détestables. Outre le mariage des deux tueurs qui se veut poétique, on va retrouver des séquences pénibles qui gravitent autour de protagonistes vulgaires, qui ne sont là que pour dénoncer une violence constante dans notre société. Ou tout du moins dans la société américaine des années 90. On y voit un journaliste égocentrique qui ne veut faire que du buzz (Robert Downey Jr.), quitte à prendre des risques inutiles en n’interviewant que des tueurs en série. On a un policier complètement frappé aussi violent que le couple de tueurs en la présence de Tom Sizemore. Et il faut compter sur un directeur de prison complètement fêlé et politiquement bien de droite (Tommy Lee Jones).
« la mise en scène est volontairement grossière pour ne pas rendre ça beau »
Tout ce petit monde s’évertue à surjouer comme des cochons pour faire passer des messages qui sont importants et justes. A titre d’exemple, le personnage du policier est là pour signifier que la police est finalement aussi violente et répressive que les tueurs. Le journaliste démontre le fait que les médias starifient les tueurs, jusqu’à les rendre glamour. Quant au gardien de prison, il est l’image même du masochisme, et explique que la répression à outrance ne permet pas de soigner ou de réinsérer. Les propos sont intéressants, et le côté presque documentaire avec les images d’interviews de manifestants éprouvant de l’amour pour les tueurs est bien vu, mais l’ensemble met quand même de gros sabots pour nous expliquer tout ça, et le côté m’as-tu vu est tout sauf fin. Alors oui, c’est fait pour choquer, mais il y avait peut-être mieux à faire.
La deuxième partie du film se déroule donc en prison, avec une interview glaçante de Mickey, qui va faire les beaux jours du journaliste. Ici, on est clairement dans le surexplication, et de pourquoi ce couple tue. Si on y trouve des éléments de vérité, à savoir que nous sommes tous coupables de quelque chose (voire même de meurtre en nous baladant dans la nature, ce qui implique tuer des espèces animales), il y a encore une fois une starification de la violence. Si c’est toujours pour dénoncer cela, le problème réside dans la finalité du film, et dans une sorte de happy end qui vise à punir les voyeuristes et les médias, mais pas forcément ceux qui font les meurtres. Il réside une amoralité qui peut décontenancer. Après la mise en scène est volontairement grossière pour ne pas rendre ça beau, et à quelque part, c’est assez juste.

Au final, Tueurs Nés est un film dont la polémique peut se comprendre. Oliver Stone, en s’appuyant sur un début de script de Quentin Tarantino, offre un film sulfureux, qui veut briser de nombreuses barrières, que se soit dans la narration ou dans la mise en scène. Volontairement outrancier dans ses thèmes, comme dans sa réalisation ou encore dans l’interprétation des personnages, le long-métrage présente des forces qui sont aussi ses faiblesses, avec une surenchère qui peut parfois passer à côté de son message. IL n’en demeure pas moins que Tueurs Nés reste une expérience cinématographique, à la fois grisante, déroutante, et parfois décevante.
Note : 15/20
Par AqME