
De : René Clément
Avec Simone Signoret, Stuart Whitman, Michel Piccoli, Geneviève Page
Année : 1962
Pays : France
Genre : Drame
Résumé :
Pendant la Seconde Guerre mondiale, un pilote américain perd le contrôle de son avion et tombe en France. Il est recueilli par une femme dont le mari est prisonnier en Allemagne. Celle-ci va l’aider à se déplacer à travers le pays sans se faire repérer par la Gestapo. A travers cette course, ils vont commencer à développer des sentiments amoureux l’un envers l’autre…
Avis :
Lorsqu’on découvre l’œuvre de certains cinéastes, il n’est pas rare d’observer une thématique récurrente, voire une affection particulière pour une période. Dès son premier métrage, La Résistance, René Clément s’est penché sur la Seconde Guerre mondiale, en particulier sur l’occupation allemande. On songe aussi à Jeux interdits, Les Maudits ou encore Le Père tranquille. Devant l’objectif de sa caméra, on s’écarte d’une approche sensationnaliste pour se focaliser sur la dimension sociale des intrigues respectives. Il en ressort des œuvres engagées, parfois décriées, mais d’un intérêt indéniable dans le patrimoine cinématographique français.

Avec Le Jour et l’heure, on reste également en retrait des lignes de front. Pour autant, le climat délétère n’en est pas moins vivace. Il suffit de constater l’entame pour exposer une atmosphère lourde, pleine de suspicion. Sans pour autant faire preuve de lâcheté, le silence est préférable à une condamnation arbitraire ; qu’elle provienne des forces de l’ordre, des soldats ou de la population. Ce traitement permet de justifier le postulat où le personnage principal ne souhaite pas s’immiscer dans ce monde. Ici, il ne s’agit pas de dépeindre une figure d’antihéros, mais de tisser le portrait d’une femme ordinaire confrontée à des circonstances extraordinaires.
« La réalisation joue de l’exiguïté des lieux et d’angles oppressants »
Loin de l’idéalisme véhiculé autour de la résistance, cette approche réaliste accentue la portée de leurs actes. Le sentiment de danger est palpable autant pour une « simple » opération de transfert que pour une mission d’envergure. En cela, l’alternance des séquences bénéficie d’un rythme soigné. L’évolution des personnages et de leur relation passe par des instants posés, propices à une introspection sur leur situation et l’état du monde. Preuve en est avec ces moments dans la demeure familiale ; du risque de bombardement jusqu’à la scène du piano. En parallèle, la tension monte crescendo avec la planification de leur parcours, de leurs allers-retours entre deux planques.
On notera aussi une barrière des langues bien orchestrées. Bien que la compréhension se cantonne à quelques limites — la protagoniste est bilingue —, le clivage des cultures et la perte de repères des Américains présentent un contraste évident dans cette France sous l’occupation. Elle constitue même un risque supplémentaire de se faire démasquer et capturer, a fortiori par les agents de la Gestapo. Une menace d’autant plus concrète, quand les personnages sont contraints à un exil forcé. Lors de cette seconde partie, la scène du train est chargée de symboles. La réalisation joue de l’exiguïté des lieux et d’angles oppressants pour souligner la sensation de prise au piège.
« la dernière partie du film se montre un peu plus conventionnelle »
À ce titre, les séquences nocturnes s’avèrent les plus marquantes, en terme d’atmosphère et de tension. On songe aux ruelles désertes de la capitale ou à la traversée clandestine des chemins de fer. En revanche, la dernière partie du film se montre un peu plus conventionnelle dans son discours et sa morale. On use de raccourcis narratifs pour orienter l’histoire dans une direction précise. Ce qui rend l’ensemble assez prévisible et facile dans la finalité des évènements. Du côté des maladresses, on peut aussi avancer une présentation assez confuse de la situation familiale de Thérèse, en particulier sa relation pleine d’animosité avec sa belle-sœur.

Au final, Le Jour et l’heure est un film qui dépeint la résistance sous un angle moins flatteur qu’à l’accoutumée. Le traitement se veut réaliste, loin de toute intrépidité ou d’acte irréfléchi. Exception faite d’une tirade chantée dans les couloirs du train, on s’affranchit également de toute fierté nationaliste pour se focaliser sur une histoire plus personnelle, presque intimiste. Entre romance et drame, la guerre reste éloignée de leur parcours, même si les conséquences sur leur existence sont manifestes. Quant aux confrontations ou fusillades, elles sont sporadiques et entretiennent une tension bien gérée durant leur périple. Hormis quelques aléas formels, il en ressort un métrage méticuleux et soigné, privilégiant l’incertitude du contexte à l’héroïsme désintéressé.
Note : 15/20
Par Dante