avril 19, 2024

Le Miroir de la Sorcière

Titre Original : El Espejo de la Bruja

De : Chano Urueta

Avec Rosita Arenas, Armando Calvo, Isabela Corona, Dina De Marco

Année : 1962

Pays : Mexique

Genre : Horreur

Résumé :

Sara est employée domestique chez un docteur fou, enclin au féminicide. Elle est aussi une sorcière, qui communique avec des esprits tout-puissants et rêve de venger la mort de sa filleule, l’ancienne femme de son employeur.

Avis :

Durant les années 60, le Mexique était devenu une sorte de terre sainte pour le cinéma fantastique. Jouant constamment avec les mythes connus de tous comme Dracula ou le monstre de Frankenstein, de nombreux réalisateurs se sont jetés à corps perdu dans le cinéma d’épouvante ou d’horreur, tout en distillant quelques bribes du folklore mexicain. On pense bien évidemment aux lutteurs, mais on peut aussi y rajouter les sorcières, ces fameuses « bruja », qui n’hésitaient pas à jeter des sorts. En 1962, l’acteur et réalisateur (avec plus de cent films à son actif) Chano Urueta passe derrière la caméra pour tourner Le Miroir de la Sorcière. Film caractéristique de cet âge d’or mexicain, on va retrouver là-dedans tous les ingrédients d’une épouvante à la Hammer, avec de grosses allusions à Frankenstein. Et force est de constater que tout cela vieillit plutôt bien.

Dès le départ, le film va nous parler des sorcières, et surtout d’une image assez dégradante de la femme au sein de la société. C’est presque drôle de voir cela, tant il est indiqué que la femme peut devenir une vile sorcière, avec une appétence pour la vengeance, faisant alors appel à des démons venus des enfers. On retrouve tous les délires autour de l’image de la sorcière vengeresse, et le film va donc nous raconter comment une servante, enclin aux forces démoniaques, va tourmenter son patron qui a empoisonné sa nièce pour refaire sa vie avec une autre femme. Pitch qui démarre comme un thriller ésotérique, le film va rapidement muter vers quelque chose de fantasmagorique, où esprit et magie noire vont se côtoyer. Du moins, dans la première partie, qui va poser les bases de la vengeance, avec quelques images bien troussées pour susciter de l’angoisse.

« Chano Urueta peaufine sa mise en scène avec des plans fixes travaillés afin de mettre en avant une ambiance macabre et délétère. »

Le noir et blanc grâcieux, la présence de statue qui bouge, l’autel de la sorcière qui baigne dans la brume, avec ce fameux miroir qui permet de discuter avec les esprits, Chano Urueta peaufine sa mise en scène avec des plans fixes travaillés afin de mettre en avant une ambiance macabre et délétère. Cela va se poursuivre avec la planification de la vengeance. En effet, lorsque l’homme de la maison va refaire sa vie, dans l’ombre, la servante va alors tout faire pour gâcher la vie de la nouvelle venue, et faire sortir de ses gonds un homme qui n’a aucun scrupule sur le meurtre qu’il a commis. Sans jamais trop en faire, le réalisateur continue d’explorer les mythes et les légendes fantomatiques afin de jouer sur la psychologie des personnages et faire ressortir le pire d’eux. Là encore, la sobriété est de mise.

Ce côté sobre va permettre de donner plus de poids au climax du long-métrage, où l’homme, pris d’une peur primaire, va casser le miroir avec une lampe à pétrole, mettant alors le feu à sa bien-aimée. Le film va alors prendre un nouveau tournant, lorgnant moins sur la Hammer que sur le Frankenstein de James Whale. Ici, l’homme va tout faire pour réparer son erreur, et il veut alors redonner sa beauté à sa nouvelle femme en utilisant des cadavres frais et en faisant des greffes de peau. Le film dérive alors doucement vers un macabre glauque, où un assistant va aider le professeur à trouver des corps, voire à tuer des femmes, pour récolter des éléments essentiels à son expérience. La folie fiévreuse gagne alors tout le monde, partagé entre effroi, excitation et damnation. Et la vengeance de prendre un autre tournant.

« Il y a un côté nihiliste au film qui est relativement plaisant. »

C’est là un coup de force du réalisateur qui arrive à allier deux éléments en un seul ors de la fin du film. Ici, les éléments fantastiques rencontrent les éléments horrifiques pour fournir un dernier quart qui va aller très vite, mais sans jamais tomber dans la surenchère ou le surplus. Avec des effets simples, mais gores pour l’époque, le cinéaste réunit tout ce qu’il a construit jusqu’à alors pour aboutir à une fin abrupte, replaçant alors l’image de la sorcière au centre des attentions, montrant que dans l’ombre, son plan machiavélique marche à la perfection. On se rendra compte alors que personne n’est vraiment innocent dans cette histoire, et que quasiment tout le monde est un être vil et opportuniste. En ce sens, il y a un côté nihiliste au film qui est relativement plaisant, en plus d’être surprenant pour une production qui a plus de cinquante ans.

Au final, Le Miroir de la Sorcière est un très bon film qui, comme le bon vin, se bonifie avec le temps. Grâce à une mise en scène classieuse et un scénario solide qui évolue en utilisant des éléments d’épouvante et d’horreur, Chano Urueta propose un long-métrage qui lorgne sur la Hammer que sur les films de monstres de chez Universal, et le résultat est très concluant. A la rigueur, le seul reproche que l’on peut lui faire, c’est d’être parfois un peu trop explicatif sur certains éléments fantastiques, ou de ne pas assez utiliser l’imagerie démoniaque de la sorcière. Mais cela reste des broutilles, face à une histoire équilibrée et très bien amenée.

Note : 16/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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