juillet 20, 2025

Requiem pour la Dame Blanche – Eric Fouassier

Auteur : Eric Fouassier

Editeur : Albin Michel

Genre : Thriller

Résumé :

Le front de la Somme, automne 1916. Alors que les soldats succombent par milliers dans les tranchées, la mort frappe de façon plus singulière ailleurs mais avec tout autant de cruauté…
C’est d’abord une chanteuse célèbre d’avant-guerre, la Dame blanche, soupçonnée d’espionnage et sommairement exécutée par des justiciers improvisés. C’est ensuite Albert Saulx, un as de l’aviation française, retrouvé mystérieusement poignardé par une baïonnette allemande, au retour d’une mission aérienne, des roses rouges répandues dans le cockpit de son appareil. Quinze ans plus tard, six personnages étroitement liés à ces événements se trouvent réunis à nouveau. Dans un huis clos oppressant, derrière les murs d’une grande maison isolée et bloquée par la neige, ils vont devoir affronter le poids du passé et leurs propres démons intérieurs.

Avis :

Avec la saga du Bureau des affaires occultes, Éric Fouassier est devenu l’une des figures montantes du polar historique. Ses quatre précédents ouvrages se sont distingués par des intrigues maîtrisées et pleines de suspense. L’auteur fait également preuve de rigueur pour dépeindre les époques ciblées. Cela tient aux méthodes d’investigation, à la reconstitution des lieux d’antan, sans oublier un vocabulaire et un phrasé spécifiques, d’où se dégage une tonalité surannée pleine d’authenticité. Avec Requiem pour la dame blanche, il délaisse les enquêtes de Valentin Verne pour proposer une incursion non moins probante, sous la forme d’un huis clos.

Les prémices de l’intrigue s’insinuent en pleine Première Guerre mondiale. À dessein, on s’écarte toutefois des grandes batailles ou des évènements majeurs qui ont marqué le conflit. Ici, il est question de s’en servir comme toile de fond pour l’exposition des personnages, leurs liens et les faits qui les unissent. Exception faite de la séquence du combat aérien, immersive et dynamique au possible, le récit amorce les tenants de l’affaire avec mesure et précaution. Les circonstances du premier assassinat décontenancent, tant celles-ci semblent relever de quelques manifestations paranormales. Une impression qui se confirme avec les autres crimes « impossibles » qui s’ensuivront…

L’une des grandes qualités du présent roman est de brouiller les pistes de réflexion et la perception des protagonistes, comme celle du lectorat. On a beau rester dans un cadre rationnel, la tentation du surnaturel demeure commode pour trouver une explication plausible au caractère extraordinaire des évènements. En écho au titre du livre, on peut même soupçonner d’éventuelles manifestations spectrales au gré de ces couloirs lugubres. À ce titre, l’atmosphère des lieux rappelle le climat oppressant des ouvrages de Shirley Jackson ou Susan Hill. Toutefois, l’effroi ne tient pas ici à l’épouvante, mais à la menace invisible d’un tueur qui se dissimule parmi les invités.

Au regard du cadre et de l’ambiance, il est aisé de distinguer de nombreuses occurrences aux Dix petits nègres, le tout auréolé du parfum d’énigmes retorses dignes du Mystère de la chambre jaune. Autant de références flatteuses qui n’enlèvent en rien à la singularité ou l’aura d’une intrigue menée avec brio pour atteindre son point d’orgue. Certains éléments amènent à se plonger dans le passé des protagonistes. Les flashbacks ne ralentissent pas le rythme ou ne marquent pas de scissions avec la trame principale qui prend place au début des années 1930. Ils permettent de mieux appréhender la situation actuelle, au travers du parcours des différents intervenants.

Leur background sert également à étayer de nouvelles pistes, voire à créer un climat de suspicion. Celui-ci tient à de potentiels mobiles, compétences et opportunités ouvertes à tous les personnages. En cela, on se prête au whodunit avec plaisir, quitte à se tromper ou à se perdre dans des considérations qui s’avèrent erronées. Les explications demeurent bien amenées et pertinentes pour défaire les différentes problématiques auxquelles on se confronte. Bien que la dernière ligne droite tend à enchaîner les révélations, celles-ci sont judicieuses pour traduire les jeux de manipulation propres à la perception des évènements et des faits associés.

Au final, Requiem pour la dame blanche est un polar historique de haute volée. Si l’on change d’époque et de registre par rapport au Bureau des affaires occultes, on retrouve sans mal la plume affûtée et passionnée d’Éric Fouassier pour orchestrer un huis clos où le mystère règne en maître. Nanti d’une formidable atmosphère, de personnages bien écrits et d’une immersion contextuelle sans faille, ce roman s’apprécie autant pour rendre hommage aux classiques de la littérature policière que pour la subtilité de son intrigue. Il en ressort un moment de lecture des plus recommandables pour les amateurs de crimes « impossibles » et autres énigmes qui s’aventurent à la lisière du surnaturel.

Note : 16/20

Par Dante

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