Avis :
On le sait, la France n’est pas une terre de Métal, dans le sens où cette musique n’est jamais mise en avant dans les médias ou à la radio. Et pourtant, on a un vivier de talents assez impressionnant et des groupes qui se forment, tournent et vendent des disques sans que cela ne soit jamais réellement évoqué, sinon sur des sites spécialisés. En ce sens, de nombreux artistes métal ont du mal à vivre de leur métier et passion, et décident alors de ne pas se professionnaliser. C’est le cas des musiciens de chez Celeste, groupe de Post-Black lyonnais qui s’est formé en 2005, et qui compte aujourd’hui pas moins de six albums studios et trois EP. Si le groupe se fait connaître via la scène post-hardcore underground, c’est petit à petit que la formation évolue vers un style plus tortueux, plus sombre, et s’enrobe d’un bel écrin Black.
Cependant, le groupe renie toutes influences d’une quelconque musique, et n’aime pas rentrer dans des cases. C’et sans doute pour cela que leur musique mélange plein de choses, et s’organise surtout autour de textes forts et importants, notamment sur les violences sexistes faites aux femmes. Baignant dans des poèmes morbides et puissants pour faire réagir, le groupe français ne mâche pas ses mots et utilise le Black pour appuyer son propos d’une bonne dose de violence, tout en y injectant une mélancolie insidieuse, qui se fait touchante et puissante. Oui, vous l’aurez compris, Assassine(s) est un album sublime, qui nous plonge dans un abysse de noirceur, et qui pourtant, nous pousse à y retourner pour se reprendre une grosse décharge dans la tronche. Et tout commence avec le premier morceau, Des Torrents de Coups, qui ne laisse guère de doute sur les sujets évoqués.
Les paroles sont assez évocatrices, malgré le côté poétique et lyrique qui s’en dégage. Le chant crié est parfait pour aborder ce sujet, lui donnant sa réelle gravité. D’un point de vue musical, le travail de la batterie est très intéressant, et les riffs sont à la fois brutaux et aériens. Il se dégage du morceau une noirceur profonde, tout en gardant un aspect très mélancolique, qui ne peut que nous toucher. Ce travail, on le retrouve aussi avec De tes Yeux Bleus Perlés, mais de manière plus frontale et plus brutale. Les riffs sont lourds, la rythmique est véloce, et on en prend plein la gueule. C’est puissant, éreintant, et cela colle avec le refrain qui se veut rentre-dedans (son cœur pisse le sang, son ventre pisse la bile). Ici, le groupe épouse pleinement son côté Post-Black, et ne nous laisse aucun répit.
En fait, cette musique ressemble aux violences que subissent les femmes, qui n’ont jamais de cesse, et qui se font de plus en plus brutales. Il y a une vraie cohérence dans le travail de Celeste. Nonchalantes de Beauté est un hymne d’amour pour les femmes battues, qui ne sont jamais aidées et qui n’ont plus aucun espoir. Le groupe peaufine son ambiance mortifère et puissante, tout en gardant en ligne de mire son aspect éthéré en arrière-plan, ajoutant une touche mélancolique qui ne peut que parfaire leur sujet. Puis Draguée Tout au Fond marque un point de bascule au niveau de l’album. Titre le plus court et plus virulent, il est aussi celui où l’amour a disparu, totalement remplacé par le renoncement et l’envie de mourir. Une bascule qui va alors se faire ressentir avec (A), un interlude instrumental qui montre les progrès techniques du groupe.
Sur les trois derniers morceaux, les paroles vont plus aller sur le point de vue du tueur, de l’homme. Et avec Il a Tant Rêvé d’Elles, Celeste offre un morceau poignant, fort, où l’homme qui bat sa femme, la tue, est vu comme un être faible, abject, et les mots ne sont pas mâchés, ce qui donne encore plus de poids au titre. Elle se Répète Froidement est certainement le meilleur titre de l’album, avec un riff lourd, qui en impose, mais qui est soutenu par une autre guitare plus éthérée, plus douce, offrant alors une mélancolie de zinzin. Le titre est une vraie réussite sur tous les plans, et il sera difficile de ne pas être touché par cette descente aux enfers. Enfin, Le Cœur Noir Charbon clôture l’album de la plus belle des façons, avec un Post-Black magnétique, poétique, sombre et froid.
Au final, Assassine(s), le dernier album en date de Celeste, est d’une rare puissance, qui épouse le Black pour mieux le détourner dans ses paroles, pleines de sens et de poésie macabre. En seulement huit morceaux et un peu plus de quarante minutes d’écoute, Celeste nous abreuve de noirceur et de pessimisme, tout en jouant avec nos émotions, pour mieux nous impliquer dans un sujet sociétal important, et trop peu représenté dans le milieu du Métal. Bref, cet album est une véritable pépite.
- Des Torrents de Coups
- De tes Yeux Bleus Perlés
- Nonchalantes de Beauté
- Draguée Tout au Fond
- (A)
- Il a Tant Rêvé d’Elles
- Elle se Répète Froidement
- Le Cœur Noir Charbon
Note : 18/20
Par AqME