Auteur : Eric Fouassier
Editeur : Albin Michel
Genre : Polar
Résumé :
Paris, 1832. Alors qu’une épidémie de choléra terrifie la population, un tueur décime le quartier de Saint-Merri, poignardant ses victimes avant de leur amputer un organe chaque fois différent. L’affaire est confiée à Valentin Verne, secondé par sa fidèle Aglaé, désormais membre de son service, et deux nouvelles recrues. Dans le même temps, Vidocq découvre le moyen de percer l’identité du Vicaire.
Avis :
Après deux premiers tomes du Bureau des affaires occultes, Éric Fouassier s’est imposé comme une figure littéraire incontournable dans le domaine du polar historique. L’auteur est parvenu à redonner vie à l’une des périodes les plus instables, au sortir de la Révolution française. On pouvait apprécier un contexte méticuleux et réaliste, le tout desservi par un cheminement immersif et des affaires aux mécanismes rodés. Cela sans oublier des protagonistes attachants, développés avec tout autant de rigueur que les intrigues elles-mêmes. Si la suite confirmait l’essai, Les Nuits de la peur bleue marque l’avènement, voire l’annualisation d’une série d’enquêtes dans le Paris des années 1830.
À l’instar de ses prédécesseurs, le présent ouvrage aime exposer un modus operandi qui échappe à l’entendement. Cela tient à la scène de crime elle-même, aux circonstances des meurtres, ainsi qu’à l’état des cadavres. Pour autant, on ne sombre pas dans des considérations irrationnelles, comme ce fut le cas avec Le Fantôme du Vicaire et l’allusion au spiritisme. L’intrigue confronte alors le milieu de la criminalité avec des découvertes technologiques et scientifiques. Auparavant, on avait pu apprécier les prémices de l’hypnose ou de la photographie avec la daguerréotypie. En écho au contexte sanitaire des années 2020, l’auteur opte cette fois-ci pour la bactériologie.
Au cœur de l’enquête, cet aspect est loin d’être anodin, car il permet d’apporter une dynamique différente. Le parallèle avec la période contemporaine est évident et il ne tient pas uniquement au risque épidémique. Au gré des chapitres, on évoque la dimension politique et l’incompétence du pouvoir à gérer la situation. Sur la base d’anecdotes réelles, on découvre des mesures aussi farfelues qu’absurdes pour endiguer le choléra, à tout le moins le contenir dans les castes sociales les plus basses. On retrouve également des allusions complotistes qui, quant à elle, reposent sur des rumeurs. En revanche, le propos n’est pas développé pour avancer leur véracité ou leur caractère fallacieux.
Au demeurant, le roman offre une reconstitution historique de premier ordre. On songe à l’architecture ou à l’évocation de rues, de quartiers parisiens, parfois disparus. À de nombreux égards, les bas-fonds de la capitale ne sont pas sans rappeler quelques venelles sombres et crasseuses d’Édimbourg ou de Londres à une période similaire. On retrouve un phrasé d’époque avec un langage argotique et d’expressions propres aux nantis, forces de l’ordre et criminels. La méticulosité pour retranscrire pareil vocabulaire reste toujours aussi admirable, tant elle s’avère délicate pour faire correspondre les termes avec les situations.
Quant aux protagonistes, on poursuit leur évolution. Si l’affaire du Vicaire est encore dans les mémoires, on sent une volonté de progresser, de leur offrir de nouvelles perspectives. On songe à la relation qui unit Valentin et Aglaé, notamment pour s’affranchir de leurs traumas passés respectifs. Bien qu’il demeure un personnage secondaire, la présence de Vidocq est plus appuyée que dans les deux premiers opus. Cependant, on regrette des retournements de situation et des aboutissants assez attendus. Cela tient surtout au mobile et à l’identité des suspects. L’ensemble s’avère dynamique et bien amené, même s’il avait été bienvenu d’avoir davantage de surprises dans la progression.
Au final, Les Nuits de la peur bleue s’inscrit dans la même veine que Le Fantôme du Vicaire. On apprécie la qualité d’écriture, la capacité de l’auteur à entraîner son lectorat dans la France des années 1830. Le contexte, le langage et les différentes ambiances qui émanent de la capitale concourent à fournir un récit distrayant et instructif. On salue aussi le travail de caractérisation, ainsi que les thématiques choisies propres aux études scientifiques, à la bactériologie. À cela s’ajoutent une évocation de l’émancipation de la gent féminine et un subtil parallèle avec notre époque. Seul bémol au roman d’Éric Fouassier : une prise de risques minime qui aboutit à un fil directeur prévisible, même s’il reste sans temps mort.
Note : 14/20
Par Dante