D’Après une Idée de : Akiyuki Shinbo
Avec les Voix Originales de Marina Inoue, Mitsuki Saiga, Megumi Toyoguchi, Mamiko Noto
Pays : Japon
Nombre d’Episodes : 3
Genre : Horreur, Romance
Résumé :
Kurahashi Eiri est un jeune antiquaire qui reçoit pour sa boutique un étrange verre vénitien datant du XVIIIème siècle. Ce cristal va lui donner d’étranges hallucinations et l’esprit du jeune homme va peu à peu être possédé par le fantôme d’une fillette, assassinée il y a fort longtemps, et dont l’âme ne peut trouver de repos tant que son meurtrier demeure impuni…
Avis :
Qu’il s’agisse d’OAV, d’animes ou de longs-métrages, ces médias culturels se démarquent par une identité artistique aussi singulière qu’unique. Depuis les années 2000, les films d’animation occidentaux ont largement cédé aux sirènes des images de synthèse. Celles-ci peuvent donner lieu à une véritable débauche visuelle, du moins avec le budget et le talent qui vont de pair. Malgré le caractère divertissant, il en émane une approche conventionnelle, sinon basique et commerciale de cette forme de créativité. Au Japon, on reste davantage dans un style classique, magnifié par des imaginations débridées et une vision graphique somptueuse.
Avec un tel titre, Le Portrait de petite Cosette pourrait s’apparenter à une transposition d’incunables de la littérature. On songe notamment aux œuvres de Victor Hugo et de Charles Dickens. S’il n’en est rien, le constat n’est pas si loin d’une confluence entre les cultures occidentales et asiatiques. Cela vaut pour ce magasin d’antiquités qui recèlent de véritables trésors ou ce style qui retranscrit les intérieurs, comme les extérieurs, avec un ton traditionnel, le tout affublé de quelques exubérances gothiques dans l’architecture de certains édifices. Avant même de se plonger dans l’histoire, cet ensemble de 3 OAV présente avant tout une richesse visuelle remarquable.
Si l’on mettait en avant le classicisme du cadre, celui-ci vient contraster les errances du protagoniste dans un monde qui relève autant du rêve éveillé que du cauchemar. Chaque séquence fourmille de détails, d’éléments qui tiennent autant de l’allégorie que du symbolisme. À l’image d’une peinture, dont il s’agit ici d’un des thèmes centraux, on peut interpréter cette déambulation aussi fantasque qu’étrange, de bien des manières. À la découverte de ces tableaux baroques, il est aisé de songer au surréalisme, à des artistes iconiques tels que Magritte, Dali ou à Paalen. Dans un tout autre registre, les séquences de tortures renvoient aux visions dantesques de Bosch.
Au-delà de toutes ces influences, Le Portrait de petite Cosette pourrait s’avancer comme le syncrétisme des histoires d’Edgar Allan Poe et de Lewis Carroll. Il en émane un côté lugubre et tortueux où le design du protagoniste, plein de candeur, s’oppose à son vécu dans sa prime jeunesse. La narration s’arroge également quelques atours abstraits, dont la mise en contexte demeure assez difficile. Cela tient au format restreint de l’OAV et une volonté de privilégier l’atmosphère au dynamisme des séquences. En matière d’interactions, les personnages disposent d’un background dont on ignore tout ou presque. L’absence de préambule oblige à se confronter à l’intrigue avec une méconnaissance manifeste de cet univers.
Toutefois, la force du récit prend de l’ampleur dans les deux dernières OAV. La montée en tension est progressive, bien que certains évènements demeurent très succincts pour venir justifier un comportement ou une orientation scénaristique. On y distingue le caractère tourmenté des protagonistes qui s’expriment au travers de l’art et des vagabondages dans une réalité alternative, qui tient de l’au-delà, de l’inconscient et de l’enfer. La perpétuation des souffrances renvoie alors à l’obsession de l’art, de la perfection où le vivant se rapproche du désincarné, l’amour de la haine. Face à ces tableaux et cette appropriation presque métaphysique, on se retrouve à contempler des œuvres maudites, semblables au portrait de Dorian Gray.
Au final, Le Portrait de petite Cosette fait partie de ces œuvres singulières et inclassables qui nous entraînent dans un maelstrom de sentiments et d’émotions contradictoires. Bien que l’incursion soit courte, elle n’en demeure pas moins percutante, notamment avec cette exubérance picturale proprement stupéfiante. Entre les courants surréalistes et primitifs, romantiques et gothiques, ces OAV confèrent un formidable hommage aux classiques de la peinture. La mise en scène d’Akiyuki Shinbo n’en reste pas moins âpre et violente dans son discours, où l’amour de l’art prévaut sur toute autre considération. Torturée et parfois pernicieuse, cette œuvre aime triturer les fils discordants de son histoire et du devenir de ses protagonistes. Elle malmène les perspectives de ce qui les entoure et, par la même occasion, la perception du spectateur.
Note : 16/20
Par Dante