mai 1, 2024
BD

Vidocq

Auteurs : Richard D. Nolane et Sinisa Banovic

Editeur : Soleil

Genre : Policier, Historique

Résumé :

En cet automne 1813, l’Empire de Napoléon vacille, ce qui favorise le crime. À la Préfecture de Police de Paris, au Quai des Orfèvres, une petite révolution a pourtant eu lieu deux ans plus tôt lorsque l’ex-bagnard évadé Vidocq a été nommé à la tête de la toute nouvelle Sûreté, une brigade efficace exclusivement composée de criminels repentis.
La Sûreté, et surtout son chef, sont aussi devenus les bêtes noires de certains policiers de la Préfecture, qui, comme l’inspecteur Javert, ne supportent pas les méthodes « borderline » et surtout les résultats de Vidocq, célèbre pour sa mémoire photographique des visages et son spectaculaire talent pour les déguisements. Mais Vidocq, sa notoriété aidant, est vite appelé à démêler des mystères sanglants au-delà des sphères de la pègre, comme celui du suicide au pistolet en pleine messe à Notre-Dame de Paris d’un colonel baron d’Empire et qui dissimule bien autre chose que la douleur d’un père anéanti par la mort de son fils en Russie…

Avis :

Avec une vie digne d’un roman-feuilleton, l’existence d’Eugène-François Vidocq a fait l’objet de nombreux fantasmes sous le prisme de la fiction. Depuis la parution de ses mémoires, les grands auteurs du XIXe siècle s’en sont inspirés pour magnifier leurs fresques sociales, à l’image d’Eugène Sue ou de Victor Hugo. De manière plus ou moins romancée, on a également pu apprécier ses enquêtes à travers des séries télévisées, des films, ainsi que des bandes dessinées. En l’occurrence, le scénariste Richard D. Nolane s’était déjà penché sur le personnage et cette période de l’histoire avec la BD Alchimie, un thriller ésotérique avancé sous la forme d’un diptyque.

Avec Vidocq, cette nouvelle saga du 9e art se veut ambitieuse à bien des égards. À commencer par une reconstitution historique méticuleuse. Ce début de XIXe siècle représente Paris dans tout son dénuement. De quartiers crasseux en faubourgs ayant pignon sur rue, l’insécurité règne à chaque coin de rue. En cause, une criminalité galopante dans toutes les strates sociales de la société. À quelques exceptions prêtes, comme la cathédrale Notre-Dame de Paris, les auteurs évitent le piège d’exposer des monuments ou des symboles facilement identifiables. Malgré les prémices du modernisme, le Premier Empire, la période des Cent-Jours et la Restauration monarchique conservent encore les relents putrides du Moyen-Age.

Au-delà de l’immersion dans un Paris délétère, le contexte s’avère très détaillé pour traduire le caractère trouble des années 1810, ainsi que les balbutiements politiques qui en découlent. Sur trois tomes, Vidocq propose à chaque fois une double lecture des affaires criminelles où les investigations initiales lorgnent vers les arcanes du pouvoir. Les mobiles, comme les enjeux, sont donc beaucoup plus complexes qu’escomptés. En ce sens, le traitement est fouillé avec un texte abondant, des dialogues denses, sans pour autant se montrer longuet ou verbeux. De même, on retrouve l’approche anticonformiste sous l’angle des méthodes de Vidocq.

Certes, on le serait à moins en de telles circonstances. Néanmoins, il ne s’agit pas d’un acquis. Ici, l’intrigue démontre les compétences du principal intéressé pour s’écarter des « procédures » de l’époque et mettre à contribution d’anciens criminels. Il se forme alors un réseau parallèle, en mesure d’accéder plus facilement à des indices, des témoignages ou des révélations, autrement que par le suivi d’une enquête traditionnelle. On apprécie également son statut face à ses homologues policiers ou son passé qui continue à le poursuivre, ne serait-ce qu’à travers le jugement de ses pairs. On a donc droit à une caractérisation développée et pleine de nuances en ce qui concerne les valeurs de justice, de forfaiture.

Les trois intrigues présentent une qualité équivalente en matière de rythme, de maîtrise narrative et d’enjeux. Cela sans oublier l’évolution des protagonistes et de leurs relations. Quant au travail artistique, les dessins profitent d’une belle profondeur de champ, d’un trait précis et incisif pour dépeindre les lieux, comme les personnages. On remarque aussi la dynamique des mouvements et des gestes, notamment lors de certaines confrontations. Les expressions faciales ne sont pas en reste et viennent parfaire un tableau soigné au fil des planches. En somme, l’aspect graphique se fait l’écho de la qualité des intrigues elles-mêmes.

Au final, Vidocq s’avance comme une bande dessinée policière historique de premier plan. En l’espace de trois tomes, le travail des auteurs redonne vie aux années 1810 de fort belle manière. Cela tient, entre autres, à l’évocation d’un contexte social houleux où se démènent les forces de l’ordre pour maintenir un semblant de justice. La combativité du protagoniste, son charisme et ses techniques d’investigation sont également présents et à saluer. On distingue aussi des affaires criminelles élaborées, aux multiples perspectives. Ces dernières tiennent au passif des victimes et des coupables, ainsi qu’à la dimension politique qui en émane. Il en ressort une série consciencieuse dans sa reconstitution, constante dans son déroulement et nerveuse pour faire s’ensuivre les affrontements directs à l’exercice cérébral.

Note : 16/20

Par Dante

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