Titre Original : Dirty Mary, Crazy Larry
De : John Hough
Avec Peter Fonda, Susan George, Adam Roarke, Vic Morrow
Année : 1974
Pays : Etats-Unis
Genre : Policier, Action
Résumé :
Larry, pilote de course féru de vitesse, Deke le mécanicien et Mary, l’amante de Larry sont tous les trois pourchassés par la police. Plus tôt, ils ont dévalisé les caisses d’un supermarché et se sont enfuis à bord d’un bolide qui fonce droit sur la route sans se soucier des dangers et des barrages placés par les forces de l’ordre. Parviendront-ils à quitter l’État et à participer au circuit international de course automobile ?
Avis :
C’est à la fin des années 60 que John Hough commence sa carrière. Il se fait tout d’abord la main sur des épisodes de Chapeau Melon et Bottes de Cuir avant d’entamer un premier long pour Universal avec Les Sévices de Dracula en 1971. Par la suite, il va tourner L’Ile au Trésor avec Orson Welles, qui sera un échec critique. Dès lors, il retourne dans l’horreur avec La Maison des Damnés, puis enchaîne avec Larry le Dingue, Mary la Garce, avant de partir chez Disney pour proposer des films de genre comme La Montagne Ensorcelée ou Les Yeux de la Forêt. Mais revenons à nos moutons avec le film qui nous préoccupe aujourd’hui, qui aurait inspiré Tarantino pour son Boulevard de la Mort et qui reste, peut-être, le meilleur film de John Hough.
Scénario épuré
Larry le Dingue, Mary la Garce est un film qui ne brille pas par son scénario. Le film démarre avec un braquage en douceur par deux types, que l’on va apprendre à connaître durant leur escapade pour échapper à la police. Larry est un pilote de course raté qui ne rêve que d’une chose, aller à Daytona pour faire la course. Et il espère bien y arriver avec l’argent volé. A ses côtés, il y a Deke, son mécano qui lui a toujours été fidèle. Mais on retrouve aussi Mary, une conquête que Larry, impulsive et un peu folle, qui ne souhaite qu’une chose, vivre une aventure. Ces trois lascars vont faire une grosse course-poursuite avec la police pour leur échapper, et le film se concentre uniquement sur cette poursuite. Fort heureusement, en substance, John Hough raconte tout de même un peu plus.
En effet, que ce soit dans la narration, linéaire, ou dans le montage, le film est très simple, très épuré, mais il fonctionne à plein régime grâce à des personnages qui se livrent au fur et à mesure de la course. Et cela, que ce soit du côté des braqueurs ou des policiers. John Hough sait qu’il doit faire simple, mais pour que son film marche, il doit fournir des personnages travaillés, avec un passé trouble et des éléments qui les rendent attachants. Ainsi donc, à chaque arrêt (à cause d’un accident, d’une avarie, ou encore d’une pause) le réalisateur en profite pour creuser ses personnages et leur donner de l’épaisseur. Ainsi, sous ses airs de beau gosse, Larry cache un mal-être prégnant et un gros regret, celui de n’avoir jamais percé dans le milieu automobile. Deke souffre d’alcoolisme et il doit affronter les piques de son meilleur ami.
Prouesse technique
Il ne faut pas oublier Mary non plus, mystérieuse, mais avec un passé trouble. On la soupçonne d’être une fille de joie et de s’être attirée les foudres de quelques malfrats, mais rien n’est vraiment défini. De l’autre côté, les policiers ne sont pas en reste, et notamment celui qui décide de mener la traque à bord d’un hélicoptère. Il est en dehors des clous, se moque de sa hiérarchie et refuse même de porter l’uniforme ou l’insigne. Cet homme fort semble trouver dans cette traque une certaine satisfaction, comme s’il prenait cette affaire de manière personnelle. La force du récit réside alors dans les personnages, qui sont tous complexes, contrairement à son intrigue de base, qui reste très simple. En fait, on retrouve dans ce film une narration à la Mad Max Fury Road, où une partie est racontée avec les images.
Des images folles qui démontrent le talent dingue de John Hough, qui ne trouvera malheureusement pas vraiment le succès durant sa carrière. Ici, tout est mis en œuvre pour que l’on soit plongé dans cette voiture qui déboule à toute berzingue. Les accidents sont nombreux et on sent la tôle qui se tord. Certains passages sont clairement impressionnants et cela est dû à une mise en scène dynamique et un refus catégorique de céder à des effets de style factice. Le tournage fut d’ailleurs dangereux, à un tel point que l’un des acteurs avait souscrit une assurance vie s’il se crashait avec l’hélicoptère. Cette séquence, à la toute fin, est d’ailleurs d’une rare intensité, qui vaut à elle seule le coup d’œil. La maîtrise technique est parfaite et plus de quarante ans plus tard, elle fait toujours son effet.
Nihilisme
Il est vrai que Larry le Dingue, Mary la Garce est un film qui manque peut-être un peu d’intensité dans certains rapports, et que la romance peut paraître factice. Larry est tout de même un gros connard qui se sert des autres pour ses propres ambitions et il parle à Mary de manière très pénible. De même Mary, qui avec ses sautes d’humeur va mettre tout le monde en danger. Il y a une grosse part de hasard dans le destin de ces personnages, mais aussi une pointe de nihilisme, sachant très bien qu’ils ne vont pas bien vivre longtemps, brûlant la vie par les deux bouts. L’insouciance dont ils font preuve démontre bien leur mal-être et le film ne joue pas assez sur cette dichotomie entre leur joie de vivre dangereusement, et leur malaise constant, ne sachant comment se parler ou tout simplement vivre « normalement ».
Au final, Larry le Dingue, Mary la Garce est un bon film de John Hough, peut-être même l’un de ses meilleurs. Film qui aurait inspiré Point Limite Zéro ou encore Boulevard de la Mort, le métrage en question propose une technique irréprochable, voire même époustouflante dans son dernier quart d’heure, au service d’un propos plus profond qu’il n’y paraît au premier abord. S’il manque d’un peu plus de profondeur ou d’un thème plus percutant, il n’en demeure pas moins un film presque grindhouse avant l’heure, le sang et le crapoteux en moins. Bref, un film sympathique, réussi et qui mérite une redécouverte.
Note : 14/20
Par AqME