juillet 20, 2025
BD

Célestin et le Cœur de Vendrezanne

Auteur : Gess

Editeur : Delcourt

Genre : Fantastique

Résumé :

Ce n’était qu’un enfant quand son père l’a déposé à l’auberge de la Pieuvre. Il devait revenir… Célestin ne l’a jamais revu. Alors il est devenu le serveur de l’auberge. Le discret, l’invisible Célestin… dont personne ne soupçonne le talent. Mais parfois, le destin en veut autrement. Devenu détenteur du secret du Passage Vendrezanne, c’est seul que le jeune homme va devoir affronter la Pieuvre…

Avis :

Dans le domaine du 9e art, Les Contes de La Pieuvre constitue l’une des occurrences les plus ambitieuses et singulières de ces dernières années. Tant sur le plan graphique que narratif, Gess parvient à développer un univers cohérent, immersif et d’une rare profondeur. Cela tient à une dimension sociale discrète et néanmoins présente, ainsi qu’à une galerie de personnages aussi étranges que tourmentés. Chaque tome est l’occasion de poser une nouvelle pierre à l’édifice. Même si elles sont étroitement interconnectées par le cadre et le contexte, les histoires demeurent indépendantes et présentent une véritable conclusion.

Célestin et le cœur de Vendrezanne s’avance comme une incursion différente de ses prédécesseurs. Là où ceux-ci dépeignaient la Pieuvre comme une organisation mafieuse indiscernable, presque mythique, le point de vue du serveur de l’auberge éponyme permet de s’immiscer dans les arcanes de leur pouvoir. S’ils restent toujours antipathiques, les antagonistes gagnent en présence. Le travail sur la caractérisation y est d’autant plus soutenu. Le fait d’en savoir un peu plus sur eux leur confère une image humanisée. Cette dernière ne les rend pas attachants pour autant, mais elle ne les relègue plus à une simple figure du crime incarné. Elle souligne plutôt la monstruosité de leurs actes, de leur âme.

Ce constat se confirme avec le talent du personnage principal. Il a en effet la capacité de percevoir la véritable apparence de ses semblables. Une telle particularité ne trouve pas forcément une utilisation spécifique pour l’intéressé. Il se veut d’ailleurs un individu au tempérament discret, altruiste à ses heures perdues, et ce, malgré l’environnement dans lequel il vit et travaille. On notera que sa vision se caractérise par un changement de couleur. Des teintes sépias à monochromes, les vignettes se gorgent de nuances écarlates ; des plus vives aux plus douces. Ce qui traduit sans doute l’état d’esprit du protagoniste, voire celui de ses interlocuteurs.

L’idée reste bien pensée et exploitée, car elle ne supplante pas la qualité de l’histoire ou de l’atmosphère qui émane de ce Paris alternatif du XIXe siècle. L’auteur dépeint les bas-fonds de la capitale avec une approche corrosive. On songe à cette excursion dans les égouts, à l’organisation de combats clandestins et à la dureté d’une époque peu amène quand il s’agit de donner une quelconque valeur à la vie. Les propos sont lourds de conséquences, car le droit à l’erreur n’est pas permis. Au fil des chapitres, le sentiment d’explorer différentes strates souterraines de la société humaine est prégnant.

L’intrigue démontre également des qualités narratives indéniables. À l’image de La Pieuvre qui déploie ses tentacules pour développer son influence et son réseau criminel, l’histoire dissémine des récits secondaires. On peut les considérer comme des instantanés pour mieux appréhender le caractère inextricable d’une existence soumise au statut social. Le rythme ne pâtit d’aucun temps mort. L’ensemble reste donc fluide et parvient à enchaîner les passages sans heurt ni contraste. De plus, ce choix vient approfondir le réalisme de l’univers. Qu’elles soient fortuites ou non, certaines rencontres clefs pour Célestin l’affranchissent de son statut de témoin passif et impartial, l’obligeant à renoncer à sa neutralité.

Au final, Célestin et le cœur de Vendrezanne est un troisième opus tout aussi remarquable que les précédents Contes de La Pieuvre. Bizarre et curieux, l’univers de Gess continue d’interpeller par son originalité, sa capacité à évoquer des destins piégés par le système, par l’époque. L’auteur ne se contente pas d’une redite à chaque volet. Il apporte une dynamique nouvelle qui entretient l’intérêt de son lectorat. Par la même occasion, il poursuit une exploration malaisante des bas-fonds parisiens. Il en ressort une œuvre de qualité qui se distingue autant par son histoire que par son ambiance, sans oublier ses personnages. Une saga qui demeure unique à de nombreux égards.

Note : 17/20

Par Dante

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