septembre 26, 2025

La Nuit de Berlin – Simon Scarrow

Auteur : Simon Scarrow

Editeur : City Editions

Genre : Policier, Historique

Résumé :

Berlin, décembre 1939. Alors que l’Allemagne entre en guerre, les nazis resserrent leur emprise terrifiante. La paranoïa dans la capitale est intensifiée par une panne d’électricité qui plonge la ville dans une obscurité oppressante chaque nuit dès que le sombre soleil d’hiver se couche.
Lorsque deux jeunes femmes sont retrouvées brutalement assassinées, l’inspecteur de la police criminelle du Reich, Horst Schenke, subit une immense pression pour résoudre l’affaire rapidement. Traité avec suspicion par ses supérieurs car il n’a pas sa carte du Parti Nazi, Schenke marche sur une ligne extrêmement dangereuse : la déloyauté équivaut à une condamnation à mort. Il doit découvrir la vérité avant que le mal ne frappe à nouveau. Mais rapidement son enquête le rapproche un peu trop du coeur du régime nazi. Le danger est partout et les notables nazis peuvent être tout aussi dangereux qu’un tueur dans les rues de Berlin…

Avis :

Lorsqu’on se plonge dans l’écriture d’un récit historique, la masse de documentation demeure pour le moins conséquente afin de retranscrire une époque et son contexte. Le travail est d’autant plus délicat quand il s’agit de se plier aux contraintes narratives d’un genre littéraire exigeant tel que le polar. En ce qui concerne la Seconde Guerre mondiale, on distingue de nombreux auteurs qui se sont penchés sur cette période, sous le prisme du drame social, de célèbres batailles ou d’investigations policières. En écho au succès des romans de Philip Kerr, d’autres écrivains ont poursuivi une incursion dans l’Allemagne nazie, à l’image de Harald Gilbers ou Luke McCallin.

Avec La Nuit de Berlin, Simon Scarrow délaisse les contrées hostiles de l’Antiquité romaine ou la carrière de Napoléon, à la veille de la Révolution française. De ses propres dires, il initie une nouvelle saga qui s’ancre en 1939, aux prémices du second conflit mondial. S’il ne s’agit pas de son époque de prédilection, on distingue d’emblée la plume érudite et maîtrisée de l’historien. Versé dans l’art de la fiction, son style se veut à la fois dynamique, précis et incisif. À aucun moment, on ne ressent un propos froid et distancié, en particulier dans les descriptions du cadre. Le récit redonne corps à la capitale allemande dans l’une de ses périodes les plus troubles et obscures.

En lieu et place de nous montrer les images d’une foule galvanisée par les discours d’Hitler ou en admiration devant des défilés de soldats et de blindés, l’intrigue nous dépeint une ville différente. Aux antipodes de ce que l’imaginaire collectif a pu véhiculer, on découvre une population qui, pour une majorité, se terre dans le silence et détourne le regard des crimes du parti nazi. Le fait d’évoquer le black-out n’est pas sans rappeler une atmosphère similaire à ce que les Britanniques ont pu traverser lors du Blitz. On songe aussi aux rationnements des ressources alimentaires, tout en exposant le faste des fêtes organisées par les élites du gouvernement.

On retrouve cette non-affiliation au parti nazi en la personne de son protagoniste : l’inspecteur Schenke. Figure d’autorité indépendante à la Kripo, l’homme se distingue autant par ses compétences d’enquêteur que par sa volonté à ne pas laisser influencer la politique sur son travail. En l’occurrence, il ne s’agit pas d’un comportement naïf, mais de convictions qu’il s’efforce de dissimuler au regard de ses pairs et supérieurs. Tout au long de l’intrigue, cet aspect demeure prépondérant et donne lieu à de véritables cas de conscience. Ces dilemmes moraux ne tiennent pas au bon déroulement des investigations, mais plutôt à l’interprétation fallacieuse et partiale des huiles du parti.

Très vite, l’ingérence politique supplante la notion de justice. La loi devient un instrument de manipulation et de propagande, bien plus que des valeurs et des règles à faire respecter. En filigrane de l’enquête principale, le statut de Schenke le place dans une position délicate, entre devoir et ordres qui vont à l’encontre de ses principes. Pour ce qui est de l’affaire, elle reste assez classique dans ses fondamentaux. Cela tient autant aux implications des crimes en série qu’à la progression générale. Il n’en demeure pas moins que la narration fait preuve de constance pour délayer les indices et les révélations, en considérant les éléments à disposition des policiers et du lectorat.

Au final, La Nuit de Berlin s’avance comme un polar historique des plus recommandable. On apprécie la qualité et la force de description de la capitale allemande, ainsi que la caractérisation des différents intervenants. Bien éloignés des clichés de circonstances, on a droit à un panel de personnages variés dont les mœurs morales menacent de vaciller en différentes occasions. Les dangers et la suspicion omnipotente du parti nazi sont également présents et bien retranscrits, dans le sens où la persuasion par l’intimidation fait partie des instruments d’asservissement des politiques. Au-delà d’une guerre qui laisse perplexe la population quant à ses retombées, on s’interroge sur le caractère social d’un crime où le statut de l’individu vient justifier sa résolution ou son oubli. Une première enquête intéressante, immersive et intelligente, tant dans son évocation historique que dans ses propos.

Note : 16/20

Par Dante

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