avril 27, 2024
BD

Lanfeust de Troy

Auteurs : Christophe Arleston et Didier Tarquin

Editeur : Soleil

Genre : Fantasy

Résumé :

Troy est un monde fascinant, où la magie intervient dans le quotidien de tous. Chacun en effet possède un pouvoir, petit ou grand, plus ou moins utile. L’un à le don de figer l’eau en glace, l’autre le pouvoir d’émettre des pets colorés…
Lanfeust, lui, sait fondre le métal d’un seul regard. Dans son village, il est donc tout naturellement devenu apprenti chez le forgeron. Mais le contact d’une épée venue des lointaines Baronnies révèle en lui une puissance exceptionnelle; il ne dispose plus d’un don unique, mais d’un pouvoir absolu et illimité.
Accompagné du vieux sage Nicolède et de ses deux filles aux caractères si dissemblables, Lanfeust est emporté dans un tourbillon d’aventures au cours desquelles il croise les plus incongrues, les plus surprenantes et les plus dangereuses des créatures.

Avis :

S’il y a bien un genre, dans le monde de la bande-dessinée, qui se vend comme du petit pain, c’est la fantasy. S’il faut un exemple pour affirmer cela, il suffit de regarder les éditions Soleil et toute la panoplie autour des sagas Elfes, Orcs et Gobelins, Nains ou encore Terres d’Ogon, et encore, j’en oublie. Bref, des séries qui dépassent allègrement les trente tomes pour certaines, et quand on connaît un peu l’aspect marketing de chez Soleil (à savoir arrêter une série en cours si elle ne se vend pas) on voit bien que la fantasy a encore et toujours le vent en poupe. Mais cela ne date pas d’hier, puisque durant les années 90, Christophe Arleston et Didier Tarquin vont s’associer pour sortir une série qui va rapidement devenir culte, Lanfeust de Troy.

Série terminée en huit tomes (jusqu’à ce qu’un neuvième opus vienne mettre son grain de sel), Lanfeust de Troy va lancer une machine infernale qui deviendra même une franchise, avec Lanfeust des Etoiles et Lanfeust Odyssey. Mais comment expliquer un tel succès ? La raison est assez simple, le cocktail scénaristique est détonant, avec une aventure épique où il est question de magie et de pouvoir, l’univers est savamment travaillé avec un aspect innovant sur les pouvoirs magiques, et il y a un humour omniprésent qui côtoie du sexy et du gore. Bref, l’ensemble est bien tenu, et pour l’époque, c’était très novateur. On avait enfin un peu de légèreté dans la fantasy, sans jamais que cela prenne le pas sur l’histoire ou la gravité du scénario. Le juste équilibre est assez précaire, mais les deux auteurs ont réussi à trouver le bon dosage.

Il faut dire aussi que les personnages, en dehors de cette épopée pour sauver le monde d’un tyran fou, sont très attachants. A commencer par Lanfeust lui-même, jeune forgeron qui va devoir composer avec une aventure à laquelle il ne semblait pas destiné. Relativement naïf, il va apprendre à se connaître lui-même et à accepter ses sentiments durant toute l’aventure. Il sera accompagné par Hébus, un troll à l’humour ravageur et qui sera la brute du groupe. Il pourra compter sur l’aide de Nicolède, le sage qui relie la magie, et qui fait preuve de tampon entre les élans héroïques de Lanfeust et la couardise de certains. On peut évoquer bien entendu C’ian et Cixi, les deux sœurs qui convoitent Lanfeust, jouant sur le côté sexy. Puis le baron Or-Azur, un chevalier couard, mais qui va se révéler pour sa bien-aimée.

Tout ce petit monde va créer des relations intéressantes, à la fois drôles et cyniques, ponctuant l’aventure de moments épiques, ou parfois grotesques. Il ne faut pas oublier aussi l’antagoniste de l’histoire, Thanos, un être cruel et avide de pouvoir, qui ne souhaite qu’une chose, dominer le monde. Un vrai méchant, qui tue par plaisir, et pour lequel on aura aucune empathie. Cela contribue à l’attachement que l’on a pour Lanfeust, et à cette envie que l’on va avoir, au fil des pages, à la voir réussir sa quête. Et on pourra aussi compter sur une pléthore de personnages secondaires, jouant sur les différentes cultures du monde de Troy, qui s’inspirent bien évidemment de notre monde à nous. On aura droit aux Darshanides qui évoquent les pays asiatiques, ou encore les Dorshiffe, qui sont des gens du voyage. Tout un univers plaisant, référencé, mais profondément respectueux.

Il ne faut pas oublier aussi que si tout cela a fonctionné, c’est aussi grâce à ce concept génial de pouvoir unique développé par chaque personne. Des pouvoirs qui peuvent très utiles, comme C’ian qui soigne durant la nuit, ou encore celui de Lanfeust qui peut faire fondre le métal. Mais on a aussi des pouvoirs inutiles comme péter par les oreilles, et cela donne parfois lieu à des situations assez grotesques. Et histoire de compléter le tout, les autres pays n’ont pas forcément de pouvoirs, puisque les baronnies refusent d’utiliser la magie, tandis que les Darshanides prient des dieux qui prennent physiquement forme e fonction du nombre de croyants qu’ils ont. Des idées malines, qui donnent réellement de l’épaisseur à l’histoire, mais surtout à l’univers, qui donnera par la suite à des spin-off et des stand alone. Business quand tu nous tiens…

Néanmoins, tout n’est pas parfait non plus dans cet univers, et on peut retrouver des scories qui ont dérangé (et dérangent toujours) certains lecteurs. En fait, les deux auteurs sont des amateurs de jeux de mots, et très souvent, ils sont assez mal venus. Par exemple, le coup de Cixi en vengeuse masquée qui multiplie les références à Zorro, c’est un peu lourd. Tout comme les jeux sur les noms des gens qui deviennent lourds, à l’instar des trolls et des sages. Cela peut sortir de l’histoire et manque réellement de finesse. Le pompon étant le dernier tome sorti, avec un méchant qui s’appelle Lan-Khu… D’ailleurs, ce neuvième tome, qui fonctionne comme un stand alone, est un ratage quasi complet, et pose une question intéressante : avions-nous réellement besoin du retour de Lanfeust ?

Car très clairement, ce dernier tome, qui semble avoir été écrit en 2011 mais qui n’a vu le jour que dix ans plus tard, est mauvais. Surtout si on le compare aux huit autres tomes. Déjà, au niveau du dessin, on voit l’arrivée de la tablette graphique, et les décors perdent en profondeur. On a parfois un flou en arrière-plan qui ne rend pas justice aux dessins de Tarquin. Et puis l’histoire pêche par son intérêt. Lanfeust n’a plus les pleins-pouvoirs, il est forgeron itinérant avec une bestiole qui semble avoir un pouvoir qui provient d’on ne sait où. Le grand méchant ne sera visible que sur une dizaine de planches pour se faire dézinguer très rapidement. Puis les nouveaux personnages sont embarrassants, à l’image de cette nièce bougonne et pénible, ou de ce jeune apprenti sage froussard au pouvoir… bien arrangeant…

Au final, malgré un dernier tome poussif qui sert d’appel du pied pour relancer la franchise via des one shot, Lanfeust de Troy reste une immense saga qui aura permis à d’autres séries de voir le jour (Les Naufragés d’Ythaq et Les Forêts d’Opale par exemple). Rudement bien dosé dans son humour et son épopée gigantesque pour trouver le Magohamoth, cette bande-dessinée n’a pas pris une ride, et continue d’être un modèle du genre pour la fantasy moderne, avec un penchant pour les blagues et les jeux de mots. Pas étonnant que derrière, il y ait eu autant de spin-off, mais aussi d’encyclopédies et autres jeux de rôle.

Note : 17/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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