avril 19, 2024
BD

Zorn & Dirna

Auteurs : Jean-David Morvan et Bruno Bessadi

Editeur : Soleil

Genre : Fantastique

Résumé :

Voici une légende très ancienne… celle de la Mort. Voulant échapper à l’inévitable, le roi Hochwald Premier, obsédé par la Faucheuse, usa de centaines de stratagèmes pour y échapper et finit par parvenir à l’emprisonner dans un miroir. Ainsi, il avait vaincu la plus grande peur de l’Homme. Mais les conséquences de ce geste n’en furent que plus tragiques… Mourir n’empêchait pas de souffrir des effets de l’âge… Depuis, la race humaine ne meurt plus, l’âme restant dans les corps pourrissants des hommes, l’unique solution est d’en détacher la tête mais là encore l’esprit va se réfugier dans le corps de l’exécutant. Le salut viendra peut-être avec les deux jumeaux Zorn et Dirna, dont le maître Erken s’essaie à révéler leur incroyable pouvoir, celui de tuer… Après la mort de leur maître, les deux enfants, complètement dépassés par l’importance de leur pouvoir, vont se lancer dans une quête dont ils ne mesurent pas l’enjeu, en compagnie de Seldnör le chasseur de prime…

Avis :

Jean-David Morvan fait partie de ces scénaristes prolifiques dans le monde du neuvième art, à un tel point que de nombreuses séries cultes portent son nom. On pense bien évidemment à Sillage, mais on peut aussi citer Troll ou encore Trop de Bonheur. Au milieu d’une palanquée de titres, on trouve aussi Zorn & Dirna, une série en six tomes qui se déroule non pas dans de la science-fiction, mais dans un univers médiéval fantastique. Nous plaçant dans un monde où la mort n’existe plus à cause d’un roi mégalo, Zorn & Dirna raconte l’épopée de deux jeunes gamins qui ont le pouvoir de délivrer les âmes en touchant et souhaitant la mort de quelqu’un. Aidé de Bruno Bessadi au dessin, on peut aisément dire que cette série est ambitieuse, et elle va même se payer le luxe de traiter plein de thèmes, notamment certains en avance sur leur temps.

La mort n’existant plus, le premier sujet traité sera la décrépitude et l’ennui qui vont faire leur apparition. A l’aide d’une scène de marionnettes, le scénariste va établir son univers avec ce fait, et très vite, on va se rendre compte que les corps se décomposent tout de même, et que certains métiers font leur apparition, comme les chasseurs de primes et les lamineurs. De façon succincte et intelligente, la série pose les bases de son premier thème en plaçant les humains face à l’absence de mort, avec toute la dichotomie que cela impose. A savoir, mourir est-il une solution ou bien vivre est plus important, quitte à pourrir petit à petit ? Un choix cornélien qui est vite résolu par l’un des personnages principaux, Seldnör, dont le métier est de traquer les zombies. Mais l’arrivée du pouvoir des deux enfants va changer la donne.

Ainsi, en octroyant ce pouvoir de mort aux enfants, le scénariste se permet un choix assez percutant. Doit-on donner une telle responsabilité à des gosses de six ans ? En ce sens, le dernier tome est malin, notamment avec le grand méchant qui va pousser à bout Zorn, devenant alors incapable de souhaiter la mort de qui que ce soit. Il y a une vraie logique dans le raisonnement, et dans le déroulement de l’histoire, qui arpente un monde dangereux, où chacun établit sa folie là où il le peut. Une auberge et une vieille dame deviennent alors un lieu de perdition pour des enfants. Une communauté de gosses va se transformer en lupanar pour zombie afin d’agrandir la peuplade. Bref, la mort est vue sous tous les angles, pervertissant une humanité qui n’avait pas besoin de beaucoup pour partir à la dérive.

En plus de ce sujet central, on va trouver d’autres thèmes contemporains, qui font même écho à des problématiques actuelles. Le fait que la maman se retrouve dans le corps d’un homme, et que le père, à partir du quatrième tome, se trouve dans le corps d’une femme évoque le transgenrisme. Et là, c’est fait avec une certaine pudeur et une belle ouverture d’esprit, surtout pour l’époque. En révélant l’antagoniste, son complot pour devenir roi et ses dérives sexuelles, on va vite voir l’égoïsme des gens de pouvoir, dont la seule chose qui les intéresse, c’est les pleins pouvoirs, l’omnipotence. Cela permet de tacler la bourgeoisie, et notamment cette cour qui suit le dauphin dans l’espoir de retrouver une jeunesse éternelle. Bref, il y a vraiment des thèmes forts et percutants dans cette BD qui ne s’adresse pas un public jeune.

Car malgré les dessins tout en rondeur de Bruno Bessadi, Zorn & Dirna est une bande dessinée gore. Les corps sont tranchés, découpés, il y a des intestins de partout et ça n’hésite pas à buter n’importe qui ou n’importe quoi. Le dessinateur se fait plaisir et en profite pour en foutre de partout, à la manière d’un joli petit splatter. Et à quelque part, le fait de rendre tout cela très sale correspond parfaitement à la décadence humaine que l’on voit au fur et à mesure des pages. Il y a une vraie corrélation entre le dessin et l’histoire, les deux osant aller très loin dans la perfidie et le gore. Pour autant, la série n’est pas dénuée d’émotions, notamment à chaque fin de tome, où les larmes coulent, avec un rebondissement touchant autour de la famille et de ce qu’elle devient après chaque évènement sordide.

Au final, Zorn & Dirna est une bande-dessinée qui est très mature, contrairement à ce que peut laisser croire ses dessins et ses couvertures. Derrière les sublimes dessins de Bruno Bessadi, on retrouve surtout des thèmes forts et intelligents, traitant d’un devenir sordide de l’humanité face à l’absence de mort. En seulement six tomes, Morvan tisse une belle intrigue au sein d’un univers qui aurait pu être encore plus approfondie, mais qui permet de questionner le lecteur sur la nécessité de la mort, et de ne pas en avoir peur. Bref, une pépite.

Note : 17/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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