février 10, 2025

Médine – Grand Médine

Avis :

C’est assez triste à dire, mais le rap français est encore assez mal vu de nos jours, alors même que c’est peut-être le style le plus produit chez nous. Constamment assimilé à une musique de « racailles » ou « d’islamistes », le rap possède pourtant des figures de proue incontournables, qui utilisent les mots pour décrire les maux d’une société qui part à vau l’eau. Certes, il y a bien entendu du rap qui est là pour mettre l’ambiance, pour faire danser, mais le plus intéressant reste ce que l’on appelle le rap conscient, dont Médine fait partie, avec Youssoupha, Kerry James ou encore Oxmo Puccino. Souvent décrié pour des textes engagés, tout comme son engagement politique, Médine demeure l’un des plus talentueux rappeurs de notre pays, notamment pour son écriture et son côté frontal, n’hésitant à appuyer là où ça fait mal.

Débutant sa carrière au début des années 2000, il va sortir des albums de façon plus ou sporadique, jusqu’à trouver un rythme de croisière en 2018, sortant alors un skeud tous les deux ans. Nous avions laissé Médine sur Storytelling, son sixième effort, que nous avions trouvé excellent, continuant son rap frontal, ses textes engagés, et sa saga sur les enfants du destin. Grand Médine arrive alors 2020, et il coche les mêmes cases de son grand frère, à savoir des lyrics puissantes et qui font réagir, des featurings variés et un nouvel opus de sa saga des enfants du destin. De quoi nous rassurer alors sur les intentions du rappeur, et même si cet album se fait un peu moins percutant que le précédent, il n’en demeure pas moins un très bon skeud, qui pousse constamment à faire marcher nos neurones.

Le premier titre, Ignorez l’Intro, pose un peu les bases du rap de Médine. On y retrouve un peu d’égo trip, mais surtout, il pointe du doigt l’industrie musicale, et cette volonté des labels d’éteindre les consciences pour parler de l’artiste, de ses amours, de sa vie. Ce n’est pas ce qui intéresse Médine, préférant faire des feats avec ses enfants pour éveiller les consciences et appeler à la tolérance et au métissage. On y retrouve aussi ce phrasé si particulier, haché et percutant, qui donne plus de poids aux mots employés. Cela se confirme avec FC Grand Médine, imposant alors ses choix politiques, et rentrant pleinement dans le ventre des racistes qui l’accusent d’antisémitisme ou de communautarisme. Un regard réducteur, qui vient à chaque fois de la sphère droite et extrême droite. En abordant Grand dla Tess, on a droit à un rap différent et plus chanté.

En duo avec Hatik, et profitant aussi du piano de Sofiane Pamart, Médine utilise l’autotune pour donner une atmosphère particulière à un texte malin autour de la drogue et de la nostalgie. Sans être un excellent titre, il faut saluer le côté mélodique du morceau. On lui préfèrera largement God Complex, qui frappe fort sur toutes les religions. Médine y raconte son éloignement de la mosquée pour mieux croire en Dieu, il évoque le côté pécunier de la religion, et le fait que les religieux préfèrent élever leurs âmes plutôt que de faire des enfants bien élevés. Un regard critique percutant, intelligent, et qui ne fait aucun prosélytisme, sinon celui de croire à ce que l’on veut, loin de tout dogme imposé et anti-libertaire. Quant à Voltaire, doté d’un superbe piano, il est question de justice à deux vitesses, de racisme systémique dans les médias ou dans les tribunaux.

Grand Paris 2, qui fait suite au premier volet sorti dans Prose Elite, est un gros pot-pourri sur l’émergence des artistes de banlieue et comment ils influencent Paris et le monde en général. On y retrouve plusieurs feats, notamment avec Koba LaD, Oxmo Puccino ou encore Rémy, et c’est sympathique, même si on reste sur quelque chose d’assez attendu. On préfère les morceaux plus intimistes. HLM Grand Médine par exemple, fait plus dans le rap old school, avec des paroles plus dures et percutantes. A l’Essentiel présente la deuxième facette de Médine, avec un titre doux sur l’amour et la perte d’un être cher. C’est beau, malgré l’autotune qui peut parfois en faire des caisses. Mais c’est la preuve que derrière une image assez dure et engagée, il peut se cacher un cœur qui bat. Et on retrouvera cela dans d’autres titres de l’album.

Quartier VIP, avec Soso Maness, évoque les quartiers de Marseille, mais aussi l’injustice sociale, avec un déterminisme dégueulasse. Encore une fois, c’est écrit avec talent et pousse à la réflexion. Enfant du Destin – Sara est un morceau qui touche au plus profond, évoquant alors la mort d’une enfant ouïghoure qui va se battre pour survivre en Chine. L’instru est puissante et le texte est dingue. Pour contrebalancer ce titre sombre, Barbapapa, en duo avec son fils, fait la part belle à la mixité et au métissage, dans une ambiance joyeuse, malgré des passages assez rudes. Puis Reste, avec YL, renoue avec un rap plus classique, qui manque peut-être de moments rentre-dedans. Ray profite d’un refrain fort et résonne comme un hymne contre le racisme. Sur la fin de l’album, on notera surtout le featuring avec Big Flo & Oli sur Tête à Cœur, un joli texte mélancolique.

Au final, Grand Médine, le septième effort studio de Médine, est encore une fois une réussite, même si on lui préfèrera son aîné. Dégainant encore et toujours une plume assassine qui pointe du doigt les disparités d’une société qui se droitise de plus en plus, Médine s’érige en parolier intelligent, tentant d’éveiller les consciences pour que tout le monde puisse vivre mieux. Malgré quelques titres un peu plus faibles, notamment à cause d’une instru trop classique pour s’imposer, on reste sur un album fort, qui démontre que loin de toutes polémiques, Médine est un artiste engagé, qui n’a pas peur des mots, de choquer, pour que nous puissions tous aller vers le mieux.

  • Ignorez l’Intro
  • FC Grand Médine
  • Grand dla Tess feat Hatik
  • God Complex
  • Voltaire
  • Grand Paris 2 feat Koba LaD, Oxmo Puccino, Rémy, Larry, Pirate
  • HLM Grand Médine
  • A l’Essentiel
  • Quartier VIP feat Soso Maness
  • Enfant du Destin – Sara
  • Barbapapa
  • Reste feat YL
  • Ray
  • L’Imposteur
  • Tue l’Amour
  • Tête à Cœur feat Big Flo & Oli
  • FAQ

Note : 15/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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