
De : Ti West
Avec Mia Goth, David Corenswet, Tandi Wright, Matthew Sunderland
Année : 2022
Pays : Etats-Unis
Genre : Horreur
Résumé :
Piégée dans la ferme isolée de sa famille, Pearl doit s’occuper de son père malade sous le regard autoritaire de sa mère dévote. Désireuse de mener une vie glamour comme elle l’a vu dans les films, Pearl voit ses ambitions limitées… ce qu’elle n’apprécie pas du tout !
Avis :
Certains réalisateurs se spécialisent dans un genre en particulier, et peuvent trouver grâce aux yeux de fans. En règle générale, cela s’applique surtout dans le domaine de l’horreur, car c’est le genre le plus produit dans le septième art, et c’est celui où les types ont le plus de liberté d’expression. De nombreux noms sont connus là-dedans, et parfois, de nouvelles têtes font leur apparition, à l’instar de Ti West. Il commence sa carrière dans les années 2000 où il va réaliser un premier long-métrage, The Roost, avant de se retrouver avec la suite de Cabin Fever. Mais c’est avec son troisième film qu’il va se faire connaître, à savoir The House of the Devil. Il s’agit d’un film très lent qui va être salué pour son ambiance délétère et son côté rétro très années 80.

A partir de là, le style de Ti West va se reconnaître, avec une ambiance lourde et un rythme très lent. Et il va se faire des fans, comme des gens qui lui trouvent des airs trop boursouflés. Il poursuit cela avec The Innkeepers, soignant énormément son style, au détriment d’un scénario intéressant, ou pour le moins fun. Mais cela suffit à rendre le réalisateur assez iconoclaste, et il va enchaîner les projets, que ce soit dans le court-métrage avec des segments pour V/H/S ou The ABC’s of Death, des longs-métrages avec The Sacrament, ou encore des épisodes de série comme pour Scream et Outcast. Bref, sous ses airs goguenards de branleur amateur de vidéo-club, Ti West est un vrai stakhanoviste, et il a encore fait parler de lui tout récemment, avec sa trilogie Pearl, X et Maxxxine.
« Ti West puise sans vergogne dans le cinéma d’horreur des années 80. »
C’est en 2022 que sort X, qui est le premier film à sortir de la trilogie, mais qui s’insère entre les trois longs-métrages. On nous raconte l’histoire de Maxxxine, une jeune femme qui tourne dans des pornos, et se retrouve sur un tournage au milieu d’une ferme. Sauf que les propriétaires de cette ferme sont de gros barjots qui vont péter un câble en butant tout le monde. Comme à son habitude, Ti West pose une ambiance intéressante, mais son film et des plombes à démarrer pour présenter des personnages pas forcément intéressants. Fort du succès du film, qui doit beaucoup à Mia Goth et à son aspect rétro libidineux, Ti West enchaine avec Pearl, premier film narrativement parlant, qui parlera de la jeunesse de la vieille proprio un peu tarée sur les bords. Privé de salle, c’est sur les plateformes de streaming que l’on pourra profiter du film.
Toujours avec Mia Goth, qui va jouer les trois personnages principaux, Pearl est un film qui se veut horrifique, mais en mode slowburn. C’est-à-dire que le scénario met du temps à se mettre en place, que la tension monte petit à petit, jusqu’à un final qui se veut percutant. Et comme à son habitude, Ti West va mettre près d’une heure pour réellement commencer les hostilités. Durant ce premier temps, très long, on va voir comment Pearl devient une sorte de monstre qui jalouse tout et tout le monde. Toujours aussi impressionnant au niveau de l’image et de la technique, Ti West puise sans vergogne dans le cinéma d’horreur des années 80 pour construire un personnage qui ressemble à une Carrie en 1918. Mère très croyante et castratrice, père malade, mari sur le front, tout concorde pour faire péter une durite à une nana déjà mal dans sa peau.
« On voit que le réalisateur a piqué des idées chez Brian De Palma. »
On comprend bien qu’à travers les lignes, le film veut évoquer plusieurs sujets importants. En premier lieu, la vie à la campagne pour une fille qui rêve de devenir actrice et danseuse. Il n’y a rien à faire, Pearl est bloquée dans ce lieu qu’elle déteste, et elle doit en plus s’occuper de son père. Ti West démontre les rêves déchus d’une femme qui souhaite s’émanciper, mais qui ne le peut pas. On y voit aussi la critique acerbe d’un mode éducationnel à la ramasse, fait de moqueries, privations et autres sévices corporels. On voit que le réalisateur a piqué des idées chez Brian De Palma pour rendre Pearl de plus en plus instable, et on retrouve quelques piques faites à l’église de manière générale. Malheureusement, tous ces thèmes ne trouveront pas vraiment de résonance, la faute à un déroulement déjà connu et à un personnage central pas forcément intéressant.
Mia Goth joue très bien, et s’avère être une actrice qui y met vraiment du sien (même si parfois, on frôle le surjeu), mais on ne ressentira aucune empathie pour le personnage qu’elle incarne. Pearl est malade, on le voit, elle est sadique et complètement perchée, mais même si elle en chie tous les jours, on reste sur quelque chose qui ne nous bouscule pas vraiment. Tout est attendu, certainement à cause de X, sorti avant, et qui nous montre les fêlures du personnage. Et puis tout cela manque cruellement de personnages secondaires intéressants. En règle générale, ils ne servent que de chair à canon, et n’apportent pas vraiment d’éléments à l’intrigue, ni même à faire évoluer Pearl. Sinon de la faire devenir de plus en plus instable, vivant alors dans un délire macabre.
« Ses films manquent de rythme. »
Et puis il faut aussi dire une chose à propos du cinéma de Ti West, même s’il s’inspire des films d’horreur des années 80, il n’arrive jamais à capturer le fun et la liberté d’expression que l’on pouvait avoir à cette époque. Ses films manquent de rythme, ils sont tous construits de la même façon, et les meurtres qu’il présente sont souvent hors-champ. On ressent comme une certaine timidité à aller droit au but, et on peut même dire qu’il ne sait pas gérer sa tension pour fournir quelque chose de plus viscéral. A titre d’exemple, on peut citer le meurtre à la fourche, qui est mal foutu, voire même celui à la hache. Et il ne suffit pas de montrer un démembrement plein champ pour faire grincer des dents, surtout quand tout sonne ultra faux et ultra kitsch.

Au final, Pearl reste un amère déception, d’autant plus que l’on avait un peu d’espoir après avoir trouvé X plutôt sympathique. Malheureusement, le réalisateur reste dans ses travers et ne cherche qu’à faire monter la tension en s’installent pendant une heure dans un fauteuil confortable. C’est bien trop long pour ce que ça raconte, ça manque cruellement de fun et d’amusement, ça se prend trop au sérieux pour quelque chose de finalement basique et sans génie. Que Ti West soit porté au pinacle des réalisateurs d’horreur de nos jours est un mystère qu’il est difficile de comprendre.
Note : 08/20
Par AqME
Une réflexion sur « Pearl – Ti West est-il Surcôté? »