
De : Claude Berri
Avec Coluche, Richard Anconina, Agnès Soral, Philippe Léotard
Année : 1983
Pays : France
Genre : Policier, Drame
Résumé :
Lambert, le regard fatigué et l’œil rougi par l’alcool, traine sa solitude dans un garage parisien. Il est pompiste de nuit. Bensoussan, jeune dealer, fuit la police et se réfugie dans la station. Ils deviennent amis. Un jour, Bensoussan est assassiné…
Avis :
Le cinéma est un art qui peut marquer de différentes manières. Un film peut être un chef-d’œuvre s’il a marqué un spectateur avec son histoire, sa mise en scène ou les deux, mais il peut aussi devenir culte via un acteur à contre-emploi. Et en règle générale, cela s’applique surtout à des acteurs que l’on cantonne à des rôles comiques, et qui vont surprendre les cinéphiles par des rôles dramatiques. On peut citer Jean Dujardin, Michael Youn ou encore Coluche. D’ailleurs, c’est grâce à Claude Berri que ce dernier va avoir droit à une jolie statuette, un César du meilleur rôle avec Tchao Pantin, film qui nous préoccupe entre ces lignes. Considéré comme un film majeur dans la carrière du cinéaste, mais aussi et surtout dans la carrière de Coluche, Tchao Pantin accumule plus de quarante années au compteur, et pourtant, son histoire reste toujours aussi efficace. Pourquoi ?

L’histoire se focalise sur deux personnages en particulier. Tout d’abord sur Bensoussan, un jeune homme qui vit de petits larcins pour un gros dealer, et qui crapahute au jour le jour, tombant même amoureux d’une petite punkette après une balade à moto. Si le jeune homme est un dealer, il est pourtant très attachant, car il subit plus qu’autre chose cette vie, n’ayant plus de parents, ni même de parents adoptifs, et devant jouer de débrouille pour survivre dans un Paris de plus en plus individualiste et violent. Pour échapper à la police, il se réfugie dans une station-service ouverte la nuit, et fait la connaissance de Lambert, notre deuxième personnage important. Ce dernier est un pompiste taiseux, qui se noie dans le rhum, mais qui va nouer un lien fort avec Bensoussan. Et on va comprendre pourquoi il établit ce contact avec ce jeune homme.
« Une fatalité que l’on retrouve dans chaque personnage. »
La station-service peut se voir comme un sanctuaire pour le jeune homme. Ici, il se sent en sécurité, il a une figure paternelle à qui se confier, et même s’il y a des clashs, on sent que quelque chose de fort se tisse entre les deux hommes. Certes, Lambert essaye de protéger Bensoussan, de lui dire de se méfier de ses petits trafics, mais malgré tout, il est difficile de sortir d’un engrenage fait de violence et de désespérance. Par la suite, on comprend pourquoi Lambert ressent de l’affection pour Bensoussan. Lorsqu’il raconte sa vie, pourquoi il est seul, pourquoi il se noie dans l’alcool, on va vite deviner qu’il trouve en Bensoussan un fils d’adoption, un être pour qui l’avenir peut sourire, contrairement à lui. Les choses vont alors déraper malgré toutes les préventions, et le nihilisme sera de mise. Une fatalité que l’on retrouve dans chaque personnage.
Aucun d’eux ne semblent capables de sortir de sa situation pathétique. Que ce soit Lambert, Bensoussan ou même la petite punk, qui n’arrivera pas à se sortir d’un groupe peu sympathique, on voit que tout un chacun se bat pour faire bouger les lignes, mais que ces dernières se referment inéluctablement sur eux. Claude Berri, en allant dans ce sens, pousse sa mise en scène jusqu’au bout. Le film est poisseux, froid, parfois clinique, et on ressent bien toute la pression d’une ville sombre et sinueuse. Même les scènes de jour sont assez inquiétantes, comme lorsque Bensoussan se gare avec sa moto, et que des punks tournent autour. La scène est anodine, mais on sent que les choses peuvent facilement dégénérer. De ce fait, la réalisation est belle, car elle correspond parfaitement à l’ambiance recherchée par le scénario. Un scénario riche qui aborde de nombreux thèmes.
« une prestation incroyable de Coluche«
L’amitié et la paternité seront au cœur du film, mais on aura droit à d’autres sujets, comme le trafic de drogues, la fatalité du destin ou encore l’immigration, avec une approche étonnante du racisme. Alors que le long-métrage se focalise surtout sur trois personnages clés, ils seront chacun une vision assez triste de la société. Bensoussan représente alors le jeune « immigré » qui vivote pour survivre et se contente finalement de ça. Lola sera la fille des beaux quartiers qui essaye de se faire rebelle en adoptant un mode de vie provocant. Quant à Lambert, il sera le vieux désabusé par la vie, qui ne croit plus en rien, et qui préfère vivre en reclus plutôt que d’affronter un monde qui n’a plus rien à lui offrir. Bref, Tchao Pantin est très dense, car tout ça rentre dans un peu moins d’une heure et demie de film, et l’ensemble tient grandement la route.
Et ça tient la route grâce à une prestation incroyable de Coluche, qui va prendre tout le monde à revers. Claude Berri l’avait déjà fait tourner, mais dans deux comédies (et il avait aussi produit certaines comédies de l’humoriste), et forcément, lorsqu’il aborde un thème dramatique, il va surprendre son public. Le résultat est époustouflant, jouant alors un personnage attachant, mélancolique et tendre dans sa rudesse. On restera un peu plus circonspect ave Richard Anconina (qui aura le César du meilleur acteur dans un second rôle et du meilleur espoir) qui n’est pas mauvais, mais qui semble quand même en faire des caisses. Il y a même des moments où on a l’impression qu’il récite son texte sans y mettre une pointe d’émotion, et c’est dommage. Heureusement, le reste qui casting est impeccable, d’Agnès Soral à Philippe Léotard en flic désabusé.

Au final, Tchao Pantin est un excellent film qui n’a pas pris une ride au niveau de sa mise en scène et de son histoire, et qui pourrait se voir comme un regard mélancolique dans le rétroviseur. Doté d’un scénario simple mais efficace, d’un Coluche monumental et touchant, ainsi que d’une mise en scène en corrélation avec cette atmosphère délétère, on peut dire que ce film marque encore aujourd’hui, et n’a pas usurpé ses cinq récompenses aux César.
Note : 17/20
Par AqME