Avis :
Le Deathcore est vraiment un genre très compliqué à appréhender dans le monde du Métal. Il faut dire que c’est un style très violent, qui reprend un chant plutôt Death, mais avec une rythmique très Hardcore. Le résultat donne des compositions très violentes, très rapides, et parfois, la mélodie n’est pas présente. Parmi les groupes les plus influents de ce genre, on retrouve les américains de chez Whitechapel qui se sont formés en 2006 à Knoxville. Avec un line-up quasi stable depuis le début, et des albums qui sortent tous les deux/trois ans, on peut dire que Whitechapel fait figure de proue du genre. Pourtant, depuis 2019, et leur album The Valley, on voit un tournant dans le style musical de la formation, qui s’oriente vers quelque chose de plus progressif et de plus mélodique. Kin, leur huitième album, va alors démontrer la volonté du groupe d’aller voir ailleurs.
Si la pochette est relativement dépouillée, ce ne sera pas le cas de l’album, qui est très complexe, et pourtant, qui va être le plus accessible du groupe pour les néophytes du genre. En effet, on s’éloigne grandement du Deathcore pure souche, pour glisser doucement vers des pistes plus longues, plus construites, avec une part importante laissée aux instruments et aux partitions mélodiques. Ainsi, Kin est un album complet, profond, et qui correspond parfaitement aux thèmes chers à Phil Bozeman, comme la perte de ses parents, ou encore une jeunesse qui ne fut pas toute rose. Alternant des titres surpuissants et lourds avec des ballades étonnantes et déroutantes, Kin constitue une énorme claque dans la gueule, jouant perpétuellement sur les émotions et les ressentis. Bref, en un mot comme en cent, il s’agit sûrement du meilleur effort du groupe, pour peu que l’on ne soit pas hermétique au changement.
Très clairement, avec cet album, les américains vont jouer sur trois tableaux différents. Le premier, que l’on perçoit dès le premier titre, I Will Find You, est un mélange malin de Deathcore, pour complaire les fans de la première heure, et de Métal Prog avec des nappes de guitares qui sont impressionnants. En alternant le growl avec le chant clair, Phil Bozeman fait étalage de toute sa palette vocale, et délivre même quelques moments mélodiques qui touchent au plus profond. D’autres morceaux seront du même acabit, trouvant un juste équilibre entre violence et douceur. On peut citer History is Silent, qui est une vraie réussite, ou encore Lost Boy, qui offre un mur sonore dans son démarrage, mais offre un break inattendu, à la limite du chant Pop. Le rendu est superbe, et donne envie d’y retourner plusieurs fois, gage d’une réussite probante.
Le deuxième genre que l’on va retrouver se situe dans le Deathcore pur et simple. Ici, avec des titres comme A Bloodsoaked Symphony ou To the Wolves, Whitechapel renoue avec son passé et délivre un message d’une violence percutante et étourdissante. Cependant, malgré les parpaings sonores que l’on se prend dans la tronche, le groupe trouve toujours des fulgurances mélodiques pour mieux nous toucher. Même sur un titre lourd comme The Ones That Made Us, on trouve toujours des moments qui nous happent et restent un long moment dans le crâne. Without Us en est aussi un exemple flagrant, et même si le chant clair risque de déplaire à certains amateurs de growl et vitesse d’exécution ultra rapide, on reste sous le charme de cette prise de risque. Whitechapel mute, évolue, et on sent que le frontman se livre plus que jamais (chose déjà initiée dans The Valley).
Enfin, le troisième axe que prend le groupe, et c’est sans doute là que les fans de la première heure seront déçus, c’est la ballade. Mais pas la ballade sirupeuse où l’on s’ennuie très vite. Ni même une histoire d’amour quelconque pour faire tomber les damoiselles. Ici, Whitechapel délivre des pistes d’une rare douceur, tout en arpentant un chemin dépressif des plus plaisants. Oui, cela peut être dichotomique, mais c’est dans ces passages que le groupe nous touche le plus et arrive à nous chambouler. On peut évoquer Anticure, Orphan ou encore l’énorme Kin. Si on a parfois du growl, bien souvent, le chant clair de Bozeman prend le dessus, et c’est une immense claque dans la tête. Les paroles restent immédiatement en tête, et Whitechapel joue avec nos émotions, pour ne jamais nous quitter. Un tour de force impressionnant qui érige l’album aux meilleures surprises de l’année.
Au final, Kin, le dernier album en date de Whitechapel, est une réussite sur tous les plans. A la fois sombre et lumineux, violent et doux, c’est sur cette ambivalence que le groupe joue pour mieux nous toucher et nous percuter, avec une maestria qui force le respect. Si cette mutation risque d’en laisser plus d’un sur le carreau, notamment les amateurs de Deathcore, on ne peut que féliciter le groupe de prendre autant de risque, et de réussir à pondre un album aussi varié que cohérent, et qui reste dans la tête un très long moment. Un petit chef-d’œuvre.
- I Will Find You
- Lost Boy
- A Bloodsoaked Symphony
- Anticure
- The Ones That Made Us
- History is Silent
- To the Wolves
- Orphan
- Without You
- Without Us
- Kin
Note : 19/20
Par AqME