
Avis :
S’il y a bien un genre qui est à l’extrême de l’extrême du métal, c’est le Black. Oui, on pourrait aussi prendre le Brutal Slam Death ou encore le Grindcore, mais on se rapproche tellement de bruits plus que de musique, que l’on préfère écouter ici du Black. Bref, ce sous-genre musical est très sélectif et il propose souvent un travail de sape qui provient de riffs lourds, rapides, baignant dans une atmosphère mortifère, avec un chant crié plutôt aigu. On retrouve cela chez les scandinaves, mais on trouve du Black dans tous les pays, avec plus ou moins des modulations pour offrir diverses expériences. Wiegedood est un groupe belge qui s’est formé en 2014, et qui ne veut faire aucune concession dans sa musique. Il s’agit ici d’un Black pure souche, très nerveux, qui peut en laisser plus d’un sur le carreau.
La démarche est assez simple ici, épuiser l’auditeur en le faisant sombrer dans un univers sombre, dense, étouffant, où il n’y a aucune échappatoire, pas même lors des interludes. There’s Always Blood at the End of the Road est le quatrième album du groupe, sorti en 2022, et on peut dire qu’il est la parfaite incarnation de ce que veut véhiculer le trio, balançant à tours de bras des morceaux épiques, virulents, qui ne laissent pas passer le moindre souffle de répit. A l’instar de sa jaquette qui peut évoquer une « sculpture » ensorcelée, on a l’impression de naviguer à l’aveugle dans une forêt sombre, et de rencontrer des sorcières décharnées qui viennent nous cueillir dans leurs bras maigres. Un aspect horrifique recherché malin, qui nous coupe le souffle, mais qui peut aussi nous fatiguer à la longue, au sein d’une tonalité redondante.
Et tout commence avec FN SCAR 16, qui est constitué d’un long riff ultra répétitif, accompagné par un chant crié en fond sonore, constituant alors une plongée abyssale dans un travail de sape qui nous a à l’usure. Certes, c’est techniquement implacable, mais il faut s’accrocher pour ne pas décrocher son attention, qui sera mis à rude épreuve. Cependant, on va se rendre compte qu’après plusieurs écoutes, le titre se dévoile par strates, nous offrant alors de nouvelles visions. Ce n’est pas à mettre entre toutes les oreilles, mais on découvre un travail d’orfèvre en arrière-plan, qui n’est pas déplaisant. Cet effort, on le retrouve avec And in Old Salamano’s Room, the Dog Whimpered Softly, qui constitue une suite au premier titre, avec un riff similaire, une structure similaire, mais une fin différente, où le chant en flamand à la langue claquante peaufine une ambiance délétère.

Noblesse Oblige Richesse Oblige rentre dans le même moule, nous proposant alors trois morceaux assez répétitifs, ayant chacun une petite spécificité, mais constituant un ensemble fatiguant à la longue. On sent que les belges veulent nous faire du mal, et leur proposition fonctionne, octroyant alors plus de force aux titres suivants. Until it is not est un morceau-fleuve (plus de cinq minutes) qui va nous fracasser les esgourdes jusqu’à sa moitié, avant de baisser le ton et le rythme pour devenir plus mélancolique, mais surtout plus insidieux. Le groupe calme les choses pour approfondir son ambiance et nous mettre mal à l’aise. Wade constituera alors la quintessence de cette ambiance macabre, avec une guitare sèche qui tient plus du banjo qu’autre chose, nous perdant dans une cabane de sorcière maléfique. Cet interlude signe notre arrêt de mort dans un lieu de perdition macabre.
Par la suite, et cela jusqu’à la toute fin, Wiegedood va recommencer son travail de sape, et nous épuiser jusqu’à la lie. Nuages va venir nous frapper derrière la nuque dans son démarrage, puis dans son dernier tiers, le rythme s’abaisse, les riffs deviennent plus lourds, et on aura droit à des bruits d’agonie, comme si un homme était en train de se faire torturer. La logique est donc respectée, jusqu’à offrir quelques trémolos dans la mélodie, histoire de rajouter quelques notes intrigantes. Puis Theft and Begging va dérouler le gros tapis pour bien nous fracasser le crâne, avant de lâcher Carousel, un morceau de Black très classique, mais qui bénéficie d’un petit gimmick mélodique assez plaisant, évoquant presque la musique d’un manège, mais un manège maléfique, ensorcelé.
Au final, There’s Always Blood at the End of the Road, le quatrième album de Wiegedood, peut se voir comme une réussite sur le plan formel. Le voyage est harassant, dépressif au possible, et ne laisse aucune lumière nous parvenir. A l’image de sa pochette et du nom du groupe, on plonge dans un monde de noirceur absolue où rien, pas même les moments plus éthérés, ne viendra nous sauver d’une descente dans les abîmes de l’âme humaine. En l’état, les amateurs de Black seront certainement ravis, et pour les néophytes, il faudra sans doute écouter d’autres groupes de Black plus accessibles que celui-ci.
- FN SCAR 16
- And in Old Salamano’s Room, the Dog Whimpered Softly
- Noblesse Oblige Richesse Oblige
- Until it is Not
- Now Will Always Be
- Wade
- Nuages
- Theft and Begging
- Carousel
Note : 14/20
Par AqME