
D’Après une Idée de : Judith Havas et Victor Rodenbach
Avec Géraldine Nakache, Doria Tillier, Oussama Kheddam, India Hair
Pays : France
Nombre d’Episodes : 6
Genre : Policier
Résumé :
Quand une petite fille de 6 ans est kidnappée en plein jour, l’onde de choc dépasse son cercle familial car la fillette – Kimmy – est une star dont les vidéos postées quotidiennement sont suivies par des millions de spectateurs. L’enquête est confiée à Sara Roussel, chef de Brigade au SDPJ. Pour tenter de sauver la petite fille, Sara va devoir plonger dans un monde dont elle ignore tout et entrer dans l’intimité́ de cette famille qui a appris à vivre sous le regard de leur communauté́. Tandis que les “fans” de la petite fille mènent leur propre enquête, établissent des théories et désignent leurs coupables, Sara se rapproche irrésistiblement de Mélanie, la mère de la petite. De confidences en confidences, cette mère de famille va dévoiler ses secrets et ceux de son entourage jusqu’à semer le doute sur le véritable coupable…
Avis :
S’il y a bien une chose que l’on peut apprécier avec les plateformes de streaming, c’est qu’elles permettent à la France de mettre en place des séries plutôt audacieuses et qui sortent un peu des sempiternels vieilles séries policières du jeudi soir. Si, comme pour tout pays, on retrouve des choses inégales, on a quand même droit à certaines choses très intéressantes, voire même des prises de risque qui n’auraient jamais vu le jour sur les chaines de la télévision. On pense à la série de science-fiction Parallèles, mais on peut aussi citer Les Enfants sont Rois qui est aussi disponible sur Disney+. Pour cette dernière, librement adaptée d’un roman de Delphine de Vigan, on peut dire que la prise de risque est double, avec un rôle à contre-emploi pour Géraldine Nakache, et une adaptation risquée autour d’une autrice qui à un lectorat plutôt exigeant. Et malgré ça, c’est réussi.

Le premier épisode pose les bases de l’histoire. On nous présente une famille modèle, avec une mère (Doria Tillier) et sa fille (Vittoria Andreoli) qui font des vidéos sur Youtube, et qui cartonnent, devenant alors la chaîne n°1 pour les enfants, cumulant plus de huit millions d’abonnés. Seulement, Kimmy va se faire kidnapper, entrant volontiers dans une voiture de sa résidence. Dès lors, l’épisode présente l’équipe de police qui va être en charge de l’affaire, entre une cheffe autoritaire et taiseuse (Géraldine Nakache), un second qui aime son métier, quitte à délaisser un peu sa famille et sa santé (Oussama Kheddam), une flic désabusée (India Hair) et un jeune premier qui se débrouille pas trop mal en informatique (Panayotis Pascot). On reste dans les carcans de la série policière, avec des personnages qui occupent des fonctions propres. Mais par la suite, les choses vont aller plus loin.
Forcément, en menant l’enquête, le script va être obligé de travailler autour des personnages de la section policière. On y découvre une équipe qui se sert les coudes, mais qui ont des moyens différents de gérer le stress. Si le jeune nouveau éprouve des difficultés à se faire une carapace, certains usent du cynisme tandis que d’autres se font du mal en fonçant tête baissée dans le boulot. C’est intelligemment écrit, et ça ne force jamais le trait, même si parfois, on tombe dans la caricature du moment, avec une histoire qui peut tomber dans l’amourette lesbien, et qui n’apporte rien à l’intrigue. On a vraiment l’impression que c’est pour être dans l’air du temps, et ce n’est pas très intéressant de faire ça pour ça. Mais cette affaire va aussi révéler des problèmes familiaux plus profonds et qui brassent de nombreux thèmes problématiques de nos jours.
La série va nous faire prendre des détours pour que l’on ait plusieurs suspects, et en premier lieu la mère, qui est quelqu’un de terriblement toxique, et qui ne veut que des likes, qui ne souhaite que briller depuis des années. On plonge clairement dans le portrait d’une femme égoïste, égocentrique, qui cache une souffrance depuis son adolescence, et ne veut qu’une chose, être le centre de toutes les attentions. Bien entendu, la série nous fait penser à un hypothétique enlèvement de la mère pour cumuler quelques abonnés de plus. Et quand on voit son parcours, sa lutte pour faire de la télé-réalité, son mal-être qu’elle a du mal à cacher, on ne peut penser à cela. Et on aura du mal à ressentir de l’empathie pour cette mère, qui n’en fait qu’à sa tête, achète tout le monde, et tente désespérément de se faire bien voir.
Ce portrait complexe amène alors à d’autres soucis de notre société, liés aux réseaux sociaux et la vindicte populaire. On va y voir du cyberharcèlement, avec un jeune homme qui insulte tous les jours cette mère, sous prétexte qu’elle en montre trop sur internet. Cela entrainera un drame à cause, justement, des jugements populaires, les gens se faisant passer pour juge et bourreau. La série aborde aussi les problèmes du travail des enfants, surtout sur internet, où la loi demeure très floue là-dessus. On y décèlera de la maltraitance, du harcèlement moral, du chantage, bref, la série montre que pour devenir célèbre à tout prix, certains adultes sont prêts à sacrifier leur famille, voire même leur image pour quelques likes, quitte à faire un bad buzz. Et pour le coup, la série est relativement bien faite, accusant, mais n’en faisant jamais trop.
Alors oui, on reste tout de même sur certains chemins balisés. Les traits des personnages sont très attendus, la relation familiale demeure constamment tendue, le père de famille est éteint, et il va lui falloir un petit électrochoc pour découvrir que vivre avec ses enfants, c’est toujours mieux que de les filmer, mais tout cela s’imbrique assez bien, malgré un final trop simple. Non pas dans la résolution, qui est bien amenée, mais dans son tout dernier plan, qui n’ose pas aller trop loin dans le morbide, et qui veut se faire bien trop moralisateur, avec une femme qui n’a rien appris de cette histoire, et continue à vivre dans le paraître et dans ce besoin maladif d’être vue par le plus grand nombre.

Au final, Les Enfants sont Rois est une très bonne série qui possède, sans doute, une mise en scène trop classique pour totalement convaincre, mais qui bénéficie d’un très bon scénario, et de messages sociétaux contemporains très importants. De plus, tous les acteurs sont bons dans leur rôle, de Panayotis Pascot en passant par une Géraldine Nakache métamorphosée, ou encore une Doria Tillier détestable et un Oussama Kheddam crédible. Bref, cette série française montre que l’on a des talents dans la création de séries originales, et cela donne bien envie de lire le roman dont c’est adapté.
Note : 15/20
Par AqME