mars 28, 2024

Le Bal

De : Ettore Scola

Avec Christophe Allwright, Aziz Arbia, Marc Berman, Régis Bouquet

Année : 1983

Pays : Italie, France

Genre : Comédie

Résumé :

Dans une salle de bal redéfile l’histoire de la France, des années 20 aux années 80, au gré des musiques qui ont rythmé ces décennies. Le Front Populaire, la Seconde Guerre mondiale, la Libération et Mai 68 sont ainsi évoqués sur fond de jazz, de rock’n’roll et de musique disco.

Avis :

Dans le paysage du cinéma italien, Ettore Scola est un cinéaste qui fait office de Maître. Il faut dire que le metteur en scène décédé en 2016 à l’âge de quatre-vingt-quatre ans laisse derrière lui une œuvre de près de quarante films, qui s’étalent sur cinquante ans de carrière. Quarante films qui se laissent découvrir ou redécouvrir avec curiosité et plaisir, face à l’audace d’un réalisateur qui a toujours voulu filmer la société, pour parler de blessures, ses exubérances, son évolution, ou simplement sa déconnexion avec le présent, comme dans le magnifique « Une journée particulière« .

Après avoir passé deux décennies en Italie, depuis peu, Ettore Scola se tourne vers la France. Après s’être intéressé à la révolution française avec « Les nuits de Varenne« , c’est à une autre partie de l’histoire française qu’Ettore Scola s’arrête, avec un film concept. Car oui, ce « bal » est vraiment un concept, et un concept très audacieux. Peut-être même le genre de film qui ne pourrait plus se faire aujourd’hui, et c’est bien dommage.

Retraçant cinquante ans de l’évolution de la société française au travers des bals, Ettore Scola livre un film fascinant et passionnant, qui fourmille de détails, et c’est même dans ces détails que ce « bal » se fait incroyable, et ô combien riche.

Une salle de bal refaite à neuf, de la musique des années 80 et des femmes et des hommes qui s’installent petit à petit pour passer la soirée ensemble, se draguer, se rejeter, et surtout danser. Cette salle existe depuis très longtemps et au travers des décennies, elle a connu bien des modes, bien des genres, bien des distinctions et pendant la Seconde Guerre mondiale, elle a même servi de refuge…

Poursuivant ma rétro sur les films qui ont eu le précieux César du meilleur film, je m’arrête donc aujourd’hui sur « Le bal » d’Ettore Scola et quelle ne fut pas ma surprise face à ce film, dont je n’avais jamais entendu parler avant de poser les yeux dessus.

« Le bal« , c’est un film concept. Ettore Scola a décidé, comme je le disais, de filmer cinquante ans d’histoire de France à travers la salle d’un bal, et comme si le concept n’était déjà pas assez osé comme cela, le réalisateur a choisi de faire un film entièrement musical, dans lequel on ne trouvera aucun dialogue, voulant s’appuyer sur la force de ses danses et sur les détails qui vont régner en maitre sur ce film.

Original, très bien pensé, parfaitement monté, même s’il faut aussi dire que parfois le film a pris un coup de vieux, « Le bal » se pose comme une œuvre très dense. Une œuvre qu’on pourrait même qualifier de folle et de culotté tant le cinéaste a une vision claire et qu’il arrive parfaitement à retranscrire son idée et les évolutions que la France va traverser au travers d’une salle de bal, et au-delà de ça, d’un huis clos, où il se passera toujours quelque chose d’intéressant.

Passant des années 30 à la Seconde Guerre mondiale, puis aux années 50, 60, 70 et enfin 80, « Le bal » est un film très étonnant. C’est un film très bien pensé, qui jamais ne nous perd. Sur un scénario qui tient, il faut bien le dire, sur un mouchoir de poche, Ettore Scola arrive pourtant à livrer un film qui se pose comme bien plus grand que cela. Un film qui, comme je le disais, fourmille de détails qui se posent comme autant d’évolutions du pays. Chaque époque y aura le droit, et ce sera passionnant de voir à quel point le film est travaillé. Certes, la première chose qu’on verra, ce sera l’évolution des danses, passant des bals musettes au jazz, au rock, puis la pop, mais derrière ça, et c’est à coup sûr le plus important et le plus passionnant, c’est bien tout ce que le réalisateur injecte dans ses personnages.

Le look, les démarches, le décor de la salle qui change petit à petit pour s’adapter. Puis il y a les accessoires qui eux aussi racontent énormément de choses. Truc tout bête, l’arrivée des chewing-gums, ou encore le rock, avec ses attitudes et son look. Petit à petit, au sein de cette salle de bal qui se transformera en dancing, le réalisateur parle de l’évolution de la France, et l’arrivée de la mondialisation (ça se ressent aussi dans l’évolution de la musique), et ça, c’est vraiment passionnant. Puis le film est si riche qu’il est bien impossible d’en découvrir toutes ses subtilités au premier coup d’œil, ce qui est très bien, car ça donnera l’occasion de le revoir.

Toujours dans le travail impeccable du réalisateur, « Le bal » est aussi un film qui nous offre un boulot assez dingue sur les chorégraphies, qui s’associent à la mise en scène, la caméra de Scola passant d’un couple à l’autre, traînant au ras du sol, prenant de la hauteur pour filmer la guerre, flottant dans tous les sens pour mieux coller à des styles, des époques… Bref, c’est osé, c’est étonnant et ça marche tellement bien, que les César reçus pour l’occasion n’ont pas été volés (Et petite pique perso, c’est tellement mieux que « A nos Amours » de Pialat, qui a reçu en 1984 avec Scola le prix du meilleur film… ).

Pour faire vivre ces salles de bal, le réalisateur s’est entouré d’une bande d’acteurs qui ont la difficile mission de nous faire passer leurs émotions sans dire un mot. Ainsi, tout se passe dans la gestuelle et les regards, et même si on pourrait regretter de ne pas vraiment avoir de personnage à proprement parlé, tous relèvent le défi haut la main.

Ainsi ce « bal » fut une expérience à part. Ettore Scola livre un film passionnant et bluffant qui nous tient sur les presque deux heures qu’il dure. Après, comme tout film à concept, il faut pouvoir entrer dans ce dernier, et il est vrai que « Le bal » peut laisser certains sur la route. Encore, je ne suis même pas sûr, tant le film est riche, bien écrit et très bien pensé. Bref, ce « bal » se pose comme une très belle surprise et un coup de cœur.

Note : 18/20

Par Cinéted

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