Auteurs : Peter J. Tomasi, Keith Champagne, Peter Snejbjerg, Chris Samnee
Editeur : Urban Comics
Genre : Super-Héros, Thriller
Résumé :
Alpha One est le seul super-héros du monde. Une lourde tâche lui incombe donc, celle d’incarner l’espoir de toute l’humanité. Cette douce utopie ne semble cependant pas convaincre tout le monde et les citoyens commencent à se poser des questions sur les origines de cet étrange surhomme. Ce dernier est lui aussi en proie à une crise existentielle qui le pousse à s’interroger sur le rôle et les responsabilités d’un héros. Peut-il réellement, à lui seul, offrir à l’humanité la sécurité et le soutien dont elle a besoin ?
Avis :
Dans le domaine du comics, on commence à souper du super-héros à toutes les sauces et à toutes les cuissons. Qu’ils soient confrontés à des super-vilains ultra forts, à des menaces cosmiques dantesques ou en proie à des traumatismes profonds, il est parfois difficile de faire du neuf avec nos super-héros préférés. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de récits novateurs de nos jours, bien au contraire, mais il est compliqué de trouver des histoires qui prennent tout le monde à contre-pied. Par exemple, en mettant en avant le côté du vilain, ou tout simplement en montrant un super-héros qui cache bien son jeu et devient petit à petit, complètement timbré. C’est le cas de The Mighty, comics indépendant sortie aux States entre 2009 et 2010, et qui pointe le petit bout de son nez chez nous près de quinze ans plus tard.
Et c’est dommage que cette histoire arrive chez nous si tard, car non seulement elle est originale, mais en plus de ça, elle demeure une belle surprise, aussi bien sur le plan formel que sur le fond. Ici, on va suivre Gabriel Cole, un jeune homme qui a été sauvé étant enfant par Alpha One, et qui va devenir son bras droit, celui qui gère son image et ses missions. Alpha One est le seul super-héros de la planète, et il doit sauver le plus de vies possibles dans le monde, sans jamais créer d’incidents diplomatiques, et en évitant le plus de morts possibles. Si au départ, Gabriel est ravi de se poste, il va se rendre compte qu’Alpha One est assez intrusif dans sa vie, et qu’il cache un lourd secret. En menant son enquête, Gabriel découvre le côté sombre d’un super-héros qui semble indestructible.
Alors oui, c’est un poil dommage que ce The Mighty déboule chez nous si tard, après des films comme Brightburn par exemple, car il en perd de son originalité. Ici, Peter J. Tomasi s’emploie à écrire une histoire qui s’assombrit au fur et à mesure et présente un super-héros qui n’est si gentil que ça. Au fil des pages, on va découvrir qu’il met en scène certains accidents pour paraître bon, mais qu’il sélectionne aussi qui doit vivre et qui doit mourir. Une situation cruelle qui, petit à petit, installe un plan dans la tête du héros, qui deviendra alors de moins en moins prudent, et va devoir composer avec un jeune bras droit honnête, qui va deviner qu’il y a un loup dans cette histoire. D’un point de vue écriture, c’est relativement fin, ça monte crescendo, et on est rapidement pris dans le vif de l’histoire.
Certes, c’est moins sulfureux qu’un The Boys, et pourtant, certaines thématiques se recoupent. Par exemple, on aura tout le marketing autour du super-héros, qu’il faut à tout prix protéger pour qu’il garde une bonne image, même lorsqu’il est à l’origine des dangers potentiels. Son speech auprès d’un enfant qui vient de perdre sa mère lors d’un braquage sera filmé, puis mis en avant sur les chaines d’information. On verra aussi comment certains anciens bras droits ont décidé de mentir et de profiter d’une retraite dorée, tant qu’ils ont la vie tranquille et ne fouille pas dans les recoins sombres d’Alpha One. Des sujets assez forts autour du paraître et la manipulation de l’opinion public. The Mighty est moins gras et grossier que The Boys, mais les deux comics se rejoignent de par de nombreux thèmes. Seule la fin sera quelque peu décevante.
Avec cette montée en pression constante, The Mighty fait la promesse d’un final dantesque qui opposerait le faible humain au super-héros indestructible. Cependant, les deux derniers chapitres vont prendre des allures de confrontation super-héroïque, où deux supermen vont se mettre sur la tronche. Si pour le dessin, cela permet de mettre en place quelque chose de dynamique qui explose les codes vus précédemment, on reste tout de même sur une fin facile qui aurait pu montrer que, malgré nos faiblesses humaines, on peut trouver de la ressource pour battre n’importe qui. Ce ne fut pas le choix du scénariste, et même si on peut être déçu par cette fin, elle est respectable, et permet aussi d’en savoir plus sur le background du super-héros/super-vilain, avec ses origines et ses projets pour un monde meilleur (tout ressemblance avec Thanos est totalement fortuite).
Au final, The Mighty est un comics indépendant qui est très réussi, même s’il arrive avec un peu trop de retard chez nous. Si les dessins sont assez simples mais collent parfaitement aux propos, on restera surtout scotché à cette histoire qui monte crescendo et fait étalage, pièce par pièce, d’un super-héros qui dérive lentement vers une folie douce et un enjeu grandiloquent qui le dépasse complètement. En clair, The Mighty est une lecture plus que recommandable, presque nécessaire aujourd’hui, et même si ça reste plus « lisse » qu’un The Boys (moins de sexe et de gore) ou plus complexe qu’un Brightburn, c’est frais, novateur et a le mérite d’être une création indépendante, chose trop rare de nos jours.
Note : 17/20
Par AqME