
Auteurs : Lewis Trondheim et Nicolas Keramidas
Editeur Glénat
Genre : Aventure, Humour
Résumé :
Un matin comme les autres : Donald se lève de la patte gauche et reçoit un appel de Picsou. Après leurs aventures aux quatre coins du monde avec Mickey, son oncle a besoin de lui pour une nouvelle chasse au trésor. Mais Donald se rend compte que, peu importe l’étendue des richesses qu’il lui envoie chercher, son oncle ne sera jamais satisfait. Picsou a beau être un vieux canard pingre et acariâtre, il veut la même chose que tout le monde : le bonheur. Aussi décide-t-il d’envoyer son neveu à la recherche de cet inestimable trésor ! Mais pour le colérique et malchanceux Donald, trouver le secret du bonheur semble mission impossible…
Avis :
C’est en 2016 que le duo Lewis Trondheim et Nicolas Keramidas fait une farce à tous les amateurs de BD en livrant Mickey’s Craziest Adventures. En effet, les deux trublions font croire à une découverte de comics de Mickey datant des années 70, et malgré le manque de numéros, ils se décident à les ressortir pour le public, avec une traduction de l’un et une page de couverture de l’autre. Cette blague aura eu un bel effet, car en plus d’être crédible, elle offrait une curiosité superbe. La bande-dessinée pouvait se lire de diverses façons, avec un gag par planche, mais aussi une longue histoire qui se suit, où Mickey et Donald poursuivent Pat Hibulaire et les frères Rapetou qui ont piqué le trésor de Picsou en le rapetissant. En s’amusant avec des planches manquantes, les deux auteurs laissaient aussi libre cours à notre imagination, et l’ensemble fut une réussite.

Forcément, trois ans plus tard, avec un tel succès, il fallait que les compères récidivent en sortant cette fois-ci une histoire avec Donald en tête d’affiche. S’amusant encore et toujours avec le lecteur en mettant en avant une préface qui raconte la même anecdote sur les comics retrouvés en vide-grenier, on sent que la blague tourne court avec un dernier paragraphe qui démontre tout l’humour des auteurs. Bref, on se retrouve donc avec un format similaire, où il est question de planches qui peuvent se lire indépendamment, avec un gag à chaque fin, mais qui ensemble forment un tout, avec une histoire cohérente où il n’est plus question de trésor. Enfin, si, un trésor inestimable, la recherche du bonheur, pour expliquer à ce pingre de Picsou ce que signifie être heureux, alors que ce dernier se noie littéralement dans l’argent et les pièces d’or.
L’écriture de Lewis Trondheim est vraiment très agréable. Non seulement on y décèle un humour relativement fin, qui alterne entre l’enfantin et le pied-de-nez savamment trouvé, mais il y a aussi un fond qui est très intelligent. La BD ne tend jamais à répondre à la question du bonheur absolu, puisque c’est quelque chose de subjectif, et tout un chacun trouvera le bonheur où il en a envie. Et au gré de ses aventures, Donald va rencontrer une pléthore de personnages dont le bonheur est totalement différent. On aura celui qui préfère donner que recevoir pour se sentir en joie. A travers le personnage de Gontran, le bonheur se résume à trouver au hasard un ticket qui lui apportera de l’argent ou de la renommée. Pour d’autres, le bonheur se résumera à vivre comme tout un chacun, échappant alors à une condition difficile.
Derrière ses aspects enfantins, et son public visé (un lectorat plutôt jeune avec Disney), l’histoire détient un fond vraiment malin et qui permet de relativiser sur la notion même de bonheur. De ce fait, la fin de l’aventure n’apporte pas de réponse, sinon celui de ressentir le bonheur de lire quelque chose de frais, de malin et qui ne nous prend pas pour des imbéciles avec une morale à deux balles. De plus, on retrouvera au sein du récit une critique acerbe du régime totalitaire. En effet, Donald et le professeur Dingue vont se faire kidnapper par un dictateur qui dirige le pays de la Brutalie. Un pays imaginaire où tout l’argent va dans les poches du despote, mais il regrette que son pays ne soit pas à la pointe de la technologie, n’ayant pas d’industries, et se refusant à demander de l’aide aux pays voisins.
On retrouve alors un message clair qui fait écho à certains pays qui sont refermés sur eux-mêmes, et ne trouvent sans doute pas le bonheur. Autre côté très malin de cet ouvrage, ses connexions avec la précédente BD, Mickey’s Craziest Adventures. Si Mickey se fait très discret dans cet opus, on le retrouve de temps à autre pour faire un parallèle avec l’histoire précédente, et c’est toujours savoureux de déceler cela, et de voir que Trondheim s’amuse avec ses fans. Et que dire de l’ensemble qui est emballé avec beauté et malice. On retrouve le côté vintage, avec des traces, des éléments qui peuvent être un peu déchirés, etc…, octroyant alors une identité forte et propre à cette édition. Et comme toujours, Nicolas Keramidas possède un trait dynamique et très cartoon, donnant du mouvement à l’ensemble, tout en respectant les codes de Disney.

Au final, Donald’s Happiest Adventures est, comme son aîné, un excellent moment de lecture qui s’éloigne volontairement de son côté enfantin pour fournir plusieurs strates de lecture. Si les plus jeunes y trouveront une aventure drôle et dynamique, les plus anciens y verront diverses critiques et une réflexion plutôt maline autour du bonheur et de sa signification. Bref, Lewis Trondheim et Nicolas Keramidas forment un duo hors norme dont le travail fait mouche à chaque fois, et nous, on en redemande.
Note : 17/20
Par AqME