Résumé:
Fimbulvetr est déjà bien avancé. Alors que les forces d’Asgard se préparent à l’affrontement prophétisé qui détruira le monde, Kratos et Atreus doivent explorer les neuf royaumes en quête de réponses. Au cours de leur voyage, ils découvriront de fascinants paysages mythiques et combattront de terrifiants ennemis, monstres et dieux nordiques. Le Ragnarök se fait de plus en plus menaçant. Kratos et Atreus devront choisir entre leur sécurité et celle des royaumes.
Avis :
Il est des noms dont la simple évocation suffit à susciter le respect et l’admiration. Depuis la PlayStation 2, God of War s’est imposé comme l’une des licences exclusives de Sony les plus remarquables en matière d’expérience vidéoludique. Au sortir d’une première trilogie fondée sur la mythologie grecque, particulièrement épique, la fin des années 2010 a marqué une suite/reboot qui s’est penchée sur la mythologie nordique. Dès lors, cet opus s’est avancé comme un véritable chef-d’œuvre tant il excelle à tous les niveaux. Une narration admirable, un gameplay réactif et soigné, une direction artistique de premier ordre, une réalisation magistrale… Les superlatifs ne manquent pas à tel point que la tâche s’avère titanesque pour relever le défi d’une suite.
Des mythes grecs et nordiques : l’héritage God of War
Au même titre que la mythologie grecque, les croyances nordiques constituent un vivier inépuisable d’inspiration pour étayer un nouveau cycle dans l’histoire de Kratos. Le premier volet s’est avancé comme une transition entre deux époques où la fureur laissait place à une forme d’apaisement rédempteur. Le protagoniste évoluait alors vers des considérations beaucoup moins belliqueuses qu’auparavant. Il n’était pas question de lâcheté, mais d’une colère contenue évoquant d’autres perspectives que la confrontation directe ; à tout le moins dans des intentions idéales.
La version 2018 a également amorcé un tournant en matière de gameplay. En complément de la mise en scène, il en ressortait une incursion immersive et foncièrement différente des opus PS2/PS3. Changement d’armes, nouvelles stratégies d’approche dans les combats, exploration poussée dans les 9 royaumes… On a eu droit à une véritable refonte des fondamentaux de la licence. D’où le fait de le considérer comme un reboot. L’histoire, elle, poursuivait le périple de Kratos, à tout le moins créait un lien avec des souvenirs synonymes de douleurs et d’erreurs, non de gloire.
La guerre entre les royaumes gronde et la fin approche à pas de géant…
À l’image de cette transition, God of War Ragnarök, titre ô combien suggestif, s’inscrit dans sa continuité. On songe tout d’abord à son intrigue qui amène à de nouveaux enjeux et la présence de protagonistes à peine évoquer dans le précédent opus. Contrairement au cycle sur la mythologie grecque, l’histoire se présente sous la forme d’un diptyque pour poursuivre l’exploration des grands mythes nordiques. En l’occurrence, les plus emblématiques et les plus flagrants ; à commencer par Fimbulvetr qui augure du Ragnarök à brève échéance.
Au vu de ce qui a déjà été avancé dans la version de 2018, on peut s’interroger sur le renouvellement des contrées à découvrir, sans sombrer dans la redite. Au-delà des rigueurs hivernales des premiers instants, le périple fait montre d’une variété aussi étonnante que contrastée. On songe aux plaines désolées et gelées de Midgard, au caractère granitique et infernal de Muspellheim ou à la végétation luxuriante de Vanaheim. Chaque incursion dans un nouveau royaume est synonyme d’émerveillement. Il en découle une direction artistique magistrale où les environnements fourmillent de détails.
Une histoire d’une profondeur insoupçonnée
Au-delà d’un level design inspiré et cohérent, le titre de Santa Monica Studio présente une qualité d’écriture exceptionnelle. Une fois de plus, les développeurs californiens prouvent qu’il est possible de proposer un jeu d’action nerveux avec une intrigue foncièrement intéressante, jonchée de subtilités. Celles-ci tiennent compte du caractère et des attentes de chaque intervenant, ainsi que d’éventuelles confrontations. Les retournements de situation offrent des instants d’anthologie où la tension des dialogues monte graduellement, selon la mesure des séquences et du passif qui oppose (ou uni) les personnages.
Dès lors, on assiste à une puissance émotionnelle stupéfiante, bouleversante à de nombreux égards. Sans en dévoiler la teneur, cela se produit lors de la perte d’un proche et, surtout, d’une remise en question des idéaux avancés. Cette dernière interroge sur le bien-fondé des actions ou de la direction empruntée. Elle constitue également le terreau narratif pour évoquer la notion de pardon, et ce, dans les circonstances les plus graves qui soient. Au gré du récit, on se penche sur d’autres sujets fascinants, comme le rapport du père au fils, le principe de déterminisme, le sacrifice de soi, sans oublier l’impermanence de l’existence.
L’art du combat dans toute sa splendeur
Côté gameplay, on retrouve les mêmes mécaniques que le précédent opus. Cela vaut pour les déplacements et le système de combat. Au vu de l’excellence de celui-ci, il paraît normal qu’il présente peu de variations, à quelques exceptions prêtes, comme l’usage du bouclier. Les commandes sont réactives pour alterner les coups, créer des enchaînements ou se focaliser sur un ennemi, puis un autre. L’ensemble demeure très intuitif afin d’appréhender les confrontations selon l’environnement et le type d’adversaire. Le cas échéant, l’approche requiert une stratégie précise, a fortiori pour les ennemis les plus retors.
Il convient donc de prendre en compte leurs points faibles selon un pattern spécifique ou une sensibilité élémentaire. En ce sens, la difficulté est bien dosée pour progresser et profiter d’un challenge équilibré, voire exigeant en ce qui concerne les modes les plus durs. S’inspirant de l’action-RPG, l’inventaire propose de nombreux objets pour améliorer l’équipement, les capacités des personnages. De manière non exhaustive, on retrouve un arbre de compétences pour les armes, la possibilité de disposer de runes, sans oublier l’armure et les accessoires de protection.
Une aventure aussi dense que dynamique au sein des neuf royaumes
En ce qui concerne la durée de vie, on peut apprécier un contenu particulièrement généreux, a fortiori pour un titre d’action/aventures. L’histoire principale requiert une trentaine d’heures de jeu. God of War Ragnarök propose néanmoins une odyssée au long cours, prompte à l’exploration. Ce choix permet de mieux se familiariser avec l’environnement, ainsi que les personnages à travers des intrigues secondaires et des quêtes annexes. Celles-ci sont loin d’être subsidiaires et présentent une grande diversité pour maintenir l’intérêt sur le long terme.
En parallèle, on retrouve des services et des travaux à accomplir, des cartes au trésor, ainsi que des stèles de connaissance, pour ne citer que quelques exemples. À cela s’ajoutent plusieurs niveaux de difficulté pour une montée graduelle du défi. Cela sans compter l’élimination des berserkers. Une quête similaire à celle des valkyries dans God of War. Le challenge est donc de taille face à des ennemis plus résistants que les boss eux-mêmes. En somme, on atteint aisément les 60 heures de jeu pour parcourir le titre dans sa grande majorité. Un peu plus si vous souhaitez vous confronter aux défis de Muspellheim.
En conclusion…
Au final, God of War Ragnarök s’avance comme le digne successeur de son prédécesseur. Santa Monica Studio propose une aventure qui se révèle nerveuse et spectaculaire. À certains égards, on pense même entrevoir la rage qui habitait autrefois Kratos, personnage beaucoup plus complexe que laisse supposer sa stature imposante. Son tempérament circonspect dissimule les tourments de son passé, ainsi que les dilemmes à venir. En tant qu’antagoniste, on peut aussi saluer le travail de caractérisation sur Odin. L’histoire en elle-même est autant immersive que fascinante, proposant des dialogues pertinents, à même de refléter les ambitions, les hésitations et les valeurs des intervenants.
Au-delà de la dimension émotionnelle du jeu, soutenu par une bande-son magistrale, on apprécie également une direction artistique sans faille. Quant à la maîtrise du combat, le gameplay offre de nombreuses subtilités, ainsi qu’une grande richesse pour s’accorder avec un style d’approche précis. Cela tient au choix des armes, comme de la stratégie des affrontements. Point d’orgue du cycle nordique, cet opus s’avance comme une aventure exceptionnelle, porteuse d’émotions et d’une intensité rare dans le domaine vidéoludique. Chef d’œuvre.
Le mot de la fin ?
God of War Ragnarök aurait pu s’en tenir là. Néanmoins, certains pans narratifs suggéraient une nouvelle incursion. Pas forcément pour un jeu complet, mais un DLC, gratuit a fortiori. Valhalla constitue une invitation à franchir ses portes pour se confronter à des défis inédits. Le système est différent du titre principal puisque l’on s’oriente vers un rogue-like. En d’autres termes, la mort au cours d’un chapitre impose de recommencer dès le début. Il faut donc échouer et améliorer ses équipements pour progresser, aller de l’avant pour dégager un sentiment d’accomplissement. Un peu comme le protagoniste le fait dans sa quête.
La difficulté est plus retorse qu’auparavant, notamment avec des ennemis qui nécessitent du sang-froid, un bon sens de l’observation et… de la persévérance, surtout si vous choisissez les modes les plus exigeants. Pour autant, God of Ragnarök Valhalla est loin d’être redondant. Cela tient à la possibilité d’explorer différents royaumes pour obtenir autant de récompenses dissemblables, sans susciter un sentiment de défaite. Le gameplay du jeu est donc bien adapté à ce style. Mais le présent DLC dispose aussi d’une scénarisation développée et pertinente pour poursuivre le périple de Kratos sur un peu plus de 8 heures, davantage pour arpenter les royaumes supérieurs.
En cela, Valhalla constitue une sorte de chaînon manquant entre la période grecque et nordique, eu égard à la plongée dans les souvenirs du protagoniste. D’ailleurs, on y retrouve de vieilles connaissances, comme Hélios. Ce qui permet également de confronter Kratos à son passé, ses erreurs. Il est à même de trouver une conclusion à sa quête de rédemption, à l’acceptation de ses choix pour se tourner vers l’avenir. Là encore, le ton s’affranchit de tout fatalisme pour maîtriser son destin, en écho à cette exploration approfondie du Valhalla. Un véritable cadeau des développeurs, loin d’être anecdotique et toujours aussi impressionnant dans sa narration, sa réalisation.
Note : 20/20
Par Dante