Les Carnets de Cerise

Auteurs : Joris Chamblain et Aurélie Neyret

Editeur : Soleil et Oxymore

Genre : Récit de Vie, Aventure

Résumé :

Cerise est une petite fille âgée de 11 ans qui vit seule avec sa mère. Elle rêve de devenir romancière. Son sujet favori : les gens, et plus particulièrement, les adultes. Elle adore les observer pour tenter de deviner leurs secrets.

Avis :

On réduit souvent la littérature jeunesse, et par extension la bande-dessinée jeunesse, à des histoires faites pour les enfants, et qui ne présentent de ce fait qu’un intérêt mineur pour les adultes. Si le cinéma d’animation est là pour attester du contraire, on a souvent cet adage qui colle à la peau des BD et autres romans pour les enfants/ados. Mais comme pour le septième art, le neuvième contient des pépites qui touchent toutes les générations, mais aussi tous les sexes, malgré, parfois, des orientations favorites. Prenons comme exemple Les Carnets de Cerise, une série de BDs qui se destine à un public jeune et plutôt féminin. Pour autant, lorsque l’on jette un œil dessus, on va vite se rendre compte que Joris Chamblain, épaulé par Aurélie Neyret, raconte des histoires intergénérationnelles, et qui parlent aussi bien aux filles, qu’aux garçons.

Doté de six tomes (à l’instant où ces lignes sont écrites) et d’un spin-of qui intervient après le cinquième tome de saga mère, Les Carnets de Cerise est un véritable petit ravissement. Sorte de roman graphique qui alterne les planches de BD avec des extraits du carnet intime de Cerise, cette franchise va réussir le tour de force de raconter à chaque tome des sujets forts et importants, tout en construisant un personnage central qui grandit, évolue, et se retrouve face à un problème psychologique important. Pouvant toucher n’importe qui, faisant écho à des bribes de vie qui sont plausibles et touchants, Les Carnets de Cerise bénéficie d’une plume fine et juste pour son scénario, et d’un dessin chaleureux et tendre pour ses graphismes. Oui, vous l’aurez compris, c’est un vrai coup de cœur.

Le premier tome pose les personnages importants, à savoir Cerise, une jeune fille qui termine son école primaire, et qui est entourée de ses deux meilleures amies, de sa maman, et d’une romancière qui fait presque figure de grand-mère. Très rapidement, on va rencontrer un vieil homme étrange, qui traverse la forêt avec des pots de peinture, et qui va devenir un sujet d’enquête pour Cerise. Jouant alors sur le temps qui passe, sur les lieux abandonnés des villes et sur un brin de nostalgie, ce premier tome se pose comme quelque chose de mature et de très touchant dans sa démarche finale, qui montre qu’avec du monde, on peut faire des miracles. La simplicité est le maître-mot de ce tome, mais aussi de toute la franchise, qui ne va cesser de toucher, tout en faisant grandir son héroïne.

En effet, dans le deuxième tome, Cerise attaque le collège, essaye de ne plus mentir à sa maman, mais va découvrir qu’une vieille dame emprunte toujours le même livre à la bibliothèque. Dès lors, elle va mener son enquête qui travaillera alors sur la mémoire et le devoir de mémoire. Il en découlera une magnifique histoire d’amour, mais aussi les premiers tourments pour Cerise, qui va se brouiller avec sa mère, et mettre en exergue un conflit entre cette dernière et la romancière. Si les fils tissés sont assez lisibles, il n’en demeure pas moins que c’est écrit avec finesse, arrivant petit à petit, tome après tome, à un conflit mère/fille inévitable, faisant jouer jalousie, incompréhension et passé douloureux qui remonte à la surface. La série joue alors la carte de la mère célibataire, de la reconstruction après un drame, et des remords enfouis qui ressurgissent.

Si le troisième s’attarde sur les souvenirs perdus d’une restauratrice de livres, les quatrième et cinquième tomes iront dans le passé de Cerise pour nous toucher au plus profond, avec les explications sur la disparition de son père. Là encore on ne tombe jamais dans le pathos, c’est toujours écrit avec tendresse, et il se dégage une poésie mélancolique de chaque tome, permettant aussi d’étudier différentes émotions (en un sens, on peut presque dire que le quatrième tome explore la colère, alors que le cinquième est plus sur l’apaisement, la réconciliation). Seul le sixième tome, qui n’était pas prévu mais qui arrive chez Oxymore Editions, s’avère moins touchant, car il évoque le voyage, les relations avec de nouveaux membres de la famille, et se termine sur une fin ouverte attendue et pas forcément pertinente (on sait déjà de quoi risque de parler le septième tome, s’il sort un jour).

Pour autant, on prend un plaisir incroyable à lire cette série dans son entièreté, car elle ne suscite aucun ennui et touche souvent au sublime. De plus, comme on peut le deviner entre les lignes du dessus, il s’agit d’une BD qui s’adresse aussi bien aux enfants, de par la tonalité et la simplicité des histoires, mais aussi aux adultes, qui y trouveront des sujets forts et sensibles. Même le spin-of, qui s’appelle Les Carnets de Cerise et Valentin, se révèle réussi, explorant alors les peurs d’un petit enfant qui ne veut pas partir de chez lui, et qui transforme ses émotions en extraterrestres pour plus facilement en parler au sein d’un carnet secret.

Au final, Les Carnets de Cerise est une superbe réussite, que l’on prenne chaque tome de façon individuelle ou la série dans sa globalité. Touchant, abordant de manière simple et intime des sujets importants et beaux, il est parfois difficile de retenir ses larmes tant certaines conclusions sont percluses d’émotions. De plus, on y trouve une évolution logique des personnages, où l’on sent bien que chaque tome est en place pour construire quelque chose de plus grand. Bref, lisez Les Carnets de Cerise, c’est vraiment bien.

Note : 17/20

Par AqME